Dossier Article 5 / 6

Tout savoir sur les boiteries en élevage laitier

©Pixabay/NadineDoerle

Tout savoir sur les boiteries en élevage laitier

Comment reconnaître les boiteries, les combattre ou encore les prévenir ? Retrouvez dans ce dossier plusieurs articles sur une maladie majeure en élevage laitier.

« La dermatite a presque disparu avec la solution Hoofcount »

Article réservé aux abonnés.

Patrick et Émilie Huiban, éleveurs à Guiscriff, dans le Morbihan, ont retrouvé le plaisir dans leur travail depuis que la dermatite a presque disparu. Ils ont transmis leur passion à leur fils Tony,12 ans. (© P. Le Cann)

Basé sur un protocole personnalisé, des produits désinfectants et un pédiluve automatisé, le système Hoofcount semble efficace contre la dermatite. Chez Émilie et Patrick Huiban, éleveurs bretons, elle ne touche plus que 5 % des vaches, contre 60 % il y a un an.

Associés en Gaec, Émilie et Patrick Huiban ont observé une recrudescence de dermatites digitées dans leur troupeau il y a trois ans. Ils venaient d’installer des robots de traite et d’abandonner le pâturage. « On savait qu’on avait un peu de dermatite. On pensait s’en protéger en prenant l’option du nettoyage des pieds avec le robot », se souvient Émilie. Il s’agit d’un système de pulvérisation de produit désinfectant sur l’arrière des pieds lors du passage dans la stalle. Un pédiluve a aussi été installé mais il était compliqué de la garder propre.

Ces mesures n’ont pas suffi à endiguer l’infection. Jusque-là, entre les parages réguliers, les soins et les sorties des animaux au pâturage, la dermatite restait contenue. Mais, peu de temps après la mise en service du robot, elle touchait 60 % des vaches.

Des résultats concluants au Royaume-Uni

« C’est devenu le premier problème sanitaire de l’élevage. La production laitière stagnait à 35 kg, on ne voyait plus les chaleurs parce que les vaches ne les exprimaient plus, on passait la moitié de la matinée à pousser les animaux au robot », énumère Patrick. Dès qu’une vache se trouvait un peu affaiblie, en acidose par exemple, la dermatite explosait.

Comme eux, de nombreux élevages ont rencontré ce problème dans ce type de situation. Et c’est sur les réseaux sociaux que le couple a découvert le système Hoofcount. Les éleveurs l’ayant essayé se montraient extrêmement satisfaits. Émilie et Patrick se sont renseignés et ont décidé d’investir au printemps 2023.

« J’ai découvert ce système au Royaume-Uni et, entre la cohérence du protocole et la satisfaction des éleveurs, j’ai été convaincu de l’intérêt de l’importer en France », indique François Derot, chez Agro-Concepts. À l’origine, c’est un pareur britannique qui a cherché des solutions contre cette infection dont il voyait la prévalence augmenter. Les États-Unis avaient quinze ans d’avance sur le sujet et c’est avec l’université du Wisconsin qu’il a travaillé à la mise au point d’un plan de lutte.

En France, les premiers élevages ont été équipés il y a un peu plus d’un an. 80 installations sont en fonctionnement actuellement.

Un pédiluve programmable qui se nettoie automatiquement

La bactérie responsable de cette maladie se nomme tréponème et présente plusieurs caractéristiques. D’une part, elle se multiplie très vite et il est illusoire de vouloir l’éradiquer en élevage. D’autre part, elle est extrêmement sensible aux antibiotiques et désinfectants, donc facile à détruire. Responsable de la syphilis chez les humains, cette bactérie provoque la dermatite digitée, ou maladie de Mortellaro, chez les bovins. Elle se loge le plus souvent sur le haut du pâturon, de préférence sur les membres arrière. Autrement dit, il faut atteindre cette zone du pied pour la détruire. Un contact suffisamment prolongé suffit. Mais il faut le renouveler régulièrement car il est difficile d’éviter une recontamination.

Les vaches ne peuvent éviter le pédiluve, placé à la sortie du robot. Elles y plongent les quatre pieds. Sa profondeur de 15 cm permet l’immersion du haut du pâturon, là où se logent les bactéries responsables de la dermatite. (© P .Le Cann)

Le protocole Hoofcounttient compte de la biologie de la bactérie. Il comprend un pédiluve automatisé de 15 cm de profondeur, ce qui est suffisant pour imbiber le pied. Il se nettoie complètement à une fré­quence définie selon l’élevage. Chez les Huiban, c’est tous les cent passages, une cellule photoélectrique comptant les vaches qui l’empruntent. Après la vidange, des jets d’eau puissants nettoient le pédiluve, rempli ensuite d’eau claire dans laquelle est injecté un produit désinfectant. L’ensemble s’effectue en moins de deux minutes. « Les pédiluves sont installés à la sortie de chacune des trois stalles de traite, précise Émilie. Ils ne ralentissent pas le rythme de fréquentation du robot. » Les vaches ne sont pas dérangées et ne cherchent pas à les éviter.

