Méthanisation, des bénéfices agronomiques et agro-écologiques
Pour lutter contre le changement climatique et améliorer la souveraineté énergétique, la production de biogaz est appelée à se développer. Et les méthaniseurs se multiplient.
L’introduction d’une troisième culture sur une période de deux ans, exportée pour la production d’énergie, pose la question de l’intensification du système de cultures. Peut-on conduire sobrement une Cive ? Quel est son impact sur la fertilité des sols et l’évolution de la matière organique ? Pénalise-t-elle la culture suivante ? Plusieurs études se sont penchées sur ces questions.
L’introduction de cultures intermédiaires à vocation énergétique (Cive) dans les rotations apporte les bénéfices agronomiques des couverts végétaux, à savoir : piéger les nitrates pour éviter leur lessivage, limiter le ruissellement et l’érosion, concurrencer les adventices, améliorer la structure et l’activité biologique des sols. En revanche, à la différence des cultures intermédiaires pièges à nitrates (Cipan) ou des cultures intermédiaires multiservices (CIMS) restituées au sol, les Cive sont récoltées et donc exportées hors de la parcelle afin de nourrir un méthaniseur. Cela pose question quant à l’apport de matière organique utile à la bonne santé des sols, puisque le carbone des Cive se retrouve dans le méthane (CH4) et le dioxyde de carbone (CO2) composant le biogaz.
On peut donc légitimement se demander si intégrer des Cive dans les rotations ne risque pas de nuire à la teneur en matière organique des sols, donc à leur fertilité. Pour répondre à cette question, dans le cadre du projet CarboCIMS piloté par l’Inrae, des modélisations ont été réalisées afin d’estimer l’évolution organique des sols sur trente ans. Les résultats indiquent que l’impact d’une Cive peut en réalité être meilleur que celui d’un couvert restitué au sol. Pourquoi ? Au moment de la récolte, les Cive laissent au sol une biomasse composée des chaumes et des racines. Ces résidus apportent moins de matière organique qu’un couvert à rendement identique (environ 2 tonnes de MS/ha), mais davantage dans le cas d’un rendement supérieur (6 t de MS/ha), ce qui est l’objectif recherché avec une Cive. De plus, l’apport de digestat en général réalisé sur les Cive fournit de la matière organique stable supplémentaire. Ainsi, d’après l’étude, une Cive d’hiver recevant du digestat stocke davantage qu’un couvert non récolté de 2 t de MS/ha, à partir d’un rendement de 3,7 t de MS/ha. Un autre projet, nommé Recital, a été piloté par Arvalis entre 2019 et 2023. Soutenu par l’Ademe, il a capitalisé les résultats d’un réseau d’essais sur les Cive, dans le but de fournir des recommandations pour optimiser leur conduite et les services rendus. Le facteur principal du rendement méthanogène d’une parcelle est son rendement en biomasse.
Récolte précoce recommandée
Toutefois, plus la récolte de la Cive est tardive, plus elle risque d’affecter le rendement de la culture à suivre (implantation tardive, consommation de la réserve en eau par la Cive). Arvalis recommande alors de récolter le plus tôt possible – fin avril-début mai –, lorsque le stade épiaison-début floraison de la céréale est atteint, avec un taux de matière sèche de 25 à 30 %. Une récolte précoce permet en tendance de reconstituer une partie du réservoir en eau en mai. S’il est souhaitable d’optimiser le volume de production des Cive pour un meilleur rendement en biogaz et un meilleur stockage de carbone dans le sol, il peut être discutable en revanche d’apporter une fertilisation minérale sur ces cultures.
Dans un but agroécologique, l’idée est plutôt d’être dans une dynamique circulaire de recyclage des éléments nutritifs, via notamment l’apport de digestat. Cette économie d’intrants était l’un des objectifs recherchés par la chambre régionale d’agriculture Nouvelle-Aquitaine dans son projet Pampa visant à « Promouvoir agroécologie et méthanisation par les associations culturales ». Des essais ont été réalisés pour mesurer l’intérêt d’intégrer des légumineuses (féverole, vesce) dans une Cive à base de céréale (seigle, triticale) avec plusieurs modalités de fertilisation azotée. Les résultats montrent que, en l’absence de fertilisation, les rendements obtenus sont supérieurs en présence de féverole. La diversification de la composition de la Cive peut aussi être un moyen de sécuriser le rendement.
Un site pour monter en compétences
En l’absence de fertilisation, les adventices sont également moins nombreuses. En outre, les besoins de la Cive en fertilisation azotée sont diminués et le digestat obtenu est plus riche en azote. Au final, le bilan azoté est amélioré de 30 unités (voir l’infographie ci -dessous). En introduisant une légumineuse dans la Cive, le retour de digestat peut donc éventuellement suffire à obtenir des rendements corrects. Toutefois, il n’y a pas toujours d’effet immédiat de la légumineuse observé sur le terrain.
Les connaissances sur les Cive sont aujourd’hui nombreuses. Dans l’objectif de les valoriser et de les transférer aux conseillers et agriculteurs, sept chambres d’agriculture (1) ont travaillé pendant deux ans afin de capitaliser les données dans le cadre du projet Reflex’Cive (2022-2023). Celui-ci s’est appuyé sur une base de 268 essais sur les Cive. Le site internet « Produire des Cive » a été créé pour rassembler le maximum d’informations : il vise à outiller les conseillers et former les agriculteurs méthaniseurs, afin de les faire monter en compétences et aussi de favoriser la communication avec la société civile.
(1) Bretagne (pilote), Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire, Isère ; avec la participation de l’Association des agriculteurs méthaniseurs bretons (AAMB) et un financement Casdar.
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