Cette année, 4 milliards de litres de lait transformés par les industriels privés seront concernés par des négociations commerciales hors de France. Exit donc la sanctuarisation de la matière première agricole. François-Xavier Huard, PDG de la Fnil, dénonce cette situation, qui ne peut que peser sur les prix à la production et sur les capacités d’investissement.
Comment se présentent les négociations commerciales cette année ?
François-Xavier Huard : Les négociations commerciales entre les centrales d’achat et leurs fournisseurs commencent dès novembre avec l’envoi des conditions générales de vente. La moitié du lait français est concernée par ces négociations. L’an dernier déjà, la pression des distributeurs était forte pour ne pas sanctuariser la matière première agricole. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard avait fortement pesé pour défendre Egalim. Une part de la matière première agricole est passée, mais pas les coûts industriels. De plus en plus de distributeurs échappent à Egalim en imposant des négociations hors de France. Cette année, ce sont 4 milliards de litres de lait, sur les 12,6 milliards transformés par les industriels privés, qui passeront par des centrales d’achat européennes. Cela ne concerne pas que les grandes entreprises. Même les PME sont désormais contraintes d’aller négocier hors de France. Et si rien n’est fait, la totalité du lait pourrait ainsi échapper à Egalim l’an prochain. En juillet, Carrefour et Coopérative U ont annoncé la création de Concordis, une alliance européenne qui vise à massifier les achats pour accroître la compétitivité. Par ailleurs, les distributeurs reprennent leur flambeau de défenseurs du pouvoir d’achat. Quand on oppose le pouvoir d’achat et les prix de l’alimentation, on détruit de la valeur. La question qui se pose à la veille de l’ouverture de ces négociations, c’est : peut-on faire respecter la loi Egalim ?
Quelles sont les conséquences de cette délocalisation des négociations ?
F.-X. H : Quoi qu’il arrive, les distributeurs préservent leurs marges. En pressurant les industriels et en ne sanctuarisant pas la matière première agricole, ils les empêchent de payer le lait au juste prix. Une étude commandée par la Fnil à la Banque de France a montré récemment la faiblesse des marges nettes des industriels laitiers : 1,1 %. On constate un décrochage depuis 2022 par rapport aux autres entreprises de l’agroalimentaire.
C’est inquiétant. Si les industriels compriment leurs marges pour pouvoir payer le lait, ils se privent de capacité d’investissement. Or, la souveraineté laitière de la France passe nécessairement par un maintien des investissements dans la filière.
Les contrôles de la DGCCRF sont-ils efficaces ? La loi doit-elle évoluer ?
F.-X. H : La DGCCRF est vigilante sur le respect des dates de signature des contrats. Les dépassements sont sanctionnés, mais les montants des amendes sont dérisoires par rapport aux profits permis pour les distributeurs. Ensuite, elle réalise des enquêtes sur la manière dont se déroulent les négociations. Mais, pour les centrales d’achat, le droit applicable est celui du pays dans lequel elles sont basées. La DGCCRF n’agit pas à l’étranger. La solution se trouve à Bruxelles. Une révision de la directive contre les pratiques commerciales déloyales est en cours de discussion au Parlement. Nous essayons de peser et de faire de la pédagogie auprès de nos voisins. Le Parlement a adopté une position qui va dans notre sens. Ensuite, il y aura un trilogue.
Que proposez-vous pour contrer les centrales européennes ?
F.-X. H : Nous défendons l’idée qu’un produit destiné au marché français, fabriqué en France avec des matières premières agricoles produites en France, soit obligatoirement soumis aux lois françaises, y compris pour les négociations commerciales. Les membres de la Fnil s’attachent à proposer des produits de qualité, à des prix abordables et qui rémunèrent tout le monde. Cela est possible. La consommation de lait et de produits laitiers se maintient bien en France, elle a progressé de 0,4 % en volume sur un an à fin septembre. Et il n’y a pas de déflation sur ce segment. Des démarches comme C’est qui le patron ? ! montrent aussi que les consommateurs sont sensibles au fait que chacun doit gagner sa vie dans la filière.
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