Pendant les six premières semaines suivant l’installation, le pédiluve fonctionnait en continu chez ces éleveurs. En effet, le protocole débute toujours par une phase intense pour abaisser fortement la contamination. Au bout d’une semaine, le nombre de vaches à conduire au robot le matin était déjà tombé d’une trentaine à quinze. Le protocole est adapté selon les situations, il suffit de programmer le pédiluve.

https://www.dailymotion.com/video/k6ZMyLv5zl8qYgAwtDs?autoplay=1

Un investissement de 10 000 à 12 000 €

Ici, passé les six premières semaines, le renouvellement s’effectuait une fois par 24 heures, pendant la nuit. En général, la dose de produit peut être divisée par trois après les six à huit premières semaines. L’allègement de la formule permet aussi d’économiser de l’eau. La consommation s’élève à environ 120 l/jour pour un pédiluve associé à un robot de traite, le double pour une salle de traite. Ce volume peut-être réduit en diminuant la fréquence de renouvellement du pédiluve, mais il faut alors augmenter la concentration du désinfectant. Certains éleveurs cherchent à limiter la consommation d’eau pour diminuer leur facture ou par crainte de faire déborder la fosse. D’autres, au contraire, trouvent intéressant de pouvoir diluer leurs effluents. Le protocole s’ajuste à ces contraintes.

Deux types de produits sont utilisés : un formaldéhyde ou un glutaraldéhyde, qui présentent le même niveau d’efficacité et contiennent des sulfates de cuivre, de zinc et d’aluminium. Le premier étant un dérivé du formol, il est plus délicat à manipuler, d’où l’intérêt de l’injecter automatiquement dans l’eau. Le second, d’une utilisation plus simple, coûte trois fois plus cher. En moyenne, il faut compter environ 10 l de produit/vache/an au prix moyen de 3 €/l.

« Nous allons tester l’utilisation de bactéries lactiques à la place des désinfectants dans quelques élevages, dont celui des Huiban, explique François Derot. Il s’agit de vérifier si, une fois passée la première phase de traitement, il est possible de limiter l’usage des produits. »

Le nombre et la dimension des pédiluves dépendent des installations. Le succès étant conditionné par le temps de contact avec la solution, les pédiluves préconisés en salle de traite sont plus longs que ceux placés en élevages robotisés où les vaches reviennent plus souvent, environ 3 m contre 2 m. L’investissement se situe entre 10 000 et 11 000 € pour un robot, 1 000 € de plus pour une salle de traite. Chez les Huiban, les pédiluves ont une longueur de 1,6 m, ce qui est suffisant pour que les vaches y trempent les quatre pieds à chaque passage.

Les éleveurs se sont formés au parage et aux soins des pieds. Aujourd’hui, Patrick ne voit plus que quelques cas de dermatite, généralement peu avancés. Les autres lésions infections infectieuses, panaris et limace, sont également plus rares. (© P. Le Cann)

Aujourd’hui, le pédiluve y est en service un jour sur deux. « Il a changé la vie des vaches, mais aussi la nôtre et celle des salariés », constate Patrick. Émilie retrouve moins de cinq vaches à pousser au robot le matin. Elle gagne beaucoup de temps et la pénibilité du travail s’est nettement réduite. « Ce n’est pas agréable de les forcer à avancer quand on voit qu’elles ont mal », assure l’éleveuse, sensible au bien-être de ses animaux. La fréquence de traite est montée de 2,5 à 2,8 par jour.

Gain de temps et de productivité

Quant à la production quotidienne, elle s’établit désormais à 40 l/vache. « La ration n’a pas bougé mais je pense qu’elle est mieux valorisée. On voit que l’ingestion augmente », précise Patrick. Même les primipares atteignent ce niveau. Avant, elles rentraient saines dans le troupeau et beaucoup commençaient à boiter un mois plus tard. Leur productivité en pâtissait.

Émilie et Patrick se sont formés pour soigner et parer les pieds. Ils possèdent une cage de parage. Ils mesurent ainsi que la dermatite n’est plus présente que sur 5 % des vaches. Les éleveurs voient aussi moins de panaris et de limaces. Les réformes pour boiteries ont disparu alors qu’elles représentaient jusqu’à la moitié des cas auparavant. De même, les éleveurs notent 60 % de chaleurs vues de plus qu’avant. Or la reproduction était leur deuxième motif de réforme. Ils vont donc pouvoir trier leurs animaux autrement, sans subir. Et surtout, le volume de lait produit a augmenté de 100 000 l en une année. Les éleveurs ont demandé une référence laitière supplémentaire à Sodiaal. Ils réfléchissent en outre à une légère réduction de l’effectif pour garder plus de souplesse par rapport au seuil de 170 UN/ha. Aussi le fait de se sortir des difficultés liées à la dermatite leur ouvre-t-il de nouvelles perspectives.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo

Tapez un ou plusieurs mots-clés...