Dossier Article 4 / 6

Tout savoir sur les boiteries en élevage laitier

©Pixabay/NadineDoerle

Tout savoir sur les boiteries en élevage laitier

Comment reconnaître les boiteries, les combattre ou encore les prévenir ? Retrouvez dans ce dossier plusieurs articles sur une maladie majeure en élevage laitier.

« En trois mois, nous avons redressé la situation grâce au suivi Locowmo »

Article réservé aux abonnés.

Philippe Carnet Gaec de la Paluelle dans son étable
Philippe Carnet : « Nous avons beaucoup travaillé la génétique du troupeau et visons un certain niveau d’intensité au robot. À nous de tout mettre en œuvre pour que les vaches soient en condition d’exprimer leur potentiel." (© J. Pezon)

Au Gaec de la Paluelle, l’identification et la prise en charge des boiteries modérées dans le cadre du suivi vétérinaire ont permis de corriger une situation très dégradée au robot de traite.

Le cas de Sandrine et Philippe Carnet a un petit air de déjà-vu : une recrudescence des boiteries consécutive à l’installation de deux robots de traite. Il y a un an et demi, le couple faisait ce choix avec la volonté d’améliorer leur qualité de vie. « Le robot nous a libérés de la contrainte. Nous ne ferions pas machine arrière, d’autant que Sandrine commençait à souffrir des épaules », explique Philippe.

Ce passage à la traite robotisée s’accompagne de ­l’arrêt du pâturage, l’accès à l’herbe se limitant désormais à un parcours. Ces nouvelles conditions vont se révéler propices au développement rapide de la dermatite digitée, ou maladie de Mortellaro, introduite dans le troupeau depuis une quinzaine d’années avec l’achat d’animaux à l’extérieur. D’autant plus que, pendant les travaux dans les bâtiments, les éleveurs vont négliger les soins.

En salle de traite, ils appliquaient des soins réguliers : lavage des pieds et pulvérisation d’oxytétracycline sur les lésions observées. « Avec ce protocole, nous parvenions à maîtriser la maladie. Nous avons également testé la pulvérisation de bactéries sur les pieds (Nolivade). À condition d’être rigoureux, cette option a donné de bons résultats. Mais elle est plus coûteuse et exige d’être toujours deux à la traite pour l’appliquer. » Au robot, l’installation d’un système de pulvérisation automatique d’un désinfectant sur les pattes arrière ne permettra pas d’endiguer la maladie. Pourtant, la fréquentation des robots se maintient à un bon niveau de 2,6 traites par jour, mais avec des performances qui stagnent à moins de 36 kg de lait. Les matelas dans les logettes et surtout la présence de tapis dans les couloirs d’exercice de la stabulation depuis 2022 contribuent vraisemblablement à soulager les animaux.

La pulvérisation automatique de désinfectant au robot de traite est maintenue entre deux mises en place du pédiluve. (© J. Pezon)

Recours à un contrat de suivi mensuel

Mais, en nettoyant les logettes deux fois par jour avec un valet de ferme, les éleveurs voient bien que les vaches ont de plus en plus de difficulté à se lever. « Près de la moitié du troupeau était concernée. À force de boiter, certaines vaches ont développé de l’arthrite. Avec la pulvérisation sur les pattes arrière au robot, nous avons vu les lésions de Mortellaro évoluer vers l’avant du pied. C’est là que nous avons décidé de solliciter un suivi vétérinaire. » Philippe évoque d’abord la difficulté à trouver un pédicure disponible pour un passage mensuel et une première intervention vétérinaire sans réelle amélioration. Il souscrit alors un contrat d’accompagnement avec le Chêne Vert au mois de décembre 2023. Le cabinet d’Ille-et-Vilaine propose un service de suivi de la santé des pieds, Locowmo.

Noter la mobilité pour prioriser la prise en charge

L’intervention du vétérinaire spécialiste José Gonzalo commence par un diagnostic en deux temps.

Le premier consiste à noter la mobilité des vaches en observant leur démarche sur plusieurs foulées, afin de leur attribuer une note de mobilité de zéro à trois selon un modèle d’investigation britannique : 0 pour les vaches saines ; 1 pour celles présentant une légère anomalie, mais sans pouvoir identifier le membre touché ; 2 pour une boiterie modérée, dont le membre concerné est identifiable ; 3 pour une boiterie sévère. « En salle de traite, la notation se fait en observant les vaches au fur et à mesure de leur sortie de traite. Avec le robot, il faut les bloquer au cornadis et les faire défiler, explique le praticien. Le soulagement d’un membre est le premier signe de douleur qui permet un diagnostic précoce. »

Cette étape permet d’évacuer les animaux qui n’ont pas besoin d’être dérangés et de voir ceux qui seront pris en charge en priorité. Le praticien va identifier 58 % de boiteuses : 35 % de note 2 et 23 % de note 3, soit 52 vaches qui seront toutes parées sans attendre dans la semaine suivant cette notation. Les boiteries dites « modérées » (note 2) sont des lésions plus fraîches ou émergentes de type ulcère, ouvertures de lignes blanches. C’est ce lot qui bénéficie en premier d’un parage curatif pour éviter qu’il ne bascule en boiterie de note 3. Ces dernières font l’objet de soins poussés, à répétition et doivent idéalement être mises sur une aire paillée. Avec cinq à six places en aire paillée, la disponibilité est ici limitée et la priorité est donnée aux meilleures souches et aux primipares.

