Les méthodes d’épandage en pleine révolution

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Épandage de lisier sans tonne avec une rampe à pendillards
L’atout de l’épandage sans tonne avec pendillards est la légèreté du matériel permettant un passage sur céréales dès la sortie d’hiver. Les tuyaux peuvent atteindre 1,5 à 2 km autour d’une fosse à lisier. Le réseau d’irrigation peut également être utilisé, ou un caisson de ravitaillement en bord de champ. (©N.Tiers)

De nouveaux équipements pour épandre les effluents d’élevage permettent de réduire significativement la volatilisation de l’ammoniac. Ils sont déjà largement employés, notamment en Bretagne, en lien avec le développement des méthaniseurs et digestats.

Parmi les sources d’émissions d’ammoniac de l’élevage bovin, celles liées à l’épandage des déjections représentent 29 % du total d’après l’Institut de l’élevage (Idele). Pour les réduire, le principal levier est de limiter au maximum le temps et la surface de contact des effluents avec l’air au moment de l’épandage en employant des équipements spécifiques. Le Plan matériels d’épandage moins émissifs 2020-2025, adopté en 2021 par le ministère de l’Agriculture (1), prévoit notamment la mise en place d’une réglementation plus contraignante sur les buses palette, au profit de pratiques comme l’incorporation ou l’injection des fertilisants azotés les plus émissifs, avec des aides à la conversion des équipements.

En raison de leur coût élevé, ces équipements sont en général acquis par des Cuma ou des ETA. À l’échelle nationale, plus de 60 % des tonnes achetées par les Cuma en 2022 étaient équipées d’un outil moins émissif. Dans le cadre de leur programme Val’OR visant à mieux valoriser les engrais organiques, les Cuma de l’Ouest cherchent à faire connaître au plus grand nombre cette offre de matériels, déjà disponibles sur le territoire, par des démonstrations, des portes ouvertes, etc.

Hervé Lesné président de la Cuma Agribocage éleveur en 35
« Ce n’est plus la même agriculture qu’il y a dix ans, constate Hervé Lesné, président de la Cuma Agribocage. Chez les éleveurs de la Cuma, il y a aujourd’hui six méthaniseurs. » (© N.Tiers)

Particulièrement sensibilisée aux problématiques environnementales, la Bretagne est en avance pour ce qui est du taux d’équipement. Les Cuma de l’Ouest estiment que plus des deux tiers des volumes épandus par les Cuma de Bretagne le sont avec du matériel moins émissif : rampes à pendillards en priorité, mais aussi rampes à patins et enfouisseurs. Cette évolution est en partie liée au développement de la méthanisation, puisque la forte émissivité du digestat interdit l’usage de la buse palette.

En Ille-et-Vilaine, Hervé Lesné, président de la Cuma Agribocage à Iffendic (50 adhérents, dont 35 éleveurs laitiers), constate cette mutation : « Ce n’est plus la même agriculture qu’il y a dix ans. Chez les éleveurs de la Cuma, il y a aujourd’hui six méthaniseurs. Je fais moi-même partie d’un projet collectif entre quatre éleveurs mis en service en 2023. Autrefois, je devais fournir une partie de mon lisier à dix prêteurs de terre en raison des excédents d’azote. Et j’achetais 16 tonnes d’ammonitrate pour 75 hectares, contre seulement 8 tonnes aujourd’hui pour 115 ha. »

Économiser un passage avec l’enfouisseur

La Cuma Agribocage a emprunté la rampe à pendillards d’une Cuma voisine avant d’acheter son propre matériel. « Les équipements d’épandage moins émissifs sont coûteux : il faut du volume pour les rentabiliser, souligne Hervé Lesné. Notre principal outil, qui réalise sa troisième campagne, est un ensemble composé d’une tonne de 25 m3 avec DPA, d’une rampe à pendillards de 24 mètres à double répartition, et d’un enfouisseur de 6 mètres. Nous avons investi 405 000 €, et le coût de la prestation complète est de 165 € par heure. En 2015, la prestation complète en buse palette était de 78 €/heure. »

Rampe d'épanage de lisier à patins
La rampe à patins ou sabots permet l’épandage au sol sur prairies en évitant les projections sur l’herbe. Cela diminue le risque de refus lors du pâturage. (© N.Tiers)
Incorporateur enfouisseur pour lisier
Les enfouisseurs ou incorporateurs, à disques ou à dents, sont des outils de travail du sol attelés derrière la tonne, utilisables sur chaumes ou sols nus. Ils mélangent le lisier entre 5 et 15 cm supprimant tout contact avec l’air. (© N.Tiers)

