« Rappelons qu’un prix du lait sert à payer nos factures, à vivre, à dégager une marge de sécurité, à installer les jeunes, à entretenir les outils de production qui pour beaucoup sont obsolètes, et à prévoir nos retraites. Nous avons de la valeur, pas celle que l’on nous donne, celle que l’on vaut, et c’est 50 centimes le litre de lait », explique Sophie Lenaerts, responsable de la section Lait de la Coordination rurale.
Un quart des éleveurs laitiers ont disparu en 10 ans, et la tendance va s’accentuer dans les 10 ans à venir, ce qui présage un décrochage de la production laitière non seulement en France, mais également dans les pays comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, précise Adrien Lefèvre, président de l’Apli qui s’inquiète pour l’avenir de la production laitière. Alors que les éleveurs de moins de 40 ans étaient 38 % en 2010, ils sont désormais moins de 20 % et le taux de remplacement des éleveurs qui cessent leur activité n’est qu’à 50 %, ajoute-t-il.
Un prix du lait à 50 centimes le litre est nécessaire pour les jeunes éleveurs qui s’installent et dont les investissements font augmenter les coûts de production. « On travaille en moyenne 58 h par semaine mais la réalité du prix pratiqué fait qu’il ne nous reste que 1,24 euro de l’heure », d’après les calculs de l’European Milk Board, précise-t-il. Le coût de production du quart le plus compétitif des éleveurs n’est pas un bon indicateur, car les élevages les plus compétitifs sont souvent ceux des producteurs installés depuis longtemps, qui ont payé leurs investissements. Il y a également l’aspect sociétal à prendre en compte, ajoute-t-il. « On se bat pour qu’il y ait des fermes familiales sur tout le territoire, or si on se base uniquement sur la compétitivité, il n’y aura des élevages que dans les zones les plus favorables », insiste l’éleveur.
Réguler, une question de souveraineté
Le choc provoqué par la guerre en Ukraine rappelle d’ailleurs l’importance de la souveraineté alimentaire européenne, estiment l’EMB, l’Apli et la Coordination rurale, qui tenaient cette conférence de presse commune le 1er mars au salon de l'agriculture. Or, si le prix du lait a augmenté, les coûts de production aussi, et de façon exponentielle. « Sur ma ferme, le 28 janvier 2021 je pouvais acheter un camion d’engrais avec 13 500 litres de lait, cette année il me faut 46 000 litres de lait pour le même camion, et j’ai fait le calcul avant le début de la crise ukrainienne », précise Adrien Lefèvre. Malgré la hausse du prix, le revenu des producteurs va donc diminuer.
Nous ne pourrons plus nourrir la population si les prix du gaz et de l’électricité continuent d’augmenter
« Aujourd’hui, les agriculteurs sont criblés de dettes, nous ne pourrons plus nourrir la population si les prix du gaz et de l’électricité continuent d’augmenter », prévient Sieta Van Keimpema, présidente de l’EMB. « Nous avons besoin d’un filet de sécurité, qui garantisse la stabilité aux producteurs », explique-t-elle. Pour l’EMB, la solution se trouve en partie dans le programme de régulation du marché (PRM), élaboré et porté par l’organisation depuis plusieurs années. Il s’agit, en cas de surproduction, de rémunérer les producteurs qui diminueraient leurs volumes, comme cela a, par exemple, été mis en place lors de la crise de 2016. « Trois semaines après, les prix remontaient », fait remarquer Sophie Lenaerts.
Pour l’EMB, les parlementaires européens sont désormais plus réceptifs à cette proposition. « On a quand même été entendus, pour nous les parlementaires n’ont que le PRM sous la main. Ils ne veulent plus recommencer les stockages de poudre de lait car plus personne n’est prêt à payer », explique Boris Gondouin, membre du comité directeur de l’EMB. Reste selon lui à faire comprendre, y compris aux agriculteurs, que « c’est la loi de l’offre et de la demande qui fait un bon marché ».
A un moment où les vulnérabilités de l’agriculture européenne sont de nouveau mises en lumière par l’invasion russe en Ukraine, ce discours trouvera peut-être un écho plus favorable. « Ces crises pourraient d’autant plus se reproduire que nous sommes dépendants de systèmes et de pays qui ne sont pas démocratiques. Nous avons donc besoin de cette stabilité », insiste Sieta Van Keimpema.
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