Fièvre catarrhale ovine : n’en fait-on pas un peu trop ?

Seules les vaches en plastique sont acceptées sur le ring du Sommet de l’élevage. Dans le hall viande, comme dans le hall lait, toutes les stalles sont vides. Seuls quelques ovins issus de « la zone rouge » ont eu droit de se rendre à Cournon. (©Terre-net Média)
Seules les vaches en plastique sont acceptées sur le ring du Sommet de l’élevage. Dans le hall viande, comme dans le hall lait, toutes les stalles sont vides. Seuls quelques ovins issus de « la zone rouge » ont eu droit de se rendre à Cournon. (©Terre-net Média)

Périmètre d’interdiction, zone de protection, zone de surveillance, broutards bloqués, annulation des marchés et des concours bovins du Sommet de l’élevage 2015... N’en faisons-nous pas un peu trop avec la fièvre catarrhale ovine (FCO) ? C’est la question que Web-agri est allé poser à Jean-François Blanc (directeur du Sommet de l’élevage), Michel Combes (président de GDS France) et Bernard Roux (président de l’OS Limousine).

Jean-François Blanc, directeur du Sommet de l’élevage

Jean-François Blanc, directeur du Sommet
Jean-François Blanc, directeur du Sommet (©Tnm)

En tant qu’organisateur du Sommet de l’élevage, je déplore que le zonage Fco tel qu’il est, n’ait pas permis d’accueillir de bovins cette année. Les autorités sanitaires auraient pu prendre la décision de ne faire qu’une seule zone au lieu de deux actuellement (périmètre d’interdiction et de protection), cela aurait permis de recruter des animaux dans l’ensemble de cette grande zone, ce qui n’aurait rien changé aux conditions d’exportation des broutards ou des animaux reproducteurs. Ne faire qu’une seule zone aurait pu permettre d’organiser des présentations animales tout à fait acceptables pour la plupart des races.

La grande majorité des éleveurs étaient prêts à venir, notamment dans les races à viande comme les Limousins qui devaient organiser leur concours national. Les éleveurs gascons, pourtant hors zone, étaient même prêts à venir avec uniquement des bovins de boucherie qui auraient pu être vendus et abattus à l’intérieur de la zone d’interdiction.

Tout cela est fort dommage pour les visiteurs étrangers et acquéreurs de génétique française. Avec l’aide des OS, nous avons donc mis les bouchées doubles sur les visites d’élevage. Cela a été un véritable tour de force, nous avons dû trouver 52 bus pour organiser ces visites, mais cela ne remplace pas la présence d’animaux au Sommet.

Côté fréquentation du salon, on verra bien, on fera le bilan vendredi soir. Lors de la dernière crise de Fco en 2007, on avait perdu 7 % de visiteurs mais nous avions tout de même quelques animaux à présenter. Malgré tout, je tiens à rappeler que le Sommet est une exposition commerciale et que les 1.400 exposants ont répondu présents.

Michel Combes, Président de GDS France et éleveur dans le Cantal

Michel Combes, président de GDS France
Michel Combes, président de GDS France (©Tnm)
 

Dire qu’on en fait trop avec la Fco, je ne pense pas, mais on a appliqué sans doute un peu fortement le principe de précaution par rapport à d’autres pays. C’est une maladie non contagieuse et non transmissible à l’homme, mais elle n’est pas aussi anodine qu’on le dit parfois. Sinon les marchés italien, turque ou algérien ne seraient pas bloqués. Il s’agit aujourd’hui du stéréotype 8 de la Fco, il en existe 25 différents, c’est celui qui a déjà sévi en 2007-2008 et qui a décimé tout ou partie des troupeaux dans certains élevages ovins. Certes les conséquences sont plus atténuées sur les bovins, bien qu’il y ait eu des élevages de vaches laitières qui ont subi des pertes de production importantes lors de la dernière épizootie du virus.

