Les premiers résultats du programme Colocavo, mené par l'Idele, montrent que l’élevage collectif des veaux dès les premiers jours de vie contribue à limiter le stress, sans pénaliser les croissances.
Le logement des veaux laitiers en case collective dès les premiers jours de vie figure parmi les récentes recommandations émises par l’Efsa (Autorité européenne de sécurité des aliments) en vue d’une révision de la réglementation sur le bien-être animal. Dans ce cadre, le programme de recherche Colocavo a été mis en place par l’Institut de l’élevage (Idele) dans quatre fermes expérimentales (Trinottières, Trévarez, Rheu, Blanche Maison), pour une durée de quatre ans (2023-2027), afin d’étudier comment optimiser le logement et la conduite.
Les premiers essais ont permis de mesurer l’effet de différents itinéraires sur la croissance et le comportement des jeunes veaux, grâce à des observations en direct et à des analyses vidéo, avec un focus sur l’expression de comportements négatifs, ou « stéréotypie ». « On classe sous cette appellation un ensemble de comportements, de l’ordre du tic nerveux, liés à l’expression d’une frustration, ou à un stress pouvant affecter l’immunité, explique Anne Aupiais, référente bien-être animal à l’Idele. Si, par exemple, un veau lèche le mur, tète l’oreille d’un congénère ou joue avec sa langue dans le vide pendant plus de dix secondes, on considère qu’il s’agit de stéréotypie. » Parmi les stéréotypies, on compte les succions croisées pouvant affecter le développement de la mamelle juvénile, entraîner des comptages cellulaires élevés en première lactation, ou encore des infections du nombril ou de la peau.
Mise en place du logement par paire, ou « pair-housing »
Le mode de logement collectif mis en œuvre à la ferme expérimentale des Trinottières (49) apparaît simple et pratique : une paroi amovible permet de réunir ou de séparer deux cases individuelles de 1,9 m² (voir photo ci-dessous). Ici, les vêlages groupés sur trois mois facilitent la mise en place d’un élevage des veaux par paire, avec un écart d’âge moyen de 1,5 jour. Résultat : aucune différence de croissances jusqu’à 6 semaines d’âge n’a été mesurée, comparativement à l’élevage en case individuelle. L’essai révèle aussi que l’on peut loger des mâles avec des femelles d’âge similaire sans effet sur l’ingestion ni sur le GMQ (gain moyen quotidien). Cependant, une hausse des succions croisées est observée à partir de la quatrième semaine, lors du passage à un repas par jour. Ce qui pose la question d’ajuster les volumes de lait, ou du manque de surface au gré de la croissance des veaux.

Après l’élevage par paire, les génisses ont été logées jusqu’à 6 mois sous tunnel (voir photo principale), en case collective de six individus. Des observations de 6 à 24 semaines d’âge ont été réalisées sur des lots où les paires étaient laissées ensemble et sur d’autres où elles étaient séparées. Les conclusions vont dans le sens du maintien du lien entre les animaux : un peu moins de succions croisées et plus d’interactions sociales ont été relevées dans les lots où les génisses se connaissent déjà. Pour autant, les GMQ sont similaires, avec un poids de 196 kg et 205 kg à 6 mois, que les couples soient maintenus ensemble ou séparés. Les observations indiquent aussi que les génisses qui se connaissent ne conservent pas toujours un lien après le passage en lot. Ce qui signifie qu’un réallotement est possible.
Pas d’effets négatifs des programmes à un repas par jour...
À Trévarez (29), c’est l’effet de la fréquence de distribution du lait qui a été mesuré. Ici, le troupeau holstein est conduit selon deux périodes de vêlage (printemps, automne). Les veaux sont logés en cases collectives de quatre individus dès la naissance, allaités avec du lait yogourté en bac à tétines collectif selon deux modalités : un repas de 6 litres/jour le matin, puis de 3 litres sept jours avant sevrage ; ou, deux repas de 3 litres matin et soir, puis un repas de 3 litres le matin sept jours avant sevrage.
