
À partir d’un troupeau holstein à plus de 10 000 litres de lait, sans concentré de production, Vincent Wattelle a fait le pari de redensifier la ration complète en énergie, pour un gain de 4 litres de lait par vache.
Même si l’heure de la retraite approche à grands pas, Vincent Wattelle, 62 ans, n’a pas un tempérament à se relâcher, bien au contraire. D’autant plus que l’éleveur et ses deux associés (cousin et neveu), en charge des cultures et de l’atelier porcin, sont en réflexion avec un candidat à la reprise hors cadre familial.
C’est ainsi que Vincent a décidé de prendre part au groupe d’échange animé par Avenir Conseil Élevage autour de l’objectif 14/14/14. Comprendre : 14 000 litres de lait, 140 g de concentré de production, 140 €/1 000 litres de coût alimentaire.« La pression foncière liée à l’urbanisation nous a toujours mis dans une logique intensive de lait par vache, souligne l’éleveur. Au-delà de ce raisonnement économique, j’ai toujours trouvé ma motivation dans la recherche d’amélioration des performances du troupeau. Pas à n’importe quel prix, bien sûr. D’où l’intérêt de continuer à apprendre et à se perfectionner dans le cadre de ces groupes d’échange. »
Génotypage et doses sexées au-delà de 160 d’Isu
Précisons, en effet, que l’exploitation est située à une vingtaine de minutes de Lille, dans un environnement urbanisé. Les trois associés profitent de ces consommateurs de proximité, pour transformer 200 000 litres de lait en beurre, vendu à la ferme et en magasin de producteurs, ainsi que 30 porcs charcutiers par semaine. Dans ce contexte, le troupeau laitier est conduit en zéro pâturage, trait par un roto de 36 places, avec une ration complète simple basée sur la complémentarité des fourrages et des matières premières : 10 kg d’ensilage de maïs, 6 kg d’ensilage d’herbe et 2 kg de pulpe de betterave surpressée, corrigés par du tourteau de colza. Soit une production permise, en 2023, de 10 040 litres de lait, ou 34,5 litres de lait/vache/jour, à 43,3 de TB et 35 de TP, avec un coût alimentaire de 145 €/1 000 l.

Ces résultats s’appuient sur le potentiel génétique d’un troupeau sélectionné de longue date sur le critère du lait/vache. Tout le troupeau est génotypé et, sur cette base, 40 % des vaches et des génisses sont inséminées par l’éleveur avec des doses sexées en 1re et 2e IA. « Le plan d’accouplement prévoit des doses sexées pour toutes les femelles à plus de 160 d’Isu. En dessous, j’insémine en croisement industriel, explique Vincent. Pour le choix des doses provenant à 100 % de Gènes Diffusion, je mets l’accent sur les taureaux laitiers, avec désormais une attention accrue à la santé des pattes et à la matière utile. » La moyenne du troupeau s’élève ainsi à 150 points d’Isu pour les vaches adultes et à 175 points pour les génisses.
Une vingtaine d’analyses par an pour ajuster la ration
Afin d’exprimer ce potentiel, l’éleveur vise les fourrages les plus riches possible. Vincent n’hésite pas à ensiler des maïs à 37-38 % de MS pour optimiser le rendement et la teneur en amidon. Un ou deux tamisages en cours de chantier permettent de contrôler le bon éclatement du grain. « Le maïs est coupé court, à 7 mm. L’objectif est non seulement de faciliter le tassage du silo, mais aussi de limiter le tri à l’auge et de renforcer l’ingestion. C’est sans risque avec une ration qui intègre de l’ensilage d’herbe et de la pulpe. » Un conservateur est appliqué au silo et, par temps chaud et humide, de l’acide propionique est ajouté directement sur la ration pour éviter la reprise en température. À toutes les étapes de la vie des animaux, l’éleveur ajoute aussi des levures vivantes à la ration, toujours dans une logique de stimuler l’ingestion et la digestion des fibres.

Ici, dans des terres lourdes, pas de culture de dérobées fourragères : 30 hectares de prairies permanentes sont ensilés en première coupe précoce et quelques hectares de fétuque, « avec 14 %, voire 15 %, de MAT au maximum, l’ensilage d’herbe reste un point perfectible, plus difficile à maîtriser ». La ration est distribuée le matin par une automotrice de la Cuma avec chauffeur. Vincent sollicite en outre un forfait d’analyses avec ACE, près d’une vingtaine par an, pour ajuster si besoin la complémentation.
De 17 à 26 % d’amidon dans la ration
Le travail mené sur la qualité des fourrages a ainsi permis de dépasser les 10 000 litres de lait, sans concentré de production. Cette assise technique solide permettait alors de miser, à partir du mois de mars, sur une hausse de la densité énergétique de la ration par la voie de l’amidon, mais aussi des matières grasses (voir le détail de la ration complète, ci-dessus).
« Le groupe d’échange nous a appris que l’on pouvait miser sur des teneurs en amidon plus élevées que les recommandations classiques. Nous sommes ainsi passés d’une teneur “sécurisée” de 17 à 26 %, en réduisant de 2 kg la part d’ensilage d’herbe au profit de farine de maïs », se félicite Vincent Wattelle. À cela s’ajoutent 200 g de matière grasse végétale et 300 g de graines de lin extrudé. Parallèlement, 150 g de bicarbonate ont été ajoutés à la formule minérale sur mesure. Un moyen de rehausser la Baca de 250 à 350 mEq/kg de MSI, favorable à l’ingestion de vaches en lactation. Ce minéral à la carte, réajusté selon les analyses de fourrages, intègre 30 g de sel et un noyau de vitamines et d’oligo-éléments pour soutenir l’animal.

Ce mode de rationnement s’accompagne de l’acidification de la ration de préparation au vêlage. Il autorise une production moyenne de 37,7 litres de lait/vache/jour, à 45,3 de TB et 34 de TB au mois de novembre, soit une moyenne technique,de 12 690 litres de lait par an à 7 %. « Au regard des dernières analyses, nous avons ajouté 1 kg d’orge pour corriger un manque d’amidon fermentescible dans le rumen. La production par vache a ainsi augmenté de près de 4 litres de lait/vache/jour ce qui laisse à notre portée l’objectif de 13 000 litres de moyenne », estime l’éleveur. Qui conclut : « Le suivi de la marge mois par mois offre un repère indispensable pour remettre en cause cette stratégie en cas d’inversion du contexte économique. »
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