Des sols en bonne santé, même avec des Cive

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Jean-Michel Diard éleveur laitier dans le Maine-et-Loire
Jean-Michel Diard : « Grâce au digestat, nous avons réduit de 25 % nos achats d’azote minéral pour les cultures, tout en ayant la capacité de fertiliser nos couverts d’hiver pour augmenter leurs rendements » (©N.Tiers)

Adepte des couverts végétaux et du semis direct, le Gaec Via Lactea continue à enrichir ses sols depuis l’introduction d’un méthaniseur impliquant la récolte de Cive et l’épandage de digestat.

Pour fêter ses trente ans d’existence en 2025, l’association Aile (Association d’initiatives locales pour l’énergie et l’environnement) a organisé plusieurs rencontres dans l’Ouest visant à montrer comment la méthanisation peut se faire au service de l’agronomie et de la santé des sols.

« L’enjeu aujourd’hui est de combiner méthanisation et pratiques agricoles durables, ce qui n’est pas toujours simple », reconnaît la directrice, Armelle Damiano. La production de Cive (cultures intermédiaires à vocation énergétique), notamment, est parfois dans le viseur, car suspectée d’intensifier la rotation culturale, d’exporter de la biomasse qui pourrait être restituée au sol, et de fait, d’appauvrir le sol en matière organique.

Le 24 avril, Aile avait choisi le Gaec Via Lactea, en Maine-et-Loire, afin d’illustrer la continuité de pratiques vertueuses en agriculture de conservation des sols (ACS), antérieures à la mise en place d’un méthaniseur individuel. « Le déclencheur de l’arrêt du labour a été l’année 2001 où le semis de blé était impossible en raison de la pluviométrie, raconte Jean-Michel Diard, l’un des associés. Nous avons finalement semé à la volée, avant un passage de herse rotative, pour obtenir au final le même rendement ! Cela nous a fait réfléchir. »

Méteil de seigle vesce et trèfles incarnat  squarrosum fauché le 23 avril au Gaec Via Lactea pour être ensilé pour l’alimentation du troupeau. Un maïs a été semé la semaine suivante au strip-till après une application de glyphosate pour calmer le méteil.
Méteil de seigle, vesce et trèfles (incarnat + squarrosum) fauché le 23 avril au Gaec Via Lactea pour être ensilé pour l’alimentation du troupeau. Un maïs a été semé la semaine suivante au strip-till après une application de glyphosate pour calmer le méteil. (© N.Tiers)

Le Gaec se lance en ACS en 2007 en passant au semis direct des cultures d’hiver à l’aide du semoir à disques de la Cuma – laquelle investira dans un semoir spécifique en 2010. Les couverts d’interculture deviennent progressivement systématiques. Puis la Cuma s’équipe pour le semis de maïs en strip-till. « Pour rendre possible le strip-till, nous avons remplacé l’interculture de ray-grass d’Italie par un méteil de seigle-vesce-trèfle, précise Jean-Michel Diard. Car le chevelu racinaire dense du ray-grass gêne le semis. La valeur alimentaire du méteil est équivalente au ray-grass en UF et, en récoltant vers le 20 avril, nous obtenons 17 à 18 % de MAT. »

En 2020, une petite méthanisation en cogénération est mise en service. « Nous cherchions un moyen d’améliorer le stockage du fumier mou de logettes, explique l’éleveur. La méthanisation nous a permis d’atteindre un an de stockage des digestats, notamment grâce au séparateur de phase déjà présent à la ferme. » Une partie des couverts végétaux est donc désormais exportée pour alimenter le méthaniseur. Celui-ci absorbe chaque année 2 800 tonnes de lisiers et fumiers et 900 tonnes de Cive.

Davantage de restitutions avec des couverts plus productifs

Afin d’être capables de nourrir à la fois le méthaniseur, le troupeau et le sol, les agriculteurs ont notamment adopté le double couvert avant maïs (sauf sur les terres sableuses où est seulement cultivé du maïs ensilage, en alternance avec du méteil ou des Cive). Un premier couvert d’été (tournesol-sorgho-radis fourrager) est semé après les moissons de blé dans le but d’être restitué au sol. Il est suivi de couverts d’hiver destinés pour moitié au troupeau et pour moitié au méthaniseur (seigle-vesce, avec trèfle pour le débouché alimentaire).

« Grâce au digestat, nous avons réduit de 25 % nos achats d’azote minéral pour les cultures, note Jean-Michel Diard. Tout en ayant la capacité de fertiliser nos couverts d’hiver et méteils : tous reçoivent 30 m3 de digestat avant le semis en septembre ou en sortie d’hiver à l’aide d’un épandage sans tonne via le réseau d’irrigation. » Résultat : les couverts sont plus productifs (6 à 7 t de MS/ha) et, même exportés, restituent beaucoup de matière organique au sol via les chaumes et les racines. Conseillère au pôle Sols et ACS de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, Marie-Line Faure estime qu’une Cive de 6 t de MS/ha apporte autant de biomasse au sol qu’une Cipan (culture intermédiaire piège à nitrates) de 3 t de MS/ha intégralement restituée. « Avec la pluviométrie de 2024, nos couverts d’été ont produit plus de 8 t de MS/ha ! déclare Jean-Michel Diard. Il y avait tellement de volume que nous avons finalement décidé de les récolter pour le méthaniseur. »

510 vers de terre au mètre carré

Après plus de quinze ans d’agriculture de conservation des sols et cinq ans de méthanisation avec Cive, le Gaec Via Lactea révèle des sols en bonne santé et faciles à travailler. « Nous avons surtout observé une amélioration de la portance, en particulier dans les conditions exceptionnelles de 2024, souligne Jean-Michel Diard. On se promène comme sur une route ! C’est à couper au couteau quand on compare aux champs des voisins. » Par ailleurs, le taux de matière organique progresse et les analyses de fertilité biologique montrent une amélioration des indicateurs. En moyenne, sur l’exploitation, le taux de matière organique est passé de 2,4 à 2,8 % en cinq ans. Sur une parcelle argilo-sableuse nommée « Les petites boudinières » analysée en 2025, un taux de 3,1 % de matière organique a été relevé, soit + 0,7 point par rapport à 2019. La biomasse microbienne est très élevée avec une mesure de 586 mg/kg de terre. « Nous comptons 510 vers de terre au mètre carré, sachant que nous sommes déjà contents avec 250 », annonce en outre Marie-Line Faure.

Méthaniseur
La mise en place de l’ACS et du double couvert a été antérieure à la mise en service du méthaniseur qui avale 900 tonnes de Cive par an. (© N.Tiers)

Au final, les éleveurs observent des cultures plus saines : les antilimaces et les insecticides ne sont plus utilisés, et un seul fongicide est appliqué sur céréales (stade DFE). « Le seul point noir est qu’on ne parvient pas à se passer de glyphosate pour calmer les méteils avant maïs », avoue l’agriculteur. Les chiffres du groupe Ecophyto 30 000 « Semis direct sous couvert », dont fait partie l’exploitation, indiquent un usage de 0,92 litre de glyphosate par hectare de SAU pour un IFT herbicide de 1,54 (IFT herbicide groupes Dephy Pays de la Loire = 1,7). « Cette exploitation est un exemple pour le groupe », commente l’animatrice Marie-Line Faure.

À noter, enfin, au Gaec Via Lactea, une utilisation réduite d’outils, une consommation de carburant limitée à 11 000 litres par an et un tour d’irrigation économisé grâce à une meilleure efficience de l’eau.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,4 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 7,21 €/kg net +0,06
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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