Le nombre de repas n’a pas eu d’impact sur les succions croisées. Le comportement est peu présent (2 %) et intervient surtout autour de la buvée : dans le détail, les succions croisées sont davantage présentes le matin avec un régime d’un repas par jour (7,5 %, vs 5 %), mais quasiment absentes le reste de la journée. Les stéréotypies, de type vigilance exacerbée, vocalises, sont également très peu fréquentes : « Quel que soit le nombre de repas, on observe seulement deux pics au moment du sevrage. Par ailleurs, les observations confirment que le temps de repos quotidien diminue avec l’évolution du régime alimentaire, au profit du temps consacré à consommer des aliments solides, explique Julien Jurquet, chef de projet à l’Idele. Nous pouvons ainsi constater que, dans le contexte d’une mise en case collective dès le premier jour, le rythme de distribution n’a pas d’impact sur l’expression de comportement négatif. Dans les deux cas, la suppression d’une distribution génère un stress. L’important est donc moins la fréquence de buvée que la mise en œuvre d’un sevrage progressif qui va permettre aux animaux de consacrer davantage de temps à consommer des fourrages et des concentrés, pour limiter ces comportements. »
... Ni de retard de croissance avec les bacs collectifs
À la ferme expérimentale du Rheu (35), c’est l’effet comparé d’une distribution du lait collective dans un milk bar ou individuelle en seau à tétines qui a été mesuré sur des veaux mis en cases collectives dès la naissance. Dans les deux cas, le plan lacté prévoyait deux repas de 4 litres de lait/jour, pour un sevrage à 70 jours. Résultat : il y a eu peu de stéréotypies et pas de différences significatives de comportements selon le matériel utilisé.
Dans ces conditions d’élevage où un vide sanitaire a pu être mis en place avant l’essai, aucun problème de santé n’est associé au logement collectif. Au niveau des croissances, si l’objectif d’un poids de 200 kg à 6 mois est atteint, les velles nourries au milk bar – équipement qui permettrait également un gain de temps, d’après les animaliers de la station – sont légèrement plus lourdes au sevrage et à 6 mois.
Un enrichissement facile à mettre en œuvre
Enfin, l’essai de la ferme de la Blanche Maison (50) – mené sur des veaux normands mis en case collective de cinq ou six individus dès le 4e jour de vie avec un repas de 6 litres de lait entier par jour – valide l’intérêt d’un accès au seau à tétine après la buvée comme enrichissement du milieu. Les observations ont consisté à relever le comportement des veaux dans deux cases où les seaux à tétine étaient enlevés après la buvée et dans deux cases où ils étaient laissés accrochés au cornadis (après lavage). Résultat : « En dehors de la buvée, les veaux ont passé 2 % de leur temps à jouer avec les tétines, ce qui entraîne une légère réduction des succions croisées jusqu’au sevrage à 3 mois, analyse Flore Lepeltier, chargée de mission à l’Idele. Dans le cadre d’un logement en cases collectives, il s’agit donc d’un enrichissement du milieu facile à mettre en place. »
Parallèlement, une enquête menée dans 227 exploitations montre que l’élevage en case collective dès la naissance, ou au cours de la première semaine, n’est pratiqué que dans 7 % des cas. La principale crainte évoquée étant la maîtrise du risque sanitaire. « En situations expérimentales où l’hygiène est bien maîtrisée, où l’accent est mis sur la biosécurité, voire la vaccination [NDLR, rota et corona virus à Trévarez], et où des périodes de vêlages groupés facilitent la mise en œuvre d’un vide sanitaire, aucun problème sanitaire particulier n’a été relevé. Cela va dans le sens d’études récentes qui semblent indiquer que le logement en petits groupes stables ne pose pas davantage de difficultés, expliquait Valérie Brocard, chargée d’étude à l’Idele, à l’occasion d’une porte ouverte. Dans le cadre de Colocavo, ce volet sanitaire va être évalué sur le terrain, à travers un suivi d’élevage initié dans des exploitations de Franche-Comté. »

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