
À la suite de l’inauguration de la nouvelle stabulation, un audit vétérinaire complet, de l’alimentation à la qualité des sols, a permis de résoudre un problème de boiteries sur le long terme et d’éviter les récidives.
Cet article est basé sur le travail d’Alicia Nurit, étudiante en cinquième année à la Clinique vétérinaire de la Haute Auvergne située à Saint-Flour (Cantal). « Il s’agit du cas clinique d’un élevage faisant face à un problème important de boiteries à la suite de l’inauguration d’un nouveau bâtiment. Après avoir analysé les lésions sur les animaux et réalisé un parage thérapeutique, une étude attentive menée sur le bâtiment, l’hygiène et l’alimentation révèle que le facteur principal responsable de ces boiteries concerne le type de sol sur lequel les vaches évoluent », explique celle qui est aujourd’hui praticienne dans une clinique rurale de l’Aisne.
Des sols en béton désactivés pour prévenir les glissades
Rappelons d’abord le contexte : Serge Coste, à la tête d’un troupeau de 65 montbéliardes en filière AOP cantal, met en service, au cours de l’été 2020, une stabulation de 80 logettes sur caillebotis. Auparavant, le troupeau était logé en étable entravée, sur des tapis paillés, avec un accès au pâturage de mai à octobre. Dès l’entrée dans le nouveau bâtiment, la prévalence des boiteries explose, jusqu’à concerner près de la moitié des animaux. En seulement trois mois, pas moins de huit vaches vont être réformées pour des boiteries sévères et saisies à l’abattoir. Une situation qui va conduire l’éleveur à solliciter l’intervention de sa clinique et de son vétérinaire, Marc Billerey.
L’introduction des vaches dans la stabulation s’est pourtant faite progressivement : au mois d’août, elles étaient au pâturage jour et nuit, avec un passage en bâtiment pendant deux heures au cornadis matin et soir ; puis elles ont commencé à passer la nuit en stabulation à partir de septembre. Ici, les logettes sont en nombre suffisant (+ 10 %). Elles sont ébousées deux fois par jour, recouvertes de 300 g de poudre de paille et le test du genou révèle des matelas plutôt confortables (ce test consiste à se laisser tomber sur les genoux dans la logette). Détail qui a son importance, les caillebotis ont été fournis avec une désactivation d’origine. Pour rappel, la désactivation du béton consiste à pulvériser en surface un produit retardateur qui, une fois la prise effectuée, permet à l’aide d’un puissant jet d’eau de faire apparaître les granulats. Adaptée aux aires d’attente pour prévenir les glissades, cette pratique est parfois déconseillée dans les aires d’exercice en raison d’une plus grande difficulté de raclage. Enfin, la salle de traite, une TPA 2 x 8 postes, offre un bon espace de dégagement vers l’avant.

Des facteurs de risque liés à l’habitat
Lors de la mise en route, les vaches ont mis du temps à s’acclimater aux logettes, ce qui a occasionné des stations debout prolongées sur le béton. Puis, c’est avec l’inauguration de la salle de traite au mois d’octobre que la situation s’est fortement dégradée. Dès lors, l’intervention du praticien reposait d’abord sur la détection des boiteuses, suivi de quatre sessions de parage. L’objectif : repartir sur des bases saines et identifier les facteurs de risques. Les 31 vaches repérées comme étant boiteuses passeront toutes dans la cage, pour un premier parage thérapeutique ou curatif. Les lésions traumatiques observées sont en majorité des bleimes, des ulcères de la sole, de l’érosion en pince et de l’ouverture de ligne blanche, qui laissent suspecter un lien avec la qualité des sols. Les bleimes peuvent aussi être liées aux stations debout prolongées lors de la mise en route qui sollicitent fortement la corne de la sole.

