
La prise en charge efficace des boiteries passe par une identification des lésions à la fois dans une logique de conseil et de sélection génétique. Pour cela, il est nécessaire de se former et d’harmoniser la collecte de données à grande échelle.
Les boiteries constituent la troisième, et parfois la deuxième maladie des élevages bovins laitiers après les mammites et les problèmes de reproduction. Leur impact sur le bien-être des animaux et leurs performances n’est plus à démontrer. La cause de ces boiteries peut être multifactorielle, à la fois traumatique, infectieuse, métabolique, avec un déterminisme génétique identifié depuis déjà dix ans.
« Face à cette problématique, deux leviers peuvent être activés, rappelle Gilles Thomas, responsable de projet phénotypage des lésions podales à l’Institut de l’élevage (Idele). Le premier consiste à agir sur l’environnement, l’hygiène, la conduite d’élevage et l’alimentation. Le second, à plus long terme, est celui de la génétique. Dans les deux cas, il faut être capable de mettre en œuvre une collecte de données à grande échelle et d’avoir une méthode de notation harmonisée pour disposer de données objectives. »
Une boiterie, même légère, est une urgence
En élevage, les boiteries étant dues dans 95 % des cas à des lésions podales, la bonne attitude à adopter est de lever le pied de l’animal dès les premiers signes de soulagement d’un membre. Idéalement, il faut concevoir un système permettant d’intervenir rapidement, de manière simple et sécurisée, « sinon, le risque est de se démotiver et de toujours reporter l’intervention, souligne Marc Delacroix, vétérinaire spécialiste des pieds, formateur des pareurs au CFPPA du Rheu (Ille-et-Vilaine). Les pieds ne se gèrent pas en faisant parer tout le troupeau une fois par an. Il faut anticiper la boiterie en détectant les signes avant-coureurs et intervenir sous quarante-huit heures. À l’instar d’une mammite, une boiterie, même légère, doit être considérée comme une urgence ».

Le parage précoce d’une lésion autorise des taux de guérison de 69 % et jusqu’à 85 % si l’on y associe un traitement individuel avec pose d’une talonnette pour soulager l’onglon affecté. En l’absence de lésions, un parage fonctionnel suffit. Celui-ci consiste à rétablir l’équilibre des charges sur les aplombs. En présence de lésions, un parage curatif et des soins individualisés sont nécessaires. Dans les deux cas, il faut être formé pour pouvoir intervenir, analyser le problème et savoir quand le sous-traiter à un professionnel. Le préalable à une prise en charge efficace et adaptée est bien sûr de savoir identifier ces lésions pour ensuite pouvoir établir un lien avec les différents facteurs de risque et mettre en place des mesures correctives en élevage.
Un déterminisme génétique des lésions avéré
Le Comité technique national des boiteries de bovins (CTNBB) qui regroupe les organismes de conseil en élevage et de sélection, les pareurs, écoles vétérinaires et GDS… propose sur le site boiteries-des-bovins.fr, en accès libre, un guide complet de toutes les lésions répertoriées avec photos, description et niveau de gravité pour chacune. Cette grille de référence commune intègre deux nouvelles lésions, la blème en ligne blanche et le décollement dorsal de la muraille, mais aussi un nouveau stade de gravité dit « nécrosé » qui correspond à l’atteinte du vif du pied. Ce travail a fait l’objet d’un rapprochement entre la notation française et internationale Icar. L’objectif est d’apporter davantage de précisions pour permettre aux pareurs et autres intervenants en élevage d’harmoniser leur notation.
Cette harmonisation et la massification de la collecte des données de parage sont essentielles non seulement pour le conseil en élevage, mais aussi pour la sélection génétique d’animaux plus résistants. Le déterminisme génétique de la sensibilité au boiteries est en effet avéré : « Même si, comme pour tous les caractères de santé, leur héritabilité est faible, la forte variabilité de la réponse des animaux est révélatrice d’un déterminisme génétique qui a permis d’initier des programmes de sélection », rappelle Gilles Thomas.
L’enjeu de la massification de la collecte de données
L’entreprise de sélection Gènes Diffusion a été la première à sortir un index de santé du pied (GD Scan) sur la base des données de parage et de phénotypage, qui ont permis de prédire la sensibilité ou la résistance aux lésions podales. Depuis 2022, toutes ces données ont été mises en commun dans le cadre d’un plan national qui permet aujourd’hui de proposer au catalogue un index de synthèse de santé du pied en races holstein et normande. L’élargissement de la base de données de parage a ainsi contribué à conforter leur fiabilité, sur des caractères certes peu héritables, mais avec de grosses différences entre les taureaux. En race montbéliarde, Umotest propose également, depuis décembre dernier, l’index de synthèse MO3, non à l’échelle de la race, mais dans le périmètre plus limité de l’OS.
« En fonction de la fréquence des lésions et de leur héritabilité, propres à chaque race, 7 à 8 caractères ont été évalués et regroupés avec différentes pondérations dans un index de synthèse », explique Hélène Leclerc, docteur en génétique animale chez Eliance.
Les données issues de 60 000 à 80 000 animaux parés par an depuis 2016, regroupées au sein de France Génétique Élevage, révèlent en effet des différences entre les races : la montbéliarde, davantage sujette à l’ouverture de ligne blanche et à la rotation de l’onglon, a notamment donné plus de place à ces caractères dans son index de synthèse ; tandis que la normande a intégré la nécrose de la pince et donné davantage de poids à la limace. À noter que sur ces quelque 5 millions de pieds parés, la holstein présente un plus grand taux de vaches saines et la normande davantage de pathologies.

Lors des plans d’accouplement, éviter les taureaux négatifs sur ces caractères doit donc contribuer à limiter l’incidence des boiteries en élevage. À titre d’exemple, le gain d’un point d’index en race montbéliarde réduit presque par deux le risque d’ouverture de ligne blanche (voir l’infographie ci-dessus). « Les index sont une chose, c’est l’usage qu’en feront les éleveurs et les plans d’accouplement qui feront l’évolution génétique des populations, mais le potentiel d’amélioration existe », souligne Gilles Thomas.
La massification de la collecte des données pour alimenter les bases génétiques est donc un moyen de renforcer la fiabilité des index. Demain, cela doit permettre de travailler sur de nouvelles lésions et proposer des index de synthèse pour d’autres races, ce qui n’est pas encore possible en raison d’un volume de données insuffisant.
D’où l’importance de l’harmonisation des notations de manière à envisager une mise en commun des données à plus grande échelle dans le cadre européen du programme EBE (European Briding Evolution) dédié à l’évaluation de nouveau caractère de santé. « Au-delà du volume de données, il faut d’abord que tous les intervenants parlent le même langage, cela passe par la formation, le besoin pour les pédicures de se réétalonner régulièrement et peut-être par un agrément, à l’image du travail des pointeurs pour le phénotypage. »
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