Qu'un tiers des éleveurs manquent de fourrage en février, c'est « inquiétant ! », juge Jean-Luc.
Rien d'étonnant pour Yvette : « Avec la sécheresse, tout le fourrage a été distribué cet été. Les stocks fourragers étaient vides pour l'hiver. »
Dès la récolte, un tiers en moins de foin et maïs.
Idem pour Momo. Selon lui, c'était déjà : « 1/3 de moins en foin à la récolte, un autre tiers de mangé pendant l'été, 1/3 de moins aussi en maïs et les 2/3 restants qui ne valent pas grand-chose. »
« Ça dépend vraiment des régions », nuance Frédéric. Ayant effectué « une première coupe de foin en avril dernier, puis une deuxième en juin et une troisième en septembre », il prévoit cette année de « débuter fin février ».
« Un peu tôt pour savoir »
Lau considère qu'il est « encore un peu tôt pour savoir » : « Le mois de février n'est pas fini, y aura-t-il des giboulées en mars et avril sera-t-il froid ? »
did s'inquiète lui : « Février 2023 s'annonce sec, ce n'est pas bon pour la suite. »
Déjà mal barré chez certains.
Denis suggère de « faire le point fin mai pour voir si la 1ère boule tombe dans la grange ou sur le couloir d'alimentation ». Il rejoint @Lau : « Cela dépend du temps de février et mars et également du démarrage de l'herbe... »
« C'est mal barré, pense au contraire Nelly. Ici, peu de neige, des prés verdoyants avant l'heure, et des risques de gelée... »
« 15e mois de sécheresse chez moi, de la poussière à 30 cm de profondeur et des sources/fossés/drains HS », lui répond Denis.
« On ne fait plus de rendement en herbe, même en Normandie ! », lance Quentin.
« En acheter ? »
« Comment faites-vous ? », demande alors Margueritte.
« Nous sommes allés chercher quelques ballots dans le coffre », ironise Marie-Claire.
Loïc, qui en « manque déjà depuis début novembre », « galère à en trouver ».
Didier a « encore du fourrage pour ceux que ça intéresse, dans le 41 près de Vendôme ».
Ghislain déclare « avoir tous les ans du foin ou de l'herbe à vendre sans trouver forcément d'acheteurs ».
Depuis 2020, Daniel « cherche à vendre du foin » mais « pas une seule demande sérieuse ». « C'est à n'y rien comprendre (...) », poursuit-il.
Peu d'acheteurs, bizarre...
« Le foin est disponible, c'est l'argent pour l'acheter qui manque », estime pour sa part Gérard.
« Mais à quel prix... »
Jean-Yves en « ramène d'Espagne ».
« Départ ferme, pas évident d'en vendre à un prix correct », explique Gilles.
Jean-Guy propose de « grosse quantité, en boules ou cubes, à 140 euros départ ferme ».
« Autour de nous, il y en avait dans ces prix-là mais maintenant, il n'y a plus rien », relate Sébastien.
« À 130 € la tonne rendu chez soi, il n'y en a pas beaucoup, c'est déjà bien beau d'en trouver à 150 €. Y en a, ils se croient au Texas avec leur 200 ou 250 € la tonne, ou 80 € la balle d'enrubanné », ajoute Damien.
L'argent manque autant que le fourrage.
« Normal, le coût de production est à 130 €/t environ, les céréales ont bien pris 50 % et l'engrais 200 % », argumente Gérard.
« Une aide de l'État ?! »
Édouard s'en prend aux « méthaniseurs, où partent des centaines de tonnes d'aliment, transformées en biogaz alors qu'elles auraient pu nourrir les animaux. (...) »
La situation pourrait empirer en 2023.
Jérôme au gouvernement parlant, pour l'aide octroyée, de « foutage de gu... ».
Il part du principe que « (...) c'est aux éleveurs de prévoir un peu de stock et n'indemnise qu'au-delà de 25 % d'herbe en moins (...) », indique Gilles.
« Avec la nouvelle assurance multirisque climatique, c'est l'État et des satellites qui donnent le taux de perte de fourrage, et pas nous avec nos stocks et factures d'achat », complète Jérôme.
Gilles craint en effet que la situation soit « pire en 2023 » côté sécheresse et déficit fourrager, et se montre dubitatif vis-à-vis des « assureurs privés ».
