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Faire plus de lait par vache et améliorer sa marge

©Cédric Faimali/GFA

Faire plus de lait par vache et améliorer sa marge

Pour certaines exploitations laitières, avoir une stratégie de volume est rendue possible grâce à une conjoncture favorable. À condition d'avoir une conduite rigoureuse.

Des vaches hautes productrices dans un contexte pédoclimatique difficile

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Vincent Ory, " Je trouve ma motivation dans la recherche de performance et n'hésite pas à investir pour permettre l'expression du potentiel du troupeau". (© J.Pezon)

En Lorraine, une génétique de haut niveau, le souci du détail à toutes les phases de l’élevage et une ration très technique ont permis de franchir le cap des 13 000 litres de lait, après l’arrêt du pâturage.

Équipé d’un robot de traite Lely A3 depuis maintenant quinze ans et le départ à la retraite de sa mère, Vincent Ory est un habitué des niveaux d’étable à plus de 12 000 litres de lait. Cette année, les conditions météo difficiles de la mise à l’herbe l’ont amené à laisser les vaches en bâtiment et à passer un cap pour atteindre 13 241 litres par vache au cours des douze derniers mois, avec 60 vaches traites en moyenne.

« Je trouve mon plaisir et ma motivation dans la recherche de performances d’un troupeau qui a le potentiel pour faire beaucoup de lait. Avec le temps, c’est une stratégie qui s’est révélée financièrement payante, souligne l’éleveur. Les 60 vaches traites correspondent à un seuil de saturation du robot au-delà duquel il y a davantage de problèmes sanitaires que j’ai du mal à gérer, étant seul sur la ferme. »

Entre 40 et 46 kg de lait par vache et par jour

En préambule, rappelons qu’ici le système fourrager tient compte de contraintes structurelles : des surfaces importantes de prairies naturelles à valoriser ; des conditions pédoclimatiques séchantes qui ne permettent pas de cultiver des dérobées, avec des rendements de maïs de l’ordre de 10 t de MS/ha. Dans cet environnement, après une première exploitation en fauche, Vincent a toujours maintenu le pâturage libre sur une douzaine d’hectares, avec des performances de 12 500 l/vaches. Selon les années, l’herbe pâturée représente de 20 à 40 % de la ration au printemps, avant un arrêt de pousse de l’herbe dès le mois de juin et une rentrée définitive à l’étable fin octobre.

Cette année, les difficultés de gestion de l’herbe dans des sols argilo-calcaires difficiles à ressuyer ont donc conduit à privilégier la fauche au détriment du pâturage. Des transitions plus faciles et une ingestion plus régulière à l’auge ont ainsi permis de maintenir une moyenne mensuelle entre 40 et 46 litres de lait/vache/jour toute l’année. Ce niveau de performance est d’abord le fruit de décennies de sélection génétique.

Dans le top 100 des éleveurs holsteins

Dans la lignée du travail mené par son père, la priorité est donnée au lait et à la morphologie, sans négliger la santé de la mamelle (STMA), ni la vitesse de traite. « Depuis quelques années, j’opère un rééquilibrage entre le volume et la matière utile. » Résultats : sur les index Inel ou STMA, le troupeau se classe parmi les 5 % meilleurs du département et parmi les 10 % sur l’index de reproduction. D’après l’indicateur du lait à 305 jours, expression de l’effet troupeau, le bilan génétique 2023 affiche une performance brute de 12 589 kg de lait, contre 9 264 kg pour la moyenne nationale PHF. « Sur ce critère qui combine génétique et pratiques d’élevage, depuis 2008, Vincent se classe tous les ans dans le top 100 des meilleurs élevages holsteins en France, souligne Laurélie Martin, technicienne chez Prim’holstein France (PHF). Il est aussi dans le top 100 sur le lait par jour de vie, un critère de rentabilité et de production. »

Dans la pratique, les plans d’accouplement sont réalisés avec PHF et les doses proviennent à 90 % de Gènes Diffusion. Le génotypage contribue à sélectionner les meilleures génisses et à cibler avec parcimonie l’usage de doses sexées. Objectif : 25 % de renouvellement. Cet effet troupeau est bien sûr lié au respect des fondamentaux (confort, accès à l’auge…), mais aussi à un ensemble de pratiques mises en œuvre par un éleveur perfectionniste. « Si le diable se cache dans les détails, la performance aussi », plaisante-t-il. Cela commence par les génisses : « L’objectif est d’avoir des croissances soutenues les six premiers mois, là où se joue le gabarit des futures laitières. » À la naissance, les petits veaux ont un premier repas de colostrum administré à la sonde (10 % du poids vif). Ils sont pesés et reçoivent un bolus de vitamines et de sélénium. La mère est systématiquement drenchée avec un complexe d’électrolytes et un minimum de 30 litres d’eau tiède. « Je laisse toujours à la mère le temps de lécher son veau, cela participe à l’immunité. Tout ce que le veau n’aura pas à souffrir, c’est de la croissance gagnée. »

Une conformation favorable à l’ingestion

Les nouveau-nés sont ensuite placés en niche individuelle (+ lampe chauffante en hiver), avec un second repas à volonté. À 10 jours, ils sont vaccinés contre la grippe par voie nasale (Rispoval), puis contre les coccidies avec une solution buvable (Vecoxant) lors du transfert en case collective dans la nurserie entre 15 jours et 3 semaines. Pour faciliter la transition, l’éleveur intègre progressivement la poudre de lait dans la buvée à partir de 3 jours, avant l’allaitement au Dal.

