
« Inacceptable », « un signal extrêmement grave » : l'annonce par le groupe Lactalis de la réduction progressive de près de 9 % de ses volumes de lait collectés en France est vécue comme « une déflagration » par les éleveurs, déjà soumis à rude épreuve. (Article mis à jour à 18h15)
L'annonce du géant laitier, faite par communiqué mercredi soir, a ulcéré les syndicats de producteurs.
Dès jeudi matin, le patron de la première organisation agricole FNSEA, a donné le ton, évoquant une « déflagration pour le milieu laitier » en France, alors que le monde de l'élevage, déjà fragilisé, est menacé par des maladies animales.
« On a appris ça hier soir. C'est près de 450 millions de lait qui ne vont plus être collectés d'ici 2030 par Lactalis », a-t-il indiqué, jugeant qu'il était « trop tôt » pour évaluer le nombre de troupeaux de vaches laitières qui pourraient disparaître.
📻 Entendu à la radio 🎙️| "Ma préoccupation est d’abord tournée vers les producteurs. Il faut que ceux qui veulent continuer à produire et à créer de la valeur en France puisse le faire." @rousseautrocy
— La FNSEA (@FNSEA) September 26, 2024
Arnaud Rousseau, pdt #FNSEA était ce matin l’invité de @jchapuis au 7|9 sur… pic.twitter.com/M5BVpG3rSA
La multinationale, dont le siège est à Laval, a annoncé la réduction « de l'ordre de 450 millions de litres » sur sa collecte annuelle « de quelque 5,1 milliards de litres » de lait auprès des éleveurs français, de façon progressive, à partir de fin 2024 jusqu'en 2030.
La Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL), section spécialisée de la FNSEA, a dénoncé un industriel « sans scrupule » et un désengagement « inacceptable ». Lors d'un entretien avec son président, Yohann Barbe, la nouvelle ministre de l'Agriculture Annie Genevard l'a « assuré de son plein soutien et de son engagement aux côtés des producteurs pour maintenir une activité laitière dans les élevages concernés », selon un communiqué du ministère.
Le syndicat fustige dans un communiqué « l'irresponsabilité du numéro un mondial vis-à-vis de la ferme laitière française » et l'accuse de s'attaquer à sa « pérennité » comme « à la souveraineté alimentaire française ».
Le coup est d'autant plus rude pour les éleveurs que, comme le rappelle Arnaud Rousseau, « quand vous êtes collectés par le numéro 1 mondial, vous avez le sentiment que vous êtes avec quelqu'un de solide ».
« Nous n'avons jamais cessé d'alerter sur la dépendance économique structurelle des producteurs face aux laiteries », souligne jeudi dans un communiqué la Confédération paysanne, qui avait investi le siège mayennais de Lactalis en février. « Cette diminution de la collecte sert pour Lactalis à éliminer des producteurs et à faire pression sur celles et ceux qui restent. La peur d'une cessation de collecte empêche les revendications légitimes pour améliorer le revenu » des éleveurs, estime l'organisation classée à gauche.
La multinationale #Lactalis s'assoit sur les droits des paysannes et paysans. Nous n'avons de cesse de le dénoncer. Il nous faut maintenant des actes pour rééquilibrer le rapport de forces dans les filières alimentaires. Le droit au revenu paysan doit être garanti ! pic.twitter.com/fFtJghyBKu
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) September 26, 2024
Le groupe justifie sa décision par les aléas sur les marchés mondiaux. Lactalis collecte en France plus de lait que nécessaire pour fabriquer pour ses bouteilles de lait, fromages ou crèmes dessert. Les surplus sont principalement utilisés pour fabriquer des produits destinés à l'exportation, comme la poudre de lait infantile ou le lactosérum. Actuellement, la moitié des volumes collectés par Lactalis en France partent sur les marchés internationaux.
« Mais les marchés se sont écroulés. On payait plus cher le lait qu'on le vendait » sur ces produits exportés, a indiqué à l'AFP une porte-parole du groupe. « On ne rompt pas les contrats. Mais on souhaite travailler très en amont avec les organisations de producteurs sur les modalités d'accompagnement, une fois les contrats arrivés à échéance », a-t-elle précisé.
« Regrettable »
La première étape de réduction porte sur 320 millions de litres et touchera surtout les zones « Est et sud Pays de Loire » d'ici 2026 (épargnant ainsi les principales régions productrices, Bretagne et Normandie) ainsi que le non renouvellement d'un contrat avec une coopérative à horizon 2030, précise le communiqué du groupe sans indiquer quelle sera la coopérative concernée. Lactalis estime que la réduction des volumes lui permettra de « mieux valoriser le lait » restant.
Une stratégie « regrettable » ou « incompréhensible » pour des éleveurs laitiers constatés par l'AFP en Meurthe-et-Moselle et dans le Bas-Rhin. « Leur but, ça doit être d'importer du lait étranger qui se retrouvera dans du beurre Président. Le consommateur n'y verra rien », déplore Daniel Perrin, qui possède 80 vaches laitières à Fraimbois (Meurthe-et-Moselle).
Pour la FNPL, « il n'est pas possible que les producteurs aient seulement 12 mois devant eux pour se retourner ». La fédération « demande fermement à Lactalis, dans l'intérêt des producteurs, un délai beaucoup plus long pour identifier des alternatives ».
Après des années de tensions agricoles sur le sujet, Lactalis avait fini par annoncer en avril une nouvelle formule de calcul du prix du lait revalorisant le prix payé aux éleveurs à 425 euros pour 1 000 litres, en prenant en compte un « prix de revient agricole », c'est-à-dire l'estimation de ce que doit recevoir un éleveur pour pouvoir gagner sa vie.
Avec près de 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2023, Lactalis a détrôné un autre mastodonte, Danone, comme leader français de l'industrie agroalimentaire et intégré le top 10 mondial du secteur. Le groupe compte 270 sites de production dans 51 pays et emploie 85 000 personnes.
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