Le problème actuel vient surtout des pays importateurs. Nous devons obtenir des pays européens que si les animaux exportés sont vaccinés, il n’y ait pas de différence quelle que soit la zone dont ils sont issus. N’oublions pas que près de 80 % des broutards destinés à l’export viennent de zones réglementées. Il faut débloquer cette situation très très rapidement. Les pays importateurs profitent aussi de la Fco pour jouer sur les prix. Ce n’est pas les engraisseurs étrangers mais les services de santé des autres pays qui bloquent et ne veulent pas accepter de broutards issus de la zone d’interdiction, même vaccinés et sans aucun risque. Le blocage des échanges va se traduire par un effondrement des prix. La filière n’avait vraiment pas besoin de cela cette année.

Au titre de GDS France et de la fédération européenne des GDS, je me fais porte-parole des éleveurs pour porter ce dossier auprès de la Dgal (direction générale de l’alimentation) afin que cela remonte au plus haut niveau à Bruxelles et entre les ministres de l’agriculture des différents pays concernés. La Fco est une maladie qu’on ne peut plus résonner à l’échelle d’un seul pays. Il faut arriver à un consensus européen et cela sera d’autant plus facile de faire accepter nos conditions sanitaires aux pays hors UE comme la Turquie, l’Algérie, voire la Russie pour les exportations d’animaux reproducteurs.

Nous devrons désormais apprendre à vivre avec cette maladie au niveau européen. On ne va pas revivre la même chose à chaque épizootie. A l’avenir, faudra-t-il mettre en place un système de surveillance renforcée ? Un système de vaccination sur un zonage précis ?

Des prélèvements et des analyses sont en cours sur des ruminants sur tout le territoire français, les résultats tomberont la semaine prochaine. Mardi 13 octobre, le comité national de surveillance en santé animale et végétale présidé par le ministre se réunira et décidera du zonage à venir. On décidera s’il faut élargir ou non les zones actuelles, ou si la France devient une seule et unique zone. Bien évidement ce n’est pas ce que l’on souhaite. Quoi qu’il en soit, le risque de propagation de la Fco par les moucherons cullicoïdes va rapidement s’estomper avec l’arrivée du froid. Cette épizootie est en partie due aux chaleurs et l’humidité du mois d’août qui a favorisé la multiplication du virus.

Bernard Roux, président de l’organisme de sélection en race limousine

Bernard Roux, président de l'OS Limousine
Bernard Roux, président de l'OS Limousine (©Tnm)

On est en train de prendre un marteau-pillon pour écraser un moucheron ! L’Etat français joue la carte de la transparence, ce qui n’est pas le cas de la majorité des pays. Elle applique une réglementation stricte que la plupart des autres pays ne s’imposent pas à eux-mêmes. Pour preuve, l’Australie aurait une dizaine de stéréotypes différents de Fco et ne déclare aucun cas clinique.

La transparence, c’est peut-être un choix payant sur le long terme qui crédibilise la vigilance sanitaire de la France, mais pour l’instant on se met des boulets aux pieds. Tout le commerce de broutards et de reproducteurs est en stand-by. J’ai l’impression qu’ils ne doivent pas s’en rendre compte à la Dgal.

Nous sommes tellement transparents qu’aujourd’hui au Sommet les bovins sont invisibles. Notre concours national Limousin est bien tristounet. Le risque zéro n’existe pas, mais les éleveurs limousins étaient tout à fait prêts à venir. Ce serait sans doute plus simple que la zone intègre l’ensemble du territoire, ou au moins ne faire qu’une seule zone avec les deux actuelles. Avec une seule grande zone, nous aurions au moins pu avoir environ 240 animaux limousins sur les 400 prévus initialement.

Les éleveurs bovins doivent être solidaires des ovins qui ont davantage à craindre de la Fco, et pourtant je m’étonne que seuls les ovins ont eu le droit d’entrer. Vis-à-vis des visiteurs étrangers, la symbolique de n’avoir aucun bovin au Sommet est plus forte que de n’en présenter que quelques-uns. Du coup, ces visiteurs sont amenés à se poser des questions sur le statut sanitaire de leurs propres troupeaux.

Avec la sécheresse, 2015 est une année noire pour les éleveurs même si les prix étaient jusque-là plutôt corrects en Limousin. Je crois que nous devrons apprendre à vivre avec la Fco. D’ici quelques années, les animaux devraient être immunisés.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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