Deux économistes appellent à lever le tabou de la productivité pour valoriser nos territoires et renforcer notre souveraineté dans un contexte géopolitique incertain.
Lors de son assemblée générale, le SNIA (Syndicat national de l’industrie de l’alimentation animale) a fait état du rebond des ventes d’aliments en 2024 (+ 1,8 %, à 19,4 Mt), « dans une conjoncture qui incite les éleveurs à produire plus avec des aliments composés », s’est félicité son président François Cholat. Mais les industriels doivent aussi faire face à une hausse de leurs coûts de production et s’adapter aux objectifs de décarbonation : -20 % de GES (gaz à effet de serre) entre 2020 et 2030.
Dès lors, le secteur doit compenser un faible niveau de marge brute (MB/chiffre d’affaires = 16 % vs 33 % en moyenne pour l’industrie agroalimentaire) par les volumes d’aliments commercialisés. « Ces engagements RSE génèrent des investissements dont la rentabilité n’est pas si évidente. D’où la nécessité d’une production animale soutenue. » Cet enjeu fait écho à la croissance continue de la demande mondiale : d’ici à 2033, les projections font état d’une hausse de la consommation de viande de 37 Mt (+11 %) ; une production de 17 Mdl de lait supplémentaire est attendue (+1,7 %/an), surtout issue de pays en développement ayant une demande interne à satisfaire.
Avec 49 Md€ de solde commercial, dont 30 Md€ pour les produits laitiers, l’Union européenne (UE) reste la zone la plus excédentaire au monde en produits animaux, loin devant le Brésil (21 Md). Mais sa part dans les échanges devrait s’inscrire légèrement à la baisse : selon la DG Agri, les productions de lait et de viande resteraient stables sur la période 2024-2035. Sollicité par le SNIA à son assemblée, Sébastien Abis, directeur du club Demeter, spécialiste de géopolitique agricole et enseignant à l’université de Lille, estime que, « compte tenu de la croissance de la population mondiale et des soubresauts de la politique internationale, l’UE doit se remettre à produire, pour son armement, comme pour son alimentation. Pour retrouver de la souveraineté, l’Europe doit reconstituer des stocks ». Un discours qui détonne au pays de la loi Duplomb. Selon lui, produire plus passe d’abord par des agriculteurs, puis par une industrie agroalimentaire en capacité d’investir pour se moderniser. Or, depuis vingt ans, l’industrie française a trop peu investi pour sa compétitivité et se trouve challengée sur les marchés. « D’autant plus que la France s’impose à elle-même des règles qui pénalisent sa compétitivité vis-à-vis de ses voisins. »
« Produire n’est pas un gros mot »
Depuis la fin des quotas, la France a perdu plus de 1 milliard de litres de lait. Contrairement à la viande, le solde commercial de la filière reste positif, « mais le recul des productions animales justifie un recours croissant aux importations, surtout en provenance de l’UE, soulignait pour sa part Vincent Chatellier, économiste à l’Inrae. Cette perte de compétitivité fait peser le risque d’une dépendance pour notre alimentation, dans un pays avec 12 millions d’hectares de SFP à valoriser ». Les deux économistes estiment qu’il faut changer d’état d’esprit. « Produire n’est pas un gros mot », insiste Sébastien Abis. Vincent Chatellier évoque des pistes pour relancer la dynamique des productions animales et appelle à favoriser la transmission, en raisonnant EBE/capital.
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