« Depuis janvier, nous avons bien compris que le monde allait changer. Avant il y avait une régulation des flux commerciaux, le poids de l’OMC, du GATT, etc. », entame François-Xavier Huard, président de la Fédération nationale de l’industrie laitière (Fnil), lors de son assemblée générale le 5 juin à Paris. « Aujourd’hui, l’actualité montre que l’on est très dépendant des annonces au jour le jour », continue-t-il en faisant référence à la politique de Donald Trump. Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger parle, lui, d’« un monde où le commerce est devenu plus fragmenté », évoquant des négociations d’accords de libre-échange, notamment avec l’Inde.
Une évolution des hégémonies
Quant à Olivier Antoine, directeur d’ORAE Géopolitique, il évoque un « monde où l’hégémonie des pays, établie depuis la Seconde Guerre mondiale, est en train d’évoluer ». Le cadre est posé. Les échanges qui suivront porteront principalement sur la géopolitique laitière, la nécessité de réinvestir dans les industries françaises pour rester dans la course et le poids des normes. Ainsi, les Brics (1), regroupant entre autres la Chine, le Brésil et la Russie, arrivent sur le devant de la scène, face à une Europe en perte de vitesse.
« Tous ces pays veulent augmenter leur production même s’ils n’ont pas l’espace foncier pour cela », relève Olivier Antoine, quitte à aller acheter des milliers d’hectares de terres ailleurs car « le lait n’est pas neutre, c’est la base de la vie humaine ». La Chine a réussi à développer sa production en quarante ans. La production de l’Inde est en pleine croissance, pays qui « ne négocie d’ailleurs jamais son agriculture dans les accords internationaux », selon Olivier Antoine. « La croissance laitière se fera en dehors de l’Europe. On y a atteint un plafond de consommation et la population y est vieillissante », affirme Christophe Lafougère, PDG de Gira-A Girag & Associates Company. Il revient sur le lactosérum « là où se fera la marge du futur », au point que « le gouvernement chinois pousse depuis trois mois à la production de fromage afin d’obtenir aussi du lactosérum et de tendre vers davantage d’autonomie. C’est une vraie révolution ! » Il alerte sur le peu de valeur que développe la France au sujet du lactosérum à l’inverse d’autres pays comme l’Allemagne et insiste, lui aussi, sur la nécessité de réinvestir.
Une géopolitique normative
Alexandra Laferrière, directrice générale communication et affaires publiques chez Lactalis, valide ce discours d’investissement, notamment dans la R&D. Et de rebondir sur la question d’une « géopolitique normative » avec le besoin impératif de simplifier les normes « pour tout le monde et ne pas rajouter des seuils ». Il s’agirait « d’essayer de ne pas se mettre des boulets au pied pour maintenir notre compétitivité », relève-t-elle. Sur le plan des normes environnementales, Jean Burkard, directeur du plaidoyer de WWF France a voulu rappeler une évidence : « Sur le terrain, on entend que les normes environnementales créent des entraves et vont brider l’économie pour les agriculteurs. Mais on a oublié l’essentiel, le changement climatique et le recul de la biodiversité vont apporter des contraintes beaucoup plus importantes. » François Xavier Huard aura le dernier mot, en introduisant la notion de fonds d’investissement face aux caisses vides de l’État comme aux poches vides des consommateurs, et de clôturer : « Nous devons être branchés sur les marchés et cultiver notre différence. Nous y arriverons en faisant de la durabilité notre marque de fabrique. »
(1) En avril 2025, les Brics se composaient des dix pays suivants : Afrique du Sud, Brésil, Chine, Égypte, Émirats arabes unis, Éthiopie, Inde, Indonésie, Iran, Russie.
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