
Non issu du milieu agricole, Mickaël Bernard a choisi soigneusement la ferme qu’il a achetée, dans le but de bien gagner sa vie sans travailler tout le temps. Neuf ans après, il a atteint ses objectifs en misant sur un système éprouvé : maïs, pâturage et traite robotisée.
Étudiant, Mickaël Bernard se voyait bien faire carrière comme salarié dans le monde de l’élevage. Il a obtenu un brevet d’études professionnelles agricoles, un bac pro, un BTS Acse (analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole ), une licence conseil en élevage... À 25 ans, après quatre ans à travailler dans une ferme, il a voulu découvrir la transformation et pris un poste de responsable d’élevage en Normandie. Son parcours se poursuit comme responsable de la ferme du lycée agricole de Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine). Au bout de cinq ans, il avait fait le tour et, surtout, il ne doutait plus du fait que c’est à son compte qu’il voulait désormais travailler. Il souhaitait aussi retrouver ses racines finistériennes.

LE CADRE
- À Saint-Ségal (Finistère), une région favorable à la production de fourrages avec une pluviométrie de 1 100 mm par an bien répartis
- Exploitation individuelle avec un apprenti : 1,5 UTH
- 90 vaches majoritairement holsteins et quelques croisées
- 8 330 l/VL, 40,4 de TB et 33,45 de TP
- 760 000 l de lait livré
- Traite robotisée (2 stalles) depuis 2024
- 110 ha, dont 35 de maïs (30 pour l’ensilage), 30 de céréales et 45 en prairie.
- Parcellaire très regroupé, 90 ha autour du siège ; 35 ha en zone conchylicole
Une reprise sans achat de foncier
Ne pas être issu du milieu agricole impose de chercher une exploitation à reprendre mais offre aussi la liberté de choisir selon ses propres critères. « Je voulais un parcellaire regroupé et des bâtiments en bon état pour que les premières recettes laitières tombent dans ma poche et non dans celle d’un banquier ou d’un fournisseur. »

Il en a visitée plusieurs avant de trouver ce qu’il cherchait, à Saint-Ségal, dans le centre du Finistère. La reprise comprenait 60 vaches laitières, des bâtiments offrant 80 places pour les vaches, un peu de matériel et un droit à produire de 500 000 l. « Le foncier, 110 ha, n’était pas à vendre, ce qui me permettait de conserver une certaine capacité d’investissement. » Mickaël n’a pas d’inquiétude quant à la pérennité des baux. Il s’est installé en 2016 à 33 ans avec sa compagne. La laiterie, Sodiaal, a augmenté le droit à produire de 300 000 l. Ils ont acheté 20 vaches et ajouté deux postes dans la salle de traite pour passer à 2x8. Le couple n’a pas tenu et Mickaël a embauché un salarié. Dès la première année, il a fait des échanges parcellaires sur 30 ha avec ses voisins. « J’ai ainsi 90 ha autour des bâtiments. Je ne promène jamais les génisses en bétaillère, ni les tonnes à eau, ça n’a pas de prix. J’ai choisi ce métier pour gagner de l’argent et avoir le temps de vivre. Ça implique de veiller à supprimer toutes les tâches inutiles. »

Des investissements progressifs pour automatiser
L’éleveur a consacré du temps à remettre l’outil en état, même s’il était relativement fonctionnel. Il a notamment refait les paddocks. Petit à petit, il a investi dans la robotisation. Le racleur automatique lui a fait gagner trois quarts d’heure par jour. Il a également opté pour un télescopique puis une faucheuse de grande largeur pour pouvoir gérer rapidement ses chantiers de récolte d’herbe. Une dernière étape a été franchie en 2024 avec l’achat d’un robot de traite (2 stalles) et le départ du salarié. Il a investi 250 000 €, maçonnerie incluse, amortis sur neuf ans.

Aujourd’hui, le troupeau se compose de 90 vaches, holsteins pour la plupart. L’éleveur fait un peu de croisement, pour le plaisir et pour la couleur. Il se charge des inséminations. Très autonome, il calcule aussi les rations et a abandonné le contrôle laitier. « J’ai la chance incroyable de me trouver dans une région où l’herbe et le maïs poussent quasiment tout seuls. » Mickaël a donc construit son système sur des fourrages de qualité grâce auxquels les vaches produisent sans qu’il soit nécessaire de les pousser. Il ne reste que deux blocs de 10 ha éloignés de 5 km, dédiés aux cultures.


