Avenir des filières viande en France : comment éviter l’impasse ?

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Peut-on définir une trajectoire plus favorable aux filières viande françaises ?
Peut-on définir une trajectoire plus favorable aux filières viande françaises ? (©Adobe Stock, @photofranck)

Fragilisation économique, impact environnemental, concurrence internationale pèsent et vont continuer à peser sur les filières de la viande. S’il se poursuit, ce scénario tendanciel ne présage rien de positif pour les productions concernées. Est-il possible de changer de trajectoire ? Une étude de l’Iddri propose quatre scénarios répondant à différentes priorités pour l’élevage demain, sans pour autant identifier de « solution facile » pour sortir de la tendance actuelle.

Le secteur de l’élevage doit aujourd’hui répondre à différentes injonctions : nourrir la population, contribuer à la culture alimentaire et au rayonnement de la France à l’international, améliorer la balance commerciale, entretenir les paysages, renforcer le bien-être animal, tout en réduisant son empreinte environnementale, rappelle l’Iddri qui a étudié quatre scénarios pour l’avenir des filières viande en France d’ici 2035. L’étude vise à dépasser un débat public souvent caractérisé par une opposition stérile, pour mieux comprendre quelles conditions sont nécessaires à une sortie du scénario tendanciel.

Car ce scénario tendanciel offre peu d’avenir, que ce soit pour les éleveurs ou pour l’environnement. Il ne permet en effet que des gains marginaux, d’ici 2035, sur le plan environnemental, effectués grâce au progrès technique et à la réduction des cheptels. De même, si rien ne change sur le plan économique, la compétitivité des filières viande françaises va continuer à s’éroder face aux concurrents intra et extra-européens. « Ce scénario enfermerait ainsi les acteurs français dans une course à la survie marquée par une érosion du nombre d’actifs agricoles, de fermes d’élevage et d’unités de transformation industrielle, plutôt que dans une dynamique de transition », explique l’Iddri dans un article relatif à l’étude.

Un « productivisme efficient » qui permet de réduire les GES

Le premier des trois scénarios alternatifs est basé sur un « productivisme efficient », qui répond à l’impératif de réduction des GES, sans pour autant diminuer la production pour assurer la demande des consommateurs. Il s’appuie sur une logique d’économie d’échelle, de spécialisation et de poursuite de concentration territoriale. En bovin, il poursuit la réduction du nombre de mères, comme dans le scénario tendanciel, compensant en partie par une baisse des exportations de bovins vivants, avec davantage d’engraissement en France. S’il permet de très bonnes performances en matière de réduction des émissions de GES, ce n’est pas le cas en revanche sur les autres indicateurs environnementaux : ce scénario entraîne par exemple un surplus d’azote dans l’ouest. En parallèle, le nombre d’élevages et d’emplois y est le plus faible de tous les scénarios.

Un « élevage sobre » plus autonome

Le scénario « élevage sobre » minimise de son côté la compétition entre alimentation animale et alimentation humaine, favorisant la réponse aux critères agroenvironnementaux au prix d’une importante réduction de la production. Il repose sur le maintien des prairies permanentes, une ration plus herbagère pour les bovins, et la généralisation de la polyculture-élevage, réduisant le recours aux intrants externes. Malgré une augmentation de l’emploi agricole, ce scénario peut entraîner des conséquences économiques négatives pour certains acteurs des filières et réduit fortement les emplois sur le maillon industriel.

Une « renaissance rurale » qui dépasse la production animale

Dernier scénario à l’étude, celui de la « renaissance rurale », qui prend le secteur de l’élevage comme un moteur des dynamiques économiques territoriales, favorisant la coexistence de systèmes qui poursuivent la standardisation. Il permet une augmentation de l’emploi rural et le renforcement du pouvoir de négociation du maillon agricole vis-à-vis de l’aval de la filière. Néanmoins, il nécessite un fort accompagnement de la demande, dans un contexte de forte dépendance aux importations pour certaines filières, et de difficulté pour les filières courtes et de niche. De plus, ses performances environnementales sont limitées, indique l’Iddri.

En l’absence de réponse complète, quelle voie choisir ?

Aucun de ces scénarios ne permet donc de répondre pleinement à la multiplicité des enjeux (sociaux, environnementaux, économiques) auxquels l’élevage est aujourd’hui confronté. Il apparaît donc indispensable de réaliser des arbitrages.

Dans tous les cas, sortir du scénario tendanciel nécessite une modification profonde du cadre de concurrence dans lesquelles évoluent les filières françaises de la viande, ainsi qu’une transformation des instruments de politique de soutien à l’élevage. Il sera cependant difficile, dans le contexte actuel, d’appeler à mettre davantage d’argent public pour financer les politiques agricoles. Par ailleurs, la structure même du marché reste problématique, puisque les filières françaises restent dépendantes aux importations (par exemple sur le soja, pour l’alimentation animale) et aux exportations (notamment pour les équilibres carcasse, en filière porcine). De plus, les principaux concurrents des éleveurs français se situent essentiellement au sein de l’Union européenne : « il ne s’agit pas tant de protéger les opérateurs français que de leur offrir des conditions de marché aptes à valoriser les atouts d’une production qualitative », précise ainsi l’Iddri. Et d’ouvrir une discussion à l’échelle européenne, pour limiter les comportements opportunistes. La présentation de la Stratégie Elevage de la Commission européenne, prévue en 2026, pourrait servir de cadre à cette discussion.

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