« Malheureusement, certains éleveurs ont fait le choix de ne pas respecter les règles », a fustigé Yohan Barbe, président de la FNPL (Fédération nationale des producteurs de lait), le 4 décembre, conforté par Arnaud Rousseau, président de la FNSEA. Le cas de dermatose nodulaire dans le Doubs, à Pouilley-Français, avec l’abattage de plus de 80 vaches, vaccinées depuis cinq semaines (35 jours), cristallise les tensions sur la question. Or, si la maladie diffuse, comme dans le Rhône, l’Ain et ailleurs, c’est que des mouvements d’animaux existent, malgré les interdictions. « Lorsque les vaches présentent des nodules avec des croûtes, c’est que la maladie est dans l’élevage depuis plusieurs jours », relève un professionnel au sujet de l’élevage de Pouilley-Français. La ministre de l’Agriculture Annie Genevard, dans un tweet du 3 décembre, a ouvertement affirmé que, dans cet élevage, « plusieurs autres bovins du troupeau présentaient des lésions anciennes : la DNC circulait à bas bruit dans le troupeau depuis plusieurs semaines ». Un constat malheureusement confirmé par d’autres professionnels, ce qui amène à penser que d’autres cas risquent d’apparaître dans les jours à venir.
Transits d’animaux et non-déclaration
L’éleveur n’aurait donc pas déclaré à temps la maladie, refusant même la venue de l’inséminateur, selon certaines sources, engendrant une probable diffusion dans l’environnement. Les croûtes des nodules qui ont percé sont particulièrement contagieuses avec un virus qui peut survivre pendant de longues périodes à température ambiante (35 jours). « Le virus peut rester viable pendant de longues périodes dans l’environnement. Il est sensible à la lumière du soleil et aux détergents contenant des solvants lipidiques, mais dans des conditions environnementales sombres, comme dans des étables contaminées, il peut persister pendant plusieurs mois », précise le GDS des Savoies. Ces éléments expliquent la réaction de Lionel Malfroy, président du GDS du Doubs, rapportée par L’Est Républicain le 2 décembre : « Je constate que beaucoup prennent énormément de risques en se comportant de cette manière [manifestation à la ferme, NDLR], non seulement pour leur propre exploitation mais aussi celle des autres. Leur attitude risque de propager un virus que nous tentons d’éradiquer et d’aggraver une situation déjà périlleuse. » Les forces de l’ordre ont dû intervenir le 2 décembre à la ferme de Pouilley-Français, recourant aux gaz lacrymogènes pour évacuer plusieurs centaines de manifestants.
Le vaccin ne protège pas si l’animal est déjà contaminé
Sur le plan de la vaccination, les éléments biologiques sont bien là. Le temps d’incubation de la maladie se porte à 28 jours. Les animaux peuvent être asymptomatiques durant cette période et le vaccin ne prend toute son efficacité qu’au bout de 21 jours. En résumé, si l’animal est vacciné bien que porteur du virus, le vaccin ne le protégera pas. Par ailleurs, il est possible de détecter par prélèvement l’origine de la souche virale : celle du vaccin ou celle qui circule depuis la Sardaigne. Aussi, pour avoir une réelle garantie que la maladie n’est pas dans l’élevage, il faudrait attendre environ 50 jours, ce qui correspond presque au temps de levée de la zone réglementée en zone vaccinale (45 jours sans nouveau cas avec au moins 75 % de bovins vaccinés depuis plus de 28 jours). Dans le cas de la ferme du Doubs, les animaux étaient déjà contaminés avant d’avoir reçu le vaccin, comme l’a confirmé la préfecture le 4 décembre.
Une utilisation de la crise par les syndicats
Si l’émotion est réelle autour de ce sujet, au-delà des strictes données biologiques, la question de la dermatose est devenue un enjeu syndical et politique. La Confédération paysanne lançait de nouveau un appel à mobilisation sur tout le territoire le 4 décembre à ce sujet. La Coordination rurale prend la même position et soutient les manifestations, après en avoir initié certaines dès l’arrivée de la maladie. Les deux syndicats se retrouvent d’ailleurs sur les lieux de manifestation. Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, a pris également position lors des Assises du lait de la FNPL, le 3 décembre : « Il y a des épidémiologistes qui ont fait plus de vingt ans de recherche sur cette maladie et qui ont des connaissances que le commun des mortels ne peut pas avoir. Ce que nous disent ces experts, c’est que ce qui protège le plus, c’est l’abattage des lots. » Et de conclure son discours, après avoir passé en revue les sujets agricoles du moment : « La violence et la colère, cela ne fait pas un projet pour les filières agricoles. »
Annie Genevard, de son côté, a dénoncé également « les fausses informations qui circulent », « les appels à la haine et les insultes contre les vétérinaires et les agents de l’État ». Le ministère travaille sur un fond d’urgence pour la prise en pension des bovins et la défiscalisation des indemnisations du fait des abattages, selon la ministre. Il est difficile pour l’heure d’avoir le nombre exact de bovins abattus à date, tout comme le montant des indemnisations publics de cette crise, qui n’en finit plus.
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