Toutes les prairies temporaires sont ensemencées en RGA-TB pour quatre ou cinq ans. Une vingtaine d’hectares de prairies sont réservés au pâturage des laitières autour des bâtiments. Le maïs est semé après les prairies, il est suivi d’un blé avant la remise en herbe. Les vaches pâturent presque toute l’année. En hiver, elles restent au maximum un mois sans sortir. En pleine saison (printemps et automne), l’éleveur prépare des paddocks pour trois repas (un jour et demi). Le matin, les vaches restent à l’intérieur de 5 heures à 7 h 30 grâce à une porte anti-retour. Mickaël passe devant le champ en arrivant à la ferme vers 6 h 30, il les appelle pour faire rentrer les dernières. Elles sont de nouveau maintenues dans le bâtiment de 15 h à 16 h 30 au printemps et tout l’après-midi en été. Mickaël distribue le maïs en début de matinée et d’après-midi, soit 6 kg MS/VL/j. Il tient à ce que toutes aient le temps de consommer cette ration. Ce volume de maïs distribué au printemps a été rehaussé cette année. L’an dernier, Mickaël donnait 4 kg de MS de maïs par jour à cette période. Le robot de traite venait d’arriver et la production avait baissé à 8 500 kg par vache contre 9 000 auparavant. « Je me suis aperçu que les vaches qui rentraient en dernier trouvaient une auge vide, j’ai donc revu les quantités. » La production est repartie à la hausse.

Quand la pousse de l’herbe ralentit en été et en hiver, la ration se compose de 13 kg de MS de maïs et 3,5 kg de MS d’ensilage d’herbe en été, 5 kg en hiver. Il s’agit d’enrubannage de bonne qualité. « Il est facile à réaliser tout seul et ce système permet d’effectuer des petits chantiers. » Mickaël se charge de la fauche et délègue l’enrubannage à une entreprise. Il veut absolument éviter d’être débordé par l’herbe. Dès que la pousse dépasse les besoins pour le pâturage, il débraye une partie de la surface et fauche rapidement. « Je récolte six ou sept fois par an sur chaque parcelle, peu de volume, mais du fourrage entre 17 et 22 % de MAT. » La complémentation était auparavant distribuée au Dac. Aujourd’hui, Mickaël incorpore environ 2 kg de correcteur azoté (70/30) aux fourrages distribués à l’auge, en fonction de la quantité de maïs. Les vaches consomment du tourteau tanné et un concentré de production au robot, en quantité variable selon leur niveau de production. La consommation de concentré a un peu augmenté pour les vaches en fin de lactation qu’il faut attirer au robot. L’impact s’élève à 20 €/1 000 l en plus en coût de concentré. Les taries sont conduites en deux lots et ne sortent pas. Toutes consomment une ration à base de paille et maïs mais le concentré est modifié à partir de trois semaines avant le vêlage. « C’est simple, ça fonctionne, et je n’ai pas besoin de courir pour aller chercher les vaches qui arrivent au terme. » Les vêlages se passent bien, les fièvres de lait et les non-délivrances sont rares. Les veaux mâles partent à 15 jours et Mickaël n’élève que le nombre de génisses nécessaires au renouvellement, soit 20 par an. Elles vêlent en moyenne à 26 mois. Mickaël vise 25 mois dans l’optique de limiter le nombre d’animaux.


Elles sont nourries à la poudre de lait à partir du troisième jour, à raison de deux buvées quotidiennes le premier mois et une ensuite. Le sevrage intervient quand elles consomment 2 kg d’aliment par jour. La ration se compose alors de paille et d’aliment jusqu’à 5 mois. En fonction de la saison, elles sortent au pâturage à partir de l’âge de 6 mois et la première année, elles ont toujours du foin à disposition pour tamponner quand l’herbe est riche ou humide. Les génisses de plus de 1 an vont aussi au pâturage. Elles entrent dans le troupeau un mois avant le vêlage. Au bout de deux ou trois jours, l’éleveur les pousse au robot en leur donnant un peu d’aliment pour les habituer. Ainsi, la première traite se passe bien. L’état sanitaire du troupeau est resté bon avec le robot, les mammites sont rares. Mickaël l’attribue à la désinfection des manchons entre chaque vache et aussi au fait qu’avec deux stalles, elles attendent peu pour être traites.

Peu d’astreinte le week-end
Neuf ans après son installation, Mickaël est serein. Il maîtrise sa charge de travail et dispose de temps pour sa famille. L’astreinte du week-end se limite à trois ou quatre heures par jour et il s’investit dans d’autres activités : entraîneur de foot et adjoint au maire de sa commune. Il prélève 2 500 € par mois, prend six week-ends par an et une semaine de vacances. Son prêt JA arrive à échéance en 2026. Il reste cinq annuités pour l’achat des bâtiments. Mickaël aimerait augmenter sa surface de 10 à 15 ha, s’il trouve une bonne opportunité. « J’ai 35 ha en zone conchylicole, cela restreint les possibilités d’épandage d’effluents et complique un peu les assolements. » Sa compagne réfléchit à une installation avec lui. « On peut ajouter cinq ou dix vaches, j’ai une autorisation d’exploiter pour 99. Avec les prêts qui se terminent, on peut facilement dégager deux revenus. »
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