
La coopérative fromagère Pâturages comtois enlève une belle épine du pied de la filière laitière haut-saônoise. Elle accueille 42 exploitations « remerciées » par Lactalis. Les 16 à 18 Ml supplémentaires lui apportent de la souplesse pour se développer.
Dans le Grand Est, 159 exploitations laitières sont concernées par la rupture des contrats par Lactalis. La Haute-Saône en concentre la moitié dont une bonne partie dans la région sous-vosgienne du département. Les routes étroites et sinueuses compliquent la collecte du lait en camion semi-remorque. Le volume contractuel des élevages peut descendre à 200 000 litres, rendant moins « sexy » leur reprise. La coopérative Pâturages comtois, spécialisée dans la fabrication du brie à Aboncourt-Gesincourt, ne s’est pas arrêtée à cet obstacle et a choisi d’y voir une opportunité. Elle s’est prononcée pour accueillir en lait conventionnel 42 livreurs de Lactalis dont quelques-uns du département voisin - les Vosges -, faisant d’elle un acteur central du déblocage de la situation.
18 producteurs déjà arrivés
Le 1er juillet, dix-huit l’ont déjà rejointe pour 8 Ml. Les vingt-quatre autres livreurs l’intégreront au plus tard le 1er août 2026, date butoir du préavis contractuel de Lactalis. La PME a testé la faisabilité du ramassage du lait avant de prendre définitivement sa décision.
Les 42 nouvelles exploitations et les 16 à 18 Ml en plus monteront le nombre de ses adhérents à 99 et sa collecte à près de 60 Ml. « La densité de nos points de collecte recule à 550 000 l mais les nouveaux adhérents, qui n’ont pas d’autre choix que le lait sur leur exploitation, garantissent une pérennité à long terme », dit Laurent Darosey, président de Pâturages comtois. « De plus, leur lait plus riche en taux que celui des adhérents historiques va compenser en partie les références par exploitation plus faibles. »
La coopérative haut-saônoise veut sécuriser son approvisionnement. Les livraisons sont en baisse de 10 % depuis le début de l’année à cause de la fièvre catarrhale ovine et du prix élevé de la viande qui incite les éleveurs à se séparer des vaches moins productives. « Il a fallu acheter du lait Spot à 600 €/1 000 l en début d’année pour tenir les engagements vis-à-vis de nos clients, intervient Pascal Nicolas, vice-président. Nous nous approvisionnons régulièrement sur le marché Spot, ajoute-t-il. En 2024, nous avons acheté 6 Ml. »
Un besoin de 10 Ml
Surtout, Pâturages comtois a besoin de lait pour assurer son développement. L’ultrafiltration lancée en janvier consommera 5 Ml supplémentaires en 2025 et la construction de deux hâloirs pour les pâtes molles en 2026 cinq autres millions.
« Ces besoins ne pourront pas être assurés par nos 57 adhérents historiques aux élevages saturés par notre politique d’attribution de volumes. Nous devons aussi anticiper les départs à la retraite qui ne seront pas remplacés », pointe Frédéric Garret, également vice-président. La coopérative accepte que les 42 arrivants acquièrent 10 % de leur chiffre d’affaires en parts sociales sur dix ans et non sur cinq comme cela se fait classiquement. Elle achète les tanks à lait à Lactalis avec qui elle s’est accordée sur une grille de valeurs de reprise en fonction de leur ancienneté et de leur volume.
Construire une autonomie vertueuse
La fromagerie produit 5 200 tonnes de pâtes molles. Près des deux tiers sont du brie exporté à 70 % dans 18 pays (Europe et en premier lieu l’Allemagne, l’Ukraine, l’Australie, les États-Unis, etc.). Elle produit également l’IGP gruyère de France en partenariat avec Monts-et-Terroirs (547 t en 2024) et la nouvelle IGP cancoillotte sur son site de Pays-de-Clerval dans le Doubs (1 050 t en 2024 sur les 6 000 t). « Cette indication géographique protégée contribue à équilibrer notre équation laitière puisque le méton issu de l’écrémage du lait sert à sa fabrication », indique Laurent Darosey. De même, toujours dans un souci de mieux valoriser les protéines du lait, Pâturages comtois a mis en route en janvier dernier un osmoseur pour concentrer le lactosérum. Enfin, l’entreprise va lancer à l’automne un magasin sur son site d’Aboncourt-Gesincourt pour vendre les fromages destinés à la fonte car mal calibrés, alors que leur qualité sanitaire est conforme. « Plus largement, nous voulons mieux répartir les risques. Cela passe par le développement du marché national via notamment les deux IGP fromagères », précise le président.
La coopérative se relève de la crise du Covid, qui avait provoqué la fermeture des frontières, et du déclenchement de la guerre en Ukraine en 2022. Le pays représentait 20 % de ses débouchés à l’export. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de 54,5 M€ en 2024 et de 51,6 M€ en 2023, avec des résultats nets positifs (1,5 M€ en 2023). Elle vise un prix de base moyen de 465 €/1 000 l en 2025. Selon notre observatoire, en juin, son prix moyen sur 12 mois s’élève à 488,75 €.
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