NÉGOCIER LES TARIFS EST PLUS FACILE EN GROUPEMENT D'ACHATS

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Il est possible de gagner 30 à 50 € par hectare de culture, voire plus, en se groupant avec des collègues pour commander les produits. Cette stratégie change la gestion des cultures. Elle met davantage l'agriculteur au centre des décisions.

LES ÉLEVEURS QUI SE REGROUPENT POUR DES TARIFS d'intrants plus avantageux ne le crient pas sur les toits. La preuve : ceux contactés pour cet article ont accepté de répondre, mais de façon anonyme. La mise en concurrence des fournisseurs passe par la discrétion. « Les membres du groupement d'achats ont pour consigne de ne pas communiquer les tarifs négociés ni à leurs voisins ni aux techniciens avec lesquels ils travaillent régulièrement », indique Nicolas E., membre d'un groupement de quinze éleveurs bretons. « Le risque est que les opérateurs fassent des propositions moins attractives. » Le clamer haut et fort risquerait aussi de crisper les relations avec le fournisseur principal de la région, le plus souvent la coopérative à laquelle les éleveurs vendent généralement leur blé, achètent leurs engrais, etc. « Elle refuse de répondre à notre appel d'offres mais nous savons qu'elle répond aux groupements qui sont en dehors de sa zone », ironise Nicolas. Les groupements d'achats sont en fait une opportunité pour les négociants privés de lui grignoter quelques parts de marché.

QUELS PRODUITS CIBLER POUR QUELLE ÉCONOMIE ?

« Nous nous focalisons sur les semences de maïs et les produits phytosanitaires des cultures. C'est là qu'il y a le plus à gagner, estime Dominique L., qui anime un groupement de vingt polyculteurs-éleveurs dans le nord de la France. Nous n'achetons pas via ce canal les semences de blé car nous sommes en semences fermières. » À partir d'une proposition individuelle de sa coopérative pour les fongicides sur blé, les semences et le désherbage du maïs, il sait avoir, en 2015, économisé 30 €/ha dans le premier cas et 50 €/ha dans le second (voir infographie). « Cette économie inclut mes efforts de réduction de doses phytosanitaires », précise-t-il. Dominique commande parallèlement tous les mois 10 000 litres de fuel via un autre groupement, « pour un gain de 5 à 6 c/litre. Il y a des économies à réaliser également sur les consommables de salle de traite et les minéraux pour vaches laitières, poursuit-il, mais cela suppose d'y consacrer plus de temps ». Il évalue à trois journées dans l'année le temps que le groupement lui demande.

EST-IL FACILE D'ENTRER DANS UN GROUPEMENT ?

Les groupements d'achats n'ayant pas de statut juridique, tout repose sur la confiance, à commencer par le paiement en temps et en heure des fournisseurs. « C'est fondamental, souligne Nicolas. Notre appel d'offres précise que nous payons comptant. Cela donne de la crédibilité à notre démarche et encourage les fournisseurs à faire des efforts sur les prix. » En amont, cela suppose d'avoir la trésorerie nécessaire sous forme d'épargne ou d'emprunt à court terme. Pas étonnant donc que les postulants soient parrainés par un membre du groupe. « On peut créer un groupement à trois personnes. Ça marche, estime-t-il, mais il ne faut pas attendre d'être en difficulté financière pour se lancer. » Et quelle est, pour lui, la taille maximale ? « Cela dépend du temps que l'on accepte d'y consacrer. Quinze à vingt exploitations est un bon compromis. » L'idéal est que les exploitations soient dans un rayon de 15 à 20 km pour que les membres puissent se rencontrer et nouer des relations de confiance.

COMMENT ORGANISER L'APPEL D'OFFRES ?

Deux stratégies d'appels d'offres sont suivies par les groupements d'achats « cultures ». La première consiste à construire une liste de produits avec les quantités. La seconde est d'envoyer le nombre d'hectares de céréales, de maïs, d'intercultures, etc. Les fournisseurs répondent avec leurs propositions de produits et de tarifs. « C'est ce que nous faisons pour nos 600 ha de maïs et nos 700 ha de blé. Lorsque je les ai toutes reçues, généralement cinq ou six, le groupe se réunit et décide quel opérateur et quel produit retenir. Nous adaptons ensuite notre conduite phytosanitaire. » Son groupement choisit toujours plusieurs fournisseurs et prend garde à ce que cela ne soit pas toujours les mêmes. « Sinon, au bout d'un temps, les offres seront moins intéressantes. Ceux non retenus se fatiguent. »

Il faut également avoir à l'esprit que... des fournisseurs peuvent proposer des pesticides non homologués en France, ou sur la culture. S'en assurer sur www.e-phy.agriculture.gouv.fr.

Le jour J, les livraisons sont réalisées généralement chez l'animateur du groupement. « Tout le monde doit être là, insiste Nicolas E. Si le vendeur est implanté localement, le plus simple est que chacun lui remette sur place un chèque équivalent au montant de sa commande. Si la livraison est faite par un transporteur, il est indispensable de payer le fournisseur dans les délais convenus. »

Autre conseil : les membres ne quittent pas les lieux tant que tout le monde n'a pas récupéré toute sa commande. Cela permet de vérifier qu'il n'y a pas d'erreur de livraison et qu'un collègue n'a pas pris par mégarde un produit. « Nous sommes border line pour les phytos, confie Dominique. Si le transporteur les livre en soirée, évidemment, je les réceptionne alors que je ne dispose que du certificat Certyphyto d'utilisateur. Je ne suis pas habilité à stocker des pesticides pour d'autres. » On comprend pourquoi il souhaite garder l'anonymat. Pour limiter les risques, il demande à ses collègues de venir dès le lendemain prendre les produits.

PEUT-ON SE PASSER DE CONSEILS ?

« Non, répondent les deux responsables. Acheter moins cher les intrants des cultures est la première étape à la réalisation d'économies. Leur usage inadapté peut être source de dérapages. » Dans ces deux groupes, tous les membres font appel à un conseiller en cultures qui ne vend pas parallèlement des produits (coût de 400 € après aides). La réduction des doses phytosanitaires, le choix de variétés de blé résistantes aux maladies, etc. sont abordés dans le groupe « cultures » qu'il anime. « Adhérer à un groupement suppose d'être autonome dans ses décisions d'achat. Pour les cultures, cela signifie définir soi-même la stratégie de leur conduite. Cela passe par un bon conseil en amont. »

Ce positionnement peut être mal perçu par la coop du secteur qui occupe une position dominante. Ils cultivent donc le lien sur d'autres produits tels que les engrais, les aliments pour vaches, etc.

CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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Herbe

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