
Des algues en Bretagne ? Oui, mais pas n’importe lesquelles. Pour s’affranchir des aléas du marché laitier, un éleveur a décidé de produire de la spiruline, une algue d’eau douce aux nombreuses vertus .
« En 2014, j’en ai eu marre de produire du lait sans rien maîtriser du prix et de la vente de mon produit », reconnaît Bertrand Colleu, qui gère seul son élevage. S’y ajoutent la fin des quotas laitiers et une pression urbaine de plus en plus forte, à Cesson-Sévigné aux portes de Rennes (Ille-et-Vilaine). De quoi s'interroger sur son avenir. « Si j’augmentais ma production qui n’était que de 250 000 l, il fallait investir dans de nouveaux bâtiments. Avec des prix non garantis, c’était le casse pipe, explique-t-il. Je n’avais pas envie de m’associer par nécessité, juste pour une question financière. Ou alors j’arrêtais carrément la production laitière. »
À cette même période, pour répondre à la fois aux producteurs qui souhaitaient profitr de la suppression des quotas pour accroître leur litrage et à ceux qui voulaient cesser la production laitière , Eilyps - l’organisme de contrôle de performances d’Ille-et-Vilaine - a mis en place un service de délégation d’élevage des génisses. Un contrat sécurise, d’une part, le prix de la prestation pour celui qui élève et, d’autre part, les résultats techniques pour celui qui confie ses futures laitières. Bertrand Colleu franchit le pas. Au 15 août 2015, il abandonne la production de lait pour se consacrer à l’élevage de 140 génisses. Un atelier qui lui laisse du temps pour un nouveau projet. « Une amie, qui travaille avec l'Ifremer, m’a fait découvrir la spiruline , une algue aux multiples intérêts nutritionnels, qui m’ont interpellé. » L’idée d’une nouvelle activité fait son chemin.
Challenge d’une nouvelle production
Malgré toutes les inconnues d’une production aquacole encore peu développée, Bertrand Colleu décide de se lancer, épaulé par son beau-frère pour la partie marketing et commerciale. « La spiruline répondait à mes attentes de proposer un produit noble et d’en maîtriser la production et la commercialisation », précise l’éleveur. Le marché de la spiruline se développe : sa richesse en protéines, en béta-carotène, en fer et en antioxydants intéresse les sportifs et tous ceux qui veulent booster leur santé.
La spiruline croit dans un bassin de 100 m2,
chauffé par le soleil.
(©Cécile Julien)
Il n’empêche que c’est un sacré challenge : tout est à faire dans cette nouvelle filière, il n’existe pas de formation, ni de réseau de vente. Pour ses premiers pas, Bertrand Colleu est aidé par d’autres producteurs de spiruline. Ils sont 120, dont une vingtaine dans l’ouest de la France, réunis dans la Fédération des spiruliniers de France. « Ce sont des collègues de Sixt sur Aff en Ille-et-Vilaine qui m’ont donné ma première souche », ajoute le nouveau producteur.
Éleveur de vaches et producteur de spiruline, c’est ne pas contradictoire ? « La spiruline n’est pas une protéine végétale, elle n’a pas vocation à remplacer la viande. C'est plutôt un aliment santé », assure Bertrand Colleu. Justement, avec son regard d’éleveur, il propose une utilisation de la spiruline en alimentation animale. « Elle agit comme un EPO naturel et est souvent donnée aux chevaux avant une course. Alors pourquoi pas l'utiliser pour enrayer les problèmes de mortalité des veaux ? »
Marin d’eau douce
Si la stabulation des laitières a été facile à aménager pour les génisses, il a fallu plus d’équipements pour produire la spiruline. « Avec la vente des vaches et du quota, j’ai pu investir 40 000 euros dans une serre de 1 000 m2 et des bassins de production de 10 m par 15 ». Bertrand Colleu a eu recours au système D à de nombreuses reprises : le mécanisme de l’ancien tank à lait sert à brasser l’eau !
Pour que la croissance de la spiruline soit optimale, il faut reconstituer ses conditions naturelles : une eau douce avec un pH de 10-11, riche en urée et en fer. « Il faut une eau très propre, insiste Bertrand Colleu, car la spiruline est une véritable éponge qui concentre tous les toxiques. » Si la serre réchauffe l’eau des bassins, elle la protège aussi des intrusions d’animaux et des fientes d’oiseaux. Le respect du cahier des charges de la fédération nationale et des analyses régulières, faites en laboratoire, attestent de la qualité du produit.
A chaque nouvelle saison, une partie est prélevée pour ensemencer les bassins de production. (©Cécile Julien)
Il faut que l’eau dépasse les 20°C pour que la spiruline se multiplie. Chez Bertrand Colleu, le chauffage de la serre est assuré uniquement par le soleil. La production est donc saisonnière, de mars à octobre. Certains producteurs étendent leur calendrier de production, grâce à une source de chaleur, issue par exemple d’un méthaniseur.
Quand les conditions sont idéales, l’algue croit de 25 % par jour. Bertrand a pu commercialiser ses premières spirulines à la fin de l’été 2016. « Pour une bonne conservation, elles doivent être séchées. D'abord, on filtre l’eau pour les récupérer. Elles forment alors une pâte qu’on presse pour en sortir un maximum d’eau. Cette pâte, sous forme de serpentins, est mise à sécher sur des claies. » Une fois séchée, la spiruline se conserve deux ans à l’abri de la lumière. Elle est vendue en paillettes ou en poudre, de couleur vert émeraude, en direct par internet, dans des réseaux de proximité. L’objectif de Bertrand Colleu est de mettre en production huit bassins afin de commercialiser 600 à 700 kg de spiruline. Un petit tonnage, mais à 150 euros du kilo...
Aujourd’hui, l'éleveur dispose seulement de deux bassins. Avec le recul d’une seule saison de production et un réseau commercial à créer, pas facile d’estimer le revenu envisageable. Les coûts de production sont limités (eau de forage, serre chauffée par le soleil), la même souche étant utilisée d’années en années, et nourrie avec de l’urée et des minéraux. Reste que, comme toutes les cultures, la spiruline est dépendante de la météo car elle a besoin de chaleur et de luminosité. Certes, elle est vendue à un prix élevé, mais il faut 100 m2 de bassins pour produire 2 kilos tous les deux à trois jours, en conditions optimales (au dessous de 25°C), sur une période allant au mieux d’avril à octobre.
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