
Sur les 280 exploitations touchées par le plan de réduction des volumes de Lactalis, 24 sont en lait biologique. La Haute-Saône en totalise la moitié. Témoignage de Benoît Chamagne et du Gaec du Pré charmant. Le premier se déconvertit. Le second reste en bio.
Benoît Chamagne fait partie des 12 producteurs bio haut-saônois (4,3 Ml) concernés par la rupture de contrats par Lactalis (7 dans les Vosges, 2,7 Ml). Il est adhérent de l’OP APL Biologique Grand Est (APLBGE), qui s’est alliée avec l’Union nationale des éleveurs livreurs de Lactalis (Unell) pour gérer ce séisme régional. Il fait également partie des producteurs, qui encore plus que les autres, craignaient pour leur avenir à l’annonce de Lactalis fin septembre. Son exploitation à la référence relativement modeste - 254 000 litres - est située dans la région sous-vosgienne vallonnée de la Haute-Saône. Ses routes sinueuses et étroites compliquent les conditions de collecte, surtout en hiver.
« J’ai reçu le courrier de résiliation le 31 janvier. Mon contrat bio prendra fin le 31 janvier 2027 car il a deux ans de préavis, mais je rejoins Pâturages comtois le 1er août 2026, au plus tard. » L’éleveur confie vivre cette rupture « comme un licenciement. C’est Lactalis qui m’a incité à passer en bio en 2018. Mon contrat s’est renouvelé automatiquement en 2023. Je ne m’attendais pas à cette fin brutale. »
Il adhère à la coopérative haut-saônoise en lait conventionnel. Les 2 à 3 Ml bio qui l’approvisionnent lui suffisent. Jusqu’au 30 juin, la PME collectait 41 Ml auprès de 57 adhérents pour ses fabrications fromagères (brie notamment). Avec la reprise de 18 producteurs le 1er juillet, puis 24 autres d’ici le 1er août 2026, elle va monter sa collecte à près de 60 Ml conventionnels. « Je réfléchissais déjà à une déconversion de la bio car le prix n’augmente pas contrairement à mes charges. La rupture de Lactalis a été le coup de grâce. » L’exigence élevée de Pâturages comtois sur les résultats de spores butyriques l’encourage également vers cette décision.
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L’entrée dans la coopérative nécessite l’acquisition de 12 500 € de parts sociales qu’il fera en cinq ans. Le tank à lait, que Lactalis lui loue actuellement, sera acheté par la fromagerie sur la base d’une grille établie ensemble. La laiterie départementale applique cette conduite à ses 42 nouveaux membres. « En contrepartie, elle m’apporte l’assurance d’être collecté. Elle est aussi une entreprise locale. C’est important aujourd’hui à mes yeux. Avant, je ne pensais jamais de cette manière. »
Poursuivre en bio avec l’Ucafco
À 15 km de là, à Fougerolles Saint-Valbert, commune bien plus aisément accessible que Saint-Bresson, Nicolas et Mathieu Lemercier poursuivent, eux, le lait bio. Le père et le fils sont associés au sein du Gaec du Pré charmant.
Comme Benoît Chamagne, leur Gaec est adhérent de l’OP APLBGE. Nicolas en est un des administrateurs. Le 1er juillet, un camion de l’Union des coopératives d’affinage de Franche-Comté (Ucafco) est venue pour la première fois pomper leur lait. Ils ont tranché en faveur de la coopérative de collecte (90 Ml dont 8 Ml bio) partenaire de Sodiaal. « Notre volume contractuel de 880 000 litres est un atout qui s’ajoute à l’accès facile de notre exploitation. Nous avons reçu trois propositions d’entreprises : celle de Pâturages comtois, du fromager Mulin et de l’Ucafco. Nous avons choisi cette dernière », détaille Nicolas. L’achat de parts sociales à hauteur de 1 % du chiffre d’affaires laitier (1) et l’investissement de l’Ucafco il y a cinq ans dans une fromagerie neuve à Port-sur-Saône (Haute-Saône) séduisent les deux associés. La coopérative l’a mise en location-gérance à Monts & Terroirs (filiale à 65 % de Sodiaal), qui fabrique de l’emmental et du gruyère de France sous signes de qualité. « Surtout, l’Ucafco, que nous avons contactée rapidement après l’annonce de Lactalis, nous a tout de suite rassurés sur le fait qu’elle nous reprendrait en bio », insiste Nicolas Lemercier. Un autre éleveur bio a fait le même choix. Les deux élevages cumulent 1,2 à 1,3 Ml. L’objectif de l’Ucafco est le maintien des volumes bio (8Ml actuellement). Une petite dizaine de ses adhérents se sont déconvertis ces deux dernières années.
150 000 litres attribués par Lactalis
Mathieu Lemercier s’est installé dix mois avant l’annonce par Lactalis des ruptures de contrats. En Gaec depuis le 1er décembre 2023, ils achèvent la troisième tranche de développement de 50 000 litres attribuée par Lactalis à Mathieu pour son installation JA. Dans ce but, le bâtiment est agrandi de 25 logettes. « Nous nous sommes demandés à quelle sauce nous allions être mangés, confient-ils. L’exploitation est en bio depuis 2008 et chez Lactalis depuis 1990. Nous nous sommes développés selon le schéma du groupe. Nous avons signé la charte Lactel bio engagé. Au final, cela n’a rien changé. Comme notre lait était dirigé vers Xertigny, dans les Vosges (NDLR : site de concentration du lait de Lactalis qui va fermer) et transformé en filière conventionnelle, nous avons fait partie du lot. » Ils se réjouissent de maintenir leur système de production en bio. « Nous restons persuadés que le lait bio fait partie de l’avenir. »
Benoît Chamagne et le Gaec du Pré charmant font partie de la cinquantaine d’exploitations haut-saônaises en train de créer un collectif sous l’égide de la FNPL. « Nous voulons obtenir des compensations », lancent-ils.
(1) Ucafco est adhérente de Sodiaal au même titre qu’une exploitation laitière classique. Elle finance les 9 % de parts sociales restantes à payer à Sodiaal.
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