Sur un total de 75 000 à 80 000 m3 d’effluents par an produits par les adhérents, 50 000 m3 sont épandus avec ce matériel : la moitié par pendillards, l’autre moitié avec enfouisseur. « L’enfouisseur attelé à la tonne permet d’économiser un passage sur chaumes et sols nus avant les semis de colza et de maïs, précise l’agriculteur. Il permet aussi de passer à une distance de 5 mètres des habitations contre 50 mètres pour les pendillards. » La Cuma Agribocage possède aussi deux tonnes de 16 m3 avec rampe à pendillards de 12 mètres (115 000 € par ensemble) dont le coût de location est de 1,15 €/m3 ; ainsi que deux tonnes de 16 et 11 m3 avec buse palette (de 2 000 à 3 000 m3 épandus par an) pour un coût de 0,95 €/m3.

Pour Hervé Lesné, élu à la communauté de communes de Montauban-de-Bretagne, la première raison justifiant l’emploi des outils d’épandage moins émissifs est la disparition des odeurs pour le voisinage.

Améliorer l’image des agriculteurs

« En tant qu’élu, je mesure combien l’amélioration de l’image des agriculteurs auprès de la société est prioritaire », insiste-t-il. Cette suppression des odeurs découle de la moindre volatilisation d’ammoniac. Selon le type de matériel, les pratiques (délai d’incorporation au sol) et les conditions météo (température, vent), cette réduction peut atteindre 90 %.

Dans un essai réalisé en 2023 par la chambre d’agriculture, du lisier de porc a été épandu sur des repousses d’orge avec une buse palette, des pendillards ou un enfouisseur à dents, puis incorporé cinq heures après (pour buse palette et pendillards) avec le semis de colza. Début novembre, le gain de biomasse atteignait 0,8 t de MS/ha avec les pendillards par rapport à la buse palette (pour une absorption d’azote améliorée de 30 unités) et 1 t de MS/ha pour l’enfouisseur (+ 50 unités d’azote absorbé). « À l’époque où j’épandais du lisier avec ma tonne équipée d’une buse palette, j’avais observé un meilleur rendement du maïs quand je préparais le sol juste après pour le semis, confirme Hervé Lesné. Dans mon système actuel, toutefois, le principal levier pour économiser l’azote minéral est le digestat de méthanisation plus facile à gérer que les lisiers et fumiers pour la fertilisation. »

Injecteur à lisier pour prairie
Sur cultures en place ou prairies, les injecteurs déposent le lisier dans un sillon creusé par un disque tranchant ou conique. Ces sillons n’étant pas refermés, une partie du lisier demeure toutefois au contact de l’air. (© N.Tiers)
Épandage de lisier avec une rampe à pendillards
Matériel moins émissif le plus courant, la rampe à pendillards dépose le lisier au sol favorisant son absorption rapide. Les tuyaux sont suspendus à 20 cm au-dessus du sol, ou dans l’idéal trainent sur le sol. Elle peut être utilisée sur des cultures en place. Sur chaumes ou sol nu, une incorporation rapide avec le semis est conseillée afin de réduire davantage la volatilisation. (© N.Tiers)

Aujourd’hui, le digestat est l’unique engrais apporté par l’agriculteur sur maïs et Cive de céréales avant maïs. L’azote minéral est utilisé seulement pour le troisième apport sur blé, le deuxième apport soufré sur colza, et un apport de printemps sur prairies. Pour parfaire encore son offre, un équipement pour l’épandage sans tonne arrivera au printemps 2026 à Agribocage. « Nous utilisions celui d’une autre Cuma depuis plusieurs années pour 8 000 à 9 000 m3, déclare Hervé Lesné. Nous avons finalement investi 415 000 € via l’Union Armorique regroupant quatre Cuma. Cela comprend une pompe motorisée, les tuyaux, le DPA et une rampe à pendillards de 24 mètres avec double répartition. L’objectif est d’épandre en sortie d’hiver sur céréales sur des sols encore humides, jusqu’à 1,5 km autour des fosses, et éventuellement au-delà avec notre caisson de ravitaillement de 70 m3 en bord de champ. Le coût sera de 150 € de mise en place puis 2,80 €/m3. » Renforcer les épandages sur céréales en substitution de la fertilisation minérale fait partie des actions prioritaires du programme Val’OR mené par les Cuma de l’Ouest. Les épandages en sortie d’hiver correspondent aux besoins des cultures, apportent de la souplesse dans la gestion des capacités de stockage et allègent les plannings de printemps. De plus, la volatilisation ammoniacale est plus faible à cette saison froide et humide.

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Vaches, charolaises, U= France 7,46 €/kg net =
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