Pour limiter la pollution atmosphérique, la ferme France doit réduire ses émissions d’ammoniac. Des efforts ont déjà été faits mais il reste des marges de progrès. Sachant que les moyens à mettre en œuvre présentent l’avantage d’optimiser le cycle de l’azote dans les exploitations, et d’améliorer leur empreinte carbone.
De même qu’elle s’est fixée des objectifs de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre (GES), la France s’est dotée d’un Plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prépa). Ce Prépa, dont la dernière mise à jour date de 2022, vise à répondre aux obligations réglementaires de la directive européenne NEC II (National emissions ceilings = plafonds nationaux d’émissions de polluants). On y trouve au total 49 mesures en faveur de la réduction de cinq polluants de l’air, dont l’ammoniac (NH3). Après le secteur des transports (émetteur de NOX), le secteur agricole, responsable de 94 % des émissions nationales d’ammoniac au cours du cycle de l’azote, est particulièrement concerné par le Prépa.
Un objectif chiffré est fixé pour 2030 : réduire de 13 % les émissions d’ammoniac par rapport à 2005. Et les mesures à prendre en agriculture ont été identifiées parmi lesquelles : sensibiliser et former les professionnels (agriculteurs, Cuma et ETA) ; développer le raisonnement de la fertilisation azotée ; envisager une redevance sur les engrais minéraux azotés en fonction de leur émissivité ; mettre en place une réglementation sur la buse palette en faveur de matériels plus vertueux pour l’épandage des effluents organiques ; aider à l’investissement dans ces matériels ; réduire la présence de pesticides dans l’air, etc.
80 % de l’azote ingéré est excrété
Avec 22 % des émissions agricoles d’ammoniac qui lui sont imputables, l’élevage bovin laitier doit prendre sa part dans l’effort de réduction prévu par la France. Ces émissions viennent du fait que seule une partie de l’azote ingéré par les animaux via leur alimentation est transformée en lait et en viande. Le reste est rejeté dans leurs déjections, majoritairement dans les urines. Au moment du mélange avec les bouses contenant l’enzyme uréase, l’urée composant les urines est transformée, puis génère de l’ammoniac au contact de l’air.
À partir de la base nationale de données des diagnostics environnementaux Cap’2ER réalisés dans 20 000 exploitations laitières, l’Institut de l’élevage (Idele) tente de suivre ces flux d’azote organique afin de mieux les comprendre et mieux les maîtriser. Cela fait l’objet du programme de recherche GhostAir de 2024 à 2027. Les premiers résultats montrent que l’azote mobilisé dans la production de lait et de viande représente à peine 20 % de l’azote ingéré par les vaches. Ce qui signifie que 80 % de l’azote ingéré dans la ration n’est pas valorisé et se trouve excrété. Or, la majeure partie de cet excédent d’azote serait perdue ! « Plus de 60 % sont volatilisés dans l’air et plus de 20 % sont lessivés dans l’eau, détaille Xavier Vergé, chef de projet eau, air, énergie à l’Idele Seulement 16 % sont stockés dans le sol et dès lors capitalisés par l’exploitation. Si on veut limiter les pertes d’azote en élevage laitier, il faut donc travailler en priorité sur les pertes dans l’air, dont deux tiers se font sous forme d’ammoniac. »
Des cobénéfices pour l’exploitation
Comment faire concrètement ? Beaucoup de réponses existent déjà. Dans le cadre du Prépa, un Guide des bonnes pratiques agricoles pour l’amélioration de la qualité de l’air a été publié par l’Ademe (Agence pour la transition écologique) en 2020 pour répondre à une obligation réglementaire européenne. Avec ses dix-sept fiches pratiques, c’est une véritable boîte à outils pour les conseillers agricoles et les agriculteurs, en vue de favoriser la diffusion des pratiques les plus pertinentes pour réduire les émissions de polluants, tout en générant des cobénéfices pour l’exploitation (réduction des intrants, amélioration de l’efficacité de l’azote).

Six fiches concernent les leviers à activer dans les élevages bovins : ajuster l’alimentation ; adapter la gestion des fumiers et lisiers au bâtiment ; couvrir la fosse à lisier ; augmenter le temps passé au pâturage ; introduire des légumineuses dans le système cultural pour limiter le recours aux engrais azotés ; utiliser les meilleures techniques d’épandage des produits organiques. Mettre en place ces leviers dans les exploitations peut, dans certains cas, nécessiter des investissements (couvrir la fosse, modifier le matériel d’épandage), mais c’est aussi très souvent un moyen d’optimiser son système et de réaliser des économies.
De plus, le Prépa peut contribuer à un autre objectif essentiel : celui de réduire les gaz à effet de serre (GES) issus de l’agriculture, qui fait partie des cinq principaux secteurs émetteurs (avec les transports, l’industrie, les bâtiments, l’énergie) en représentant 21 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Avec sa Stratégie nationale bas carbone (SNBC), la France ambitionne d’atteindre la neutralité carbone en 2050, à la suite des engagements de l’accord de Paris sur le climat adopté en 2015. Par rapport à 2015, l’objectif est fixé à - 19 % pour 2030 et à - 46 % à l’horizon 2050. Outre la diminution du méthane entérique en élevage de ruminants, particulièrement visé, cela passera par la réduction des émissions de protoxyde d’azote : en optimisant le cycle de l’azote pour diminuer les apports d’engrais azotés ; en diminuant les excédents de protéines dans les rations animales ; en développant l’autonomie en protéines végétales.
Convergence entre les stratégies de réduction
Dans son appel à projets AgriQAir (Agriculture et qualité de l’air) en 2024, l’Ademe explique que la gestion des effluents au bâtiment et au stockage est un enjeu fort à la fois pour les émissions d’ammoniac et celles de méthane (GES). De même, l’épandage des effluents organiques et celui des engrais minéraux sont des points de vigilance en matière d’émissions d’ammoniac et aussi de protoxyde d’azote (GES).
« Les émissions du secteur agricole sont donc à considérer de manière croisée entre les enjeux de qualité de l’air et du climat, souligne l’Ademe. La convergence et les synergies entre les stratégies de réduction des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre doivent être l’opportunité d’accélérer la transition du secteur agricole pour atteindre à la fois les objectifs d’amélioration de la qualité de l’air et d’atténuation du changement climatique. »
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