« Que faire alors ? »
« Il va peut-être falloir se pencher sur d'autres sources de fourrage, analyse Rémy. Certains ont déjà commencé avec la silphie, plus adaptée à la sécheresse et aux sols pauvres. »
Baptiste évoque « les couverts, voire les doubles couverts, avant une culture de vente qu'il faudrait systématiser : sorgho piper semé après la moisson puis avoine/légumineuse après ensilage du sorgho par exemple, puis maïs ou tournesol après la récolte de l'avoine + légumineuse (...) » ou « l'ensilage de seigle au printemps ». Il le sait bien, « ce n'est peut-être pas généralisable à toutes les régions », alors « à chacun de chercher sa solution (...) ».
Ne pas cultiver que de l'herbe.
Renaud « ne fait pas que du foin » et « heureusement ! », précise-t-il. Il détaille : (...) « J'ai varié mes sources d'aliment : foin, paille de blé et de pois protéagineux, foin et ensilage de sorgho, ensilage de sorgho, ensilage de méteil, orge, pois, betteraves fourragères. Au lieu de faire une culture par an sur une parcelle, j'en fais deux de cycle court car il y a moins de risques d'avoir une sécheresse toute l'année. (...) »
« D'autres sources de fourrages ? »
« Mon père adaptait son cheptel à ses capacités fourragères », se souvient Yves.
« Sauf qu'il n'y avait pas autant de sécheresses qu'aujourd'hui ! », objecte Sylvain.
Mais avec 3 sécheresses en 6 ans...
« Celle de 1976 fut dure mais n'a duré que quelques mois..., argumente Nelly. Là on cumule la sécheresse de 2022, avec 50 % de foin en moins et 0 regain, avec une année 2021 très pluvieuse où les récoltes ont été difficiles, avec de la quantité certes mais une mauvaise qualité. (...) Ceci après trois années de sécheresse consécutives, de 2018 à 2020, avec moins de foin et presque pas de regain. Beaucoup d'entre nous n'ont pas pu reconstituer les stocks et le prix du foin a explosé. »
Alors que ses parents « n'ont connu qu'une grosse sécheresse en 37 années de carrière », Renaud, éleveur depuis 2017, en a vu « 3 en 6 ans ». « Les rendements ont chuté à des niveaux qu'on n'avait pas connu depuis 1945, donc plus bas qu'en 76 », témoigne-t-il.
Une seule solution : « décapitaliser »
Michel conseille aussi de « réduire le troupeau avec les années que l'on a, d'autant qu'on est reparti sur une grosse sécheresse ». « Même si mars est humide, les stocks fourragers sont très bas. Et acheter du foin n'est pas rentable : en dépannage oui, mais tous les ans, on mange plus qu'on y gagne. »
On ne va pas acheter du foin tous les ans !
« La décapitalisation du cheptel ne va pas s'arranger, enchaîne Jean-François, avec le peu d'indemnisation de l'État et puisque la MSA refuse à beaucoup d'éleveurs de reporter leurs cotisations (...). » À ses concitoyens qui font un lien entre le manque de fourrage et l'agrandissement des élevages, il fait remarquer que « ce n'est pas une histoire de taille, même les petites et moyennes exploitations sont touchées ».
« (...) Ce n'est pas vouloir plus de bêtes, mais seulement maintenir son troupeau », répète Yvette.
Les bêtes, qui partent, paieront la bouffe des autres !!
« Plus d'élevage, ni d'éleveur »
« Hé bien nous continuerons à décapitaliser (...), les vaches qui partent paieront la bouffe pour celles qui restent ! », appuie Bertrand. « Et tant pis pour les consommateurs », qui auront du mal à remplir leur assiette. Ainsi, ils prendront peut-être conscience des difficultés des éleveurs, espère-t-il.
Momo, sur un ton ironique : « Contrairement aux autres années, j'ai du stock de fourrages ! La "décheptelisation" a de bons côtés !! (...) »
Certains comme Nathalie, pourraient même « arrêter l'élevage », surtout avec « la nouvelle Pac, défavorable ». Elle souhaite donc « bon courage à tous les éleveurs ».
Obligé de vendre son outil de production...
La situation est « extrêmement grave », insiste André. « Les éleveurs sont obligés de vendre leurs outils de production à cause d'un manque de foin !? »
« Les vegans vont être contents », constate tristement Marie-Laure.
« À force, il va manquer aussi des éleveurs », conclut Romain.