Du temps pour soi : « une priorité stratégique » des éleveurs laitiers

Famille d'agriculteurs
De plus en plus d'éleveurs veulent pouvoir se libérer pour leur famille, leurs amis, leurs loisirs... (©www.peopleimages.com)

Pour se dégager du temps, 50 % des éleveurs de vaches laitières seraient disposés à revoir leur organisation du travail, révèle l'Observatoire 2023-2024 de l'élevage d'Innoval. Si cet objectif n'est pas aussi crucial pour tous les profils de producteurs, c'est de plus en plus un outil de pilotage de l'exploitation agricole, devant le revenu, la productivité, la maîtrise des charges notamment. Il s'agit d'abord d'alléger l'astreinte quotidienne plus que les pics d'activités saisonniers.

Avoir du temps pour soi, sa famille, ses amis, ses loisirs, ses engagements est devenu aujourd'hui « une priorité stratégique » pour 50 % des éleveurs de vaches laitières, interrogés, en janvier dernier, dans le cadre de l'Observatoire de l'élevage 2023-2024 d'Innoval. Devant l'amélioration du revenu, de la productivité, de la maîtrise des charges.

Temps de travail en élevage bovin lait
(© Observatoire de l'élevage 2023-2024 d'Innoval)

77 % veulent réduire l'astreinte

Autrement dit : pour se libérer, la moitié des exploitants enquêtés sont prêts à repenser leur organisation du travail en production laitière, à condition qu'il n'y ait aucun impact financier. 30 % pourraient s'organiser différemment pour être plus efficients et 10 % seulement pour maîtriser leurs charges, mais sans travailler plus, les journées n'étant pas extensibles. 

Réduire, ou ne pas augmenter, la charge de travail est donc une préoccupation pour tous. Il faut dire que seuls 10 % font moins de 50 heures par semaine, et 33 % prennent moins d'une semaine de vacances par an, soit un éleveur sur trois. « Nous sommes encore loin des 35 h/semaine ! », lance Bastien Gires, directeur marketing et technique de la coopérative. La réduction de l'astreinte au quotidien, en particulier, fait « l'unanimité » – elle s'avère prioritaire pour 77 % d'entre eux – plutôt que de diminuer les pics saisonniers récurrents au moment des moissons, des chantiers de fenaison, d'ensilage (23 %)...

Déléguer à l'extérieur et simplifier

Sur les moyens d'y parvenir, les 840 répondants(1) sont « moins unanimes » : 56 % prônent le recours au travail extérieur et 44 % la simplification du système d'élevage. Si l'on représente le travail d'astreinte et de saison sur un axe horizontal, l'appui de tiers et le besoin en temps propre à l'exploitation sur un autre vertical, on se rend compte que 40 % utilisent le service de remplacement ou embauchent des salariés pour diminuer l'astreinte.

Presque autant (38 %) investissent dans des équipements : robots de traite, d'alimentation, de raclage, etc. Le salariat et les investissements matériels sont donc les deux leviers principaux pour limiter le temps d'astreinte, objectif premier des producteurs de l'observatoire d'Innoval.

Astreinte et pics d activité en élevage bovin lait
(© Observatoire de l'élevage 2023-2024 d'Innoval)

Salariat et investissements : les deux principaux leviers

Les 40 % d'éleveurs s'appuyant sur des salariés sont principalement ceux dits "perfectionnistes", l'un des quatre profils définis par cette étude. 34 % des enquêtés aiment en effet « soigner les détails » : « ils sont partants pour simplifier leurs pratiques mais ont du mal, en fin de compte, à le faire tant ils tiennent à aller au fond des choses ».

Profils d éleveurs laitiers
(© Observatoire de l'élevage 2023-2024 d'Innoval)

Ils agissent sur l'exploitation, le système, plus que sur l'humain, et sont moins dans l'anticipation et l'organisation que les près de 40 % qui choisissent de s'équiper, lesquels sont en effet essentiellement des "planificateurs". 35 % de l'échantillon est classé comme tel : avant de commencer une activité, « ils réfléchissent d'abord au bureau pour anticiper, planifier, prendre du recul... et gagner du temps ensuite ».

Parmi les exploitants qui cherchent davantage à alléger les pointes de travail périodiques, 17 % privilégient la délégation des tâches ou l'entraide entre voisins. Beaucoup appartiennent à la catégorie "correctif" : les 4 % de personnes sondées qui préfèrent « agir rapidement, en correctif justement, sur du court terme ». « On ne peut pas être partout, il y a des tâches plus importantes que d'autres », rapportent-elles. La réflexion sur l'organisation et la charge de travail n'en fait pas partie.

Charge mentale et sources de stress

« Il en reste encore, mais ils sont de moins en moins nombreux », pointe Bastien Gires. Et d'ajouter : « Ils attendent du résultat, mais ne comptent pas leurs heures. » L'allégement des pics d'activité cycliques passe, pour 6 % des éleveurs dont c'est le but, par la simplification des pratiques. Ce sont les 26 % de "simplificateurs", qui « priorisent et ne s'attardent pas sur des détails, et pour lesquels seule la performance compte ». 

Autre élément auquel s'est interessée l'enquête : les sources de stress qui pèsent sur la charge mentale. Sans surprise, l'administratif arrive en tête : la réglementation pour 54 % des participants et pour les 46 % restants, plus spécifiquement, les démarches à effectuer, les papiers/dossiers/formulaires à remplir et renvoyer...

Sources de stress en élevage bovin lait
(© Observatoire de l'élevage 2023-2024 d'Innoval)

En deuxième position, les imprévus : la météo et les aléas climatiques (46 %), devant les problèmes sanitaires (35 %) et les pannes (25 %). À la troisième place, l'incertitude : le manque de visibilité sur le prix du lait (38 %), à égalité avec les marchés et la volatilité des cours (37 %). À noter : l'administratif a été fréquemment cité par les éleveurs de la catégorie "correctif", les imprévus par les "perfectionnistes" et l'incertitude par les "planificateurs" qui n'ont aucun moyen de les