Nouvelle suspension de la cotation, les éleveurs en appellent à Manuel Valls

Plérin (France), 13 août 2015 (AFP) - Les éleveurs bretons et porcins en ont appelé vivement à Manuel Valls jeudi pour qu'il intervienne directement dans la nouvelle crise qu'ils traversent après l'annonce d'une deuxième suspension de la cotation jeudi au Marché du porc breton (Mpb) à Plérin (Côtes-d'Armor) qui les place dans une situation « inextricable ».

Constatant l'absence, comme lors de la cotation de lundi, de deux des principaux acheteurs, Cooperl et Bigard/Socopa, le président du Mpb Daniel Picart a annoncé la suspension de la cotation prévue jeudi matin mais n'a pas écarté qu'une séance exceptionnelle puisse être organisée vendredi.

Dans le même temps, les producteurs bretons sont montés au créneau pour réclamer l'intervention directe de Manuel Valls dans cette crise, exigeant une rencontre physique avec le Premier ministre ou l'un des membres de son cabinet, dès jeudi ou vendredi. « L'heure est extrêmement grave », a déclaré le président de l'Union des groupements de producteurs de viande en Bretagne, Michel Bloc'h, « il faut que le Premier ministre nous entende physiquement dès demain j'espère ou dès cet après-midi ». « Si Valls ne répond pas de la journée, surveillez vos portables car vous recevrez sans doute un Sms pour une mobilisation. On ne peut pas laisser les choses comme ça », a lancé Didier Lucas, président de la Fdsea 22 devant des dizaines d'éleveurs. Sans exclure des actions locales, le président de la Fnsea, Xavier Beulin, s'est néanmoins refusé à lancer un appel national à la mobilisation. 

"producteurs essoufflés"

« Les producteurs sont essoufflés, plus qu'essoufflés d'un point de vue trésorerie », a ajouté Michel Bloc'h, qui est aussi vice-président du comité régional porcin. « Ces mots dont j'ai parlé, le ministre de l'Agriculture les a entendus souvent : il faut qu'ils l'entendent au niveau du cabinet du Premier ministre et du ministère de l'Économie et des Finances ». « J'espère que demain on pourra tenir la cotation, on a la volonté de la tenir », a-t-il ajouté.

Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, a expliqué qu'il ne disposait d'aucun levier juridique pour forcer la cotation à reprendre sur le marché de Plérin, car il s'agit d'une association type loi 1901 dont seuls les adhérents peuvent prendre les décisions. Il a toutefois affirmé que le patron de Bigard lui avait promis d'acheter cette semaine 90.000 porcs au niveau national, comme il le fait d'habitude, au prix revalorisé de 1,40 euro/kilo demandé par les éleveurs. Les porcs habituellement achetés par l'entreprise à Plérin seront achetés dans d'autres endroits. En boycottant le marché au cadran tout en maintenant ses achats par ailleurs, « M. Bigard veut signifier que ce niveau de prix n'est pas tenable pour lui et pour son entreprise », a expliqué le ministre. Un coup de force symbolique dénoncé par la Confédération paysanne. Le 3e syndicat agricole y voit une « entente entre deux opérateurs » avec pour seul objectif d'obtenir une baisse de prix. 

Ce nouveau rebondissement de la crise agricole menace de s'étendre de nouveau à tous les secteurs de l'élevage.

Une centaine d'agriculteurs sont rassemblés depuis jeudi matin devant la préfecture du Calvados à Caen avec une cinquantaine de tracteurs et des remorques de déchets qu'ils menacent de déverser pour alerter sur leur situation, toutes productions confondues.

Dans le Finistère, une autre centaine de producteurs de porcs ont mené mercredi soir une action symbolique devant la permanence d'un député, à Plabennec, pour dénoncer ce qui leur apparaît comme l'impuissance des politiques dans la crise actuelle.

Comme lundi, la Cooperl et Bigard/Socopa, les deux principaux acheteurs du marché (30 % des achats), ont refusé de venir jeudi. Ils estiment le prix actuel du porc, à 1,40 euro, un tarif réclamé par les éleveurs et fixé comme objectif par le gouvernement, trop cher, notamment par rapport à la concurrence européenne.

« Je dénonce cette attitude (...) parce que l'on prend les éleveurs en otage de cette façon-là, mais je ne peux pas la critiquer car je connais la réalité du marché », a réagi Bernard Lannes, président de la Coordination rurale. 

embargo russe

« Aujourd'hui ces deux entreprises ont dévié du règlement du marché qu'elles ont signé » et elles « sont aujourd'hui hors la loi », a martelé le président du Mpb Daniel Picart. « Dès demain ou dès lundi ce sont nos avocats qui vont discuter ensemble ». Le Mpb représente 15 % des ventes de porcs hebdomadaires, mais c'est lors de ses deux jours de cotation, le lundi et le jeudi, que sont fixés les prix de référence du porc au niveau national.

Les acteurs de la filière soulignent l'urgence de la situation pour soulager les éleveurs des animaux arrivés à terme, sachant qu'« un cochon prend un kilo par jour » et que son alimentation non prévue constitue un coût supplémentaire pour le producteur. La moyenne du prix, sur les sept premiers mois de l'année s'établit, selon le Mpb, à 1,236 euro.

Et selon la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (Fnsea), seulement la moitié des producteurs parviennent à l'équilibre avec ce prix de 1,40 euro. De leur côté, les industriels attendent de l'État qu'il leur permette d'être compétitifs à l'export en compensant les distorsions de concurrence qu'ils subissent vis à vis des principaux bassins de production européens, qu'ils dénoncent depuis des années sans effet. « On ne peut pas supporter 30 centimes d'écart avec (le prix pratiqué sur) un marché européen ouvert à tout va », a commenté mercredi Patrice Drillet, président de la Cooperl qui exporte normalement 35 % de la viande qu'elle commercialise.

Outre ces problèmes de fond, la filière paie le prix de décisions diplomatiques de l'UE envers la Russie. En rétorsion, Moscou a décrété, début 2014, un embargo qui continue de peser très lourdement sur le marché européen du porc.

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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