Trois autres sessions de parage seront ensuite programmées à une quinzaine de jours d’intervalle. Elles permettront de soigner les lésions et de rétablir les aplombs. « Lors de la dernière session, les lésions étaient moins nombreuses et nous avons pu observer principalement du comblement de la sole, témoignant de l’adaptation progressive du pied des vaches. »
Le sol de la salle de traite très abrasif pour la corne
L’identification des lésions a donc orienté les investigations autour des conditions d’habitat. Sur les caillebotis, un simple test de rotation sur un pied permettait d’effectuer trois quarts de tour. En revanche, le sol de la salle de traite recouvert de résine ne permettait quasiment pas de tourner sur place. Le test de la planchette venant confirmer une abrasivité excessive : une planchette frottée avec une pression modérée sur plusieurs mètres apparaissait fortement poncée. Il s’agit d’un facteur de risque pour les lésions d’érosion de la pince et d’ouverture de ligne blanche.
Au niveau du couchage, les logettes sont bien dimensionnées, même s’il manque quelques centimètres de hauteur de barre au garrot qui ont pu contribuer à pénaliser le temps de couchage au début : 117 cm, au lieu des 122 à 127 cm recommandés. Afin d’évaluer plus précisément le confort, une vidéo timelapse a été réalisée : avec 56 % de temps de repos couché sur vingt-quatre heures, l’objectif de douze à quatorze heures est respecté. Concernant l’ambiance, les sols sont relativement propres, sans zones où stagnent les urines et les bouses, et le test du fumigène indique une ventilation efficace. Les quelques cas de Mortellaro observés sont mis en lien avec un défaut de propreté des pieds inhérents à ce mode de logement, d’autant que la forte présence de tarcites (30 %) indique que la litière est insuffisante : la poudre de paille est certes pratique et économique, mais elle peut manquer de confort par rapport à de la paille, avec pour conséquence un échauffement des jarrets. De plus, le temps passé bloqué au cornadis peut être considéré comme un facteur de risque supplémentaire de boiteries. Le praticien recommandera de le limiter à une heure et demie.

Une perte d’état qui affecte le coussinet podal
Enfin, sur le volet de l’alimentation, un léger déficit d’état corporel a été mis en évidence. Or une perte d’état affecte également le coussinet adipeux podal qui joue le rôle d’amortisseur entre la corne et le vif du pied, ce qui peut expliquer l’apparition de bleimes, ulcères ou lignes blanches. La mesure des corps cétoniques sur des vaches en début de lactation (< 60 jours) ne révélera pas de mobilisation excessive des réserves. Mais une transition alimentaire trop rapide à la mise-bas, associée à un défaut de valorisation de la ration, a pu contribuer à une baisse d’état corporel : dans les trois jours post-vêlage, la quantité de concentré passait de 1,5 kg à 5 kg/vache.
« Les boiteries dans cet élevage étaient majoritairement dues à un problème de sol et, de façon secondaire, à la gestion de la transition alimentaire autour du vêlage. Les vaches ayant passé l’hiver précédent sur des tapis et au pâturage, la pousse de la corne n’était pas adaptée à l’abrasivité de ce sol. Cela explique que la corne s’est d’abord usée plus vite qu’elle n’a poussé, puis que l’on ait retrouvé du comblement de la sole. L’incidence des boiteries devrait d’autant plus diminuer que la pousse de la corne va s’adapter à ces nouvelles conditions. »
En effet, en décembre 2021, dix mois après la dernière intervention, tout le troupeau a de nouveau été paré et seules quelques vaches présentaient encore des lésions : 3 ulcères et 3 ouvertures de lignes blanches de faible gravité. Sur les conseils du praticien, plusieurs cessions de raclage manuel ont accéléré l’usure du revêtement en salle de traite. Serge, désormais associé à son fils Sébastien, a revu la phase de transition post-vêlage. En salle de traite, ils lavent les pieds et appliquent un traitement local sur les lésions de Mortellaro. Le parage préventif systématique est programmé avec le GDS et Sébastien n’hésite pas à lever les pieds entre deux passages dès les premiers signes d’inconfort. « Depuis cette mise en route difficile, nous n’avons plus réformé d’animaux pour cause de boiteries. La situation s’est considérablement améliorée même s’il reste un peu de Mortellaro que nous gérons en salle de traite. »
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