Ce premier parage constitue également la seconde étape du diagnostic, puisqu’il permet d’identifier les lésions : 42 % de dermatite digitée, mais aussi des lésions chroniques de type arthrite ou nécroses liées à des prises en charge tardives. Un parage mensuel est ensuite programmé pendant un an, soit trois lots de 20 à 25 vaches à chaque nouvelle session : les vaches ayant eu un soin avec talonnette lors du précédent passage, pour vérifier l’évolution des lésions et parvenir à réduire progressivement les affections chroniques ; les vaches avant tarissement et au plus tard trois semaines avant mise bas et celles ayant passé le pic de lactation.

Un gain de 1,5 kg de lait en seulement trois mois

« L’objectif est de passer progressivement de soins curatifs à des soins préventifs classiques au moment du tarissement. Or, en seulement trois mois, l’effet est déjà visible sur la mobilité des vaches et la moyenne du troupeau a progressé de 1,5 litre de lait – à 37,1 litres de moyenne –, avec une fréquentation de 2,7 traites. C’est important, nous avons beaucoup travaillé la génétique et il faut tout mettre en place pour qu’elle puisse s’exprimer », souligne Philippe.

Les vaches sont bloquées dans un couloir et passent toutes par le pédiluve installé entre deux rangées de logettes. Un premier à l’eau claire pour laver les pieds et un second avec une solution désinfectante (2 x 2 m). Une opération de 20 à 30 minutes tous les dix jours. (© J. Pezon)

Un effet est aussi attendu sur une mise à la reproduction en moyenne à 70 jours après vêlage qui occasionne un mois moyen de lactation avancé. José Gonzalo rappelle que 40 % du coût des boiteries est lié à une baisse des performances de reproduction, 24 % aux pertes de lait, 24 % sur la valeur des réformes, auquel il faut ajouter le coût des traitements et de la main-d’œuvre, soit un coût moyen de 1 595 €/vache/an pour des boiteries de note 3 et 545 € pour les boiteries de note 2.

Contre la dermatite, un pédiluve est mis en place tous les dix jours. Les éleveurs ont opté pour un double pédiluve : le premier à l’eau claire pour laver les pieds et le second avec une dilution de Hoofeet (7 litres/pédiluve). Parallèlement, la pulvérisation automatique est maintenue au robot et les éleveurs doivent s’assurer d’ôter les pansements posés par le praticien sur les lésions actives dans les 24 heures suivant son passage. Ce dernier ne valide pas tout à fait le principe du premier pédiluve d’eau, car dans le second pédiluve le produit risque de moins bien adhérer à des pieds mouillés. Néanmoins, la maîtrise du développement infectieux semble bien engagée (voir infographie ci-dessous). À ce stade, le vétérinaire ne recommande pas d’investissements ni de mesures complémentaires. L’enregistrement systématique des lésions et de leurs évolutions va désormais permettre de dégager des facteurs de risque et des correctifs adaptés. Contre la dermatite digitée, maladie infectieuse, la propreté des pieds – le contraire peut expliquer en partie l’inefficacité de la pulvérisation au robot – est dans tous les cas incontournable.

Être formé à une meilleure prise en charge

Cela pourrait passer par une réduction de la fréquence de raclage (6 fois par jour) afin d’éviter la vague de bouses qui recouvre les pieds, l’amélioration du confort des logettes afin d’optimiser le temps de couchage. À ce titre, les éleveurs ont déjà prévu l’installation de barres au garrot cintrées.

La prise en charge des lésions modérées permet déjà de retrouver une situation saine, tandis que la réforme de quelques vaches affectées de lésions sévères et chroniques est programmée. Pour les éleveurs, le suivi vétérinaire représente un investissement de 600 à 700 €/mois. Pour améliorer la prise en charge entre deux interventions d’un professionnel, le cabinet du Chêne Vert propose par ailleurs des formations au parage, mais aussi à la détection et à l’identification des boiteries. Sur le principe d’une détection précoce, Philippe pourrait ensuite assurer un parage fonctionnel consistant à rétablir les aplombs dès les premiers signes de soulagement, il est équipé et formé, mais hésite encore : « Je crains de mal faire et de mettre une vache sur le carreau. Le passage du vétérinaire avec un protocole clair est rassurant. »

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,52 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 7,27 €/kg net +0,04
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

Robot de paillage, le marché s’étoffe

Matériel

Cniel, un an de sursis

Cniel

Tapez un ou plusieurs mots-clés...