Pour soulager la France de sa dépendance aux importations de beurre, réduire son exposition à la flambée des cours et mieux valoriser le lait, une étude économique du Cniel recommande de réaligner la production sur la demande de matières grasses laitières, en travaillant sur le taux butyreux du lait.
« Depuis 2017, la France consomme plus de matière grasse qu’elle n’en produit », ce qui pèse sur la balance commerciale et interroge la stratégie collective de valorisation du lait, a expliqué l’économiste Corentin Puvilland le 18 septembre, lors d’une conférence organisée au Space de Rennes par le Cniel.
En 2023, la consommation française de matière grasse atteignait ainsi 24,6 milliards de tonnes équivalent lait, soit + 10 % sur dix ans, et la collecte seulement 23,4 milliards. Cela fait tomber le taux d’autosuffisance à 95 %, contre 135 % pour la partie protéique.
La perte d’autosuffisance est particulièrement marquée et ancienne pour le beurre : « En 1999 déjà, on importait 130 000 t de beurre et on en exportait 75 000 t. Depuis, nos importations ont explosé à plus de 250 000 t en 2023. Nous sommes devenus, c’est peu connu, le premier importateur mondial de beurre, et de loin ! ».
Si bien que la balance commerciale du beurre est passée d’un déficit de 58 000 t à 147 000 t en vingt-cinq ans. Côté valeur, « le coût de notre dépendance aux achats extérieurs de beurre a doublé en dix ans, pour atteindre 1,5 milliard d’euros en 2023. C’est énorme ! »
Le prix du beurre s’envole depuis dix ans sur les marchés mondiaux, favorisé par la réhabilitation nutritionnelle des matières grasses animales et par « une offre plutôt restreinte ces dernières années chez les principaux exportateurs ».
De fait, la forte demande mondiale en fromages conduit les industriels à faire des arbitrages : « la matière grasse va prioritairement dans les fabrications de fromages et de crèmes, souvent en dernier lieu sur le beurre ».
La France est très exposée aux hausses de prix
Après deux pics en 2017 et 2022, les prix du beurre en France ont encore flambé fin 2024 pour atteindre de nouveaux records mi-2025. En tant que première importatrice mondiale, la France est donc très exposée à ces hausses : « Quand les cours du beurre augmentent de 1 000 €/t, notre solde commercial laitier s’érode de 150 millions d’euros », alerte l’économiste.
Plus que l’offre mondiale, c’est surtout la collecte européenne qui conditionne les prix français du beurre. Celle-ci étant annoncée en baisse (- 0,2 %/an sur la prochaine décennie, selon la Commission), on peut s’attendre à de nouvelles flambées du beurre dans les années qui viennent
La dépendance française aux importations de beurre étranger repose sur un cercle restreint de fournisseurs, notamment les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne et le Danemark, dont l’offre laitière s’annonce en baisse de 13 % d’ici à 2035, selon les projections de la Rabobank. Cela provoquerait une forte chute de leurs fabrications de beurre et 70 % de nos approvisionnements seraient alors menacés.
« Notre manque de beurre et notre perte d’autosuffisance émanent notamment de l’inadéquation entre l’offre et la demande de matière grasse et de matière protéique », poursuit Corentin Puvilland.
En 2023, la France a ainsi consommé 37 % de plus de matière grasse laitière que de matière protéique, un déséquilibre record en Europe qui contraste avec une production nationale dans la moyenne européenne : le ratio TB/TP, à 119, est « plutôt équilibré ».
Le taux butyreux français évolue peu
Surtout, ce ratio a peu progressé ces dernières années : le taux butyreux français n’a évolué que de + 4 % en dix ans, contre + 8 % en Irlande et + 12 % aux États-Unis. Le Cniel a calculé que si le TB français avait suivi la trajectoire du TB irlandais depuis 2013, la France aurait pu maintenir son autosuffisance en matière grasse et produit 95 000 t de beurre supplémentaires, soit un gain de 560 millions d’euros.
« Ce que préconise notre étude, c’est donc de travailler à augmenter le ratio TB/TP pour améliorer l’adéquation entre l’offre et la demande en matière grasse, réduire notre très forte exposition à la flambée des cours du beurre et satisfaire une part grandissante de nos besoins en matière grasse sans produire davantage de poudre de lait écrémé qui souffre d’un manque structurel de valorisation », conclut-il.
Cela suppose de renforcer les travaux de recherche sur les leviers techniques (alimentation, génétique…) permettant d’accroître la matière grasse du lait sans dégrader la qualité des acides gras, tout en sensibilisant les éleveurs à ces leviers, « plus habitués à raisonner en litrages qu’en MSU ».
Cela supposerait aussi de s’inspirer « à la fois techniquement et économiquement » de modèles étrangers : « Aux États-Unis, la rémunération basée sur la matière utile a incité les producteurs à faire progresser brutalement leur TB : en dix ans, leur ratio TB/TP a augmenté de huit points. Ils ont su répondre au signal-prix quand les cours du beurre se sont envolés à l’échelle mondiale ».
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