La stabulation logettes est équipée de matelas paillés et de brasseurs d’air, avec un accès non limitant à l’eau et à l’auge.Equipé d'une cage de parage, l'éleveur n'hésite pas à lever les pattes des animaux. (© J.Pezon)

Le programme est inspiré du modèle canadien : 150 g/litre d’une poudre, Elvor HP, riche en PLE (40 %) et en protéines (27 %) ; jusqu’à 8,4 litres de buvée/jour ; et, à partir de 50 jours de vie, un sevrage progressif qui s’étale sur vingt jours (- 0,4 litre/jour). Soit un sevrage prévu à 70 jours, lorsque les génisses consomment 2,5 kg de concentré, avec des poids mesurés occasionnellement au ruban entre 90 et 110 kg. En nurserie, les génisses ont du foin à volonté et un VL18 qui restent la base de leur alimentation jusqu’à 6 mois. Même en première année de pâture, elles sont complémentées avec un mélange fermier (orge, tourteaux, minéraux), en vue d’une mise à la reproduction à 14 mois. Cette conduite se traduit par une mortalité des veaux de seulement 3 %, des vêlages à 24,7 mois et une moyenne de 11 225 kg de lait en première lactation. Le poids moyen des primipares est de 638 kg et celui du troupeau laitier de 742 kg. Un développement corporel qui permet de miser sur un haut niveau d’ingestion à l’auge (voir l’infographie, p. 39).

Une préparation au vêlage de trois semaines

Pour stimuler l’ingestion en début de lactation et prévenir les problèmes métaboliques, Vincent observe un protocole de tarissement minutieux. L’arrêt de traite de vaches produisant parfois encore 30 litres de lait repose sur l’application d’un antibiotique, un obturateur et un produit filmogène, mais aussi d’un bolus d’oligo-éléments et un traitement antiparasitaire (douve et strongles). « C’est surtout une sécurité contre la petite douve, pour se donner plus de chance de bien démarrer la lactation. » Seules les vaches sans comptages au-dessus de 100 000 leucocytes et avec des sphincters en bon état sont taries sans antibiotiques.

« Les courbes de production fournies par le robot sont un indicateur de santé précoce : jusqu’au pic de lactation vers 45 jours, la montée en lait doit être régulière. Si la courbe fait un plateau, c'est un signe de problèmes qui doit amener à intervenir. » (© J.Pezon)

Après une première étape avec du foin + 20 kg brut de ration des laitières, débutent trois semaines de « prépa vêlage » qui consistent à densifier et à acidifier la ration avec des chlorures : 20 kg de maïs + 4,5 kg de paille hachée + 4,5 kg de drèche + 1 kg d’orge + 2 kg de correcteur + 30 g de sel, 120 g de chlorure de magnésium, 100 g de chlorure de calcium et 250 g de minéral vaches taries. Là encore, et tout au long de la lactation, Vincent n’hésite pas à investir avec l’apport de 60 g d’un complément minéral enrichi en extraits de plantes pour soutenir l’immunité (Omnigen AF) en plus d’un capteur de mycotoxines. À la suite de la mise en place de cette préparation au vêlage, il y a cinq ans, l’éleveur n’a pas constaté d’effet marquant sur la production. Les vêlages sont néanmoins plus faciles et il admet que toutes les conditions ne sont pas réunies au regard de pH urinaires encore irréguliers : débit des abreuvoirs limité, absence de mouillage de la ration. En début de lactation, le suivi de reproduction vétérinaire est prévu tous les quinze jours. Dans l’intervalle, toujours le thermomètre en poche, Vincent réalise des mesures sanguines de glycémie et de corps cétoniques. En cas de déficit énergétique et selon son ampleur, il intervient alors sans attendre via un apport de propylène par drogage, au robot ou par perfusion. Malgré quelques vaches en lactation longue, le troupeau affiche un intervalle vêlage-vêlage (IVV) de 400 jours.

Un coût alimentaire de 209 €/1 000 litres

Le coût alimentaire s’élève ainsi à 209 €/ 1 000 litres. Il est bien sûr dépendant des conditions pédoclimatiques et des investissements consentis pour sécuriser l’expression du potentiel : de 5 à 7 ha de maïs ensilage sont stockés en boudin, en plus de deux silos, ce qui permet de toujours distribuer un fourrage bien stabilisé après trois mois de fermentation. À cela s’ajoute l’application systématique d’un conservateur pour empêcher la reprise en fermentation après ouverture des silos. Autant de précautions qui contribuent à compenser les coûts par les volumes dans un contexte de prix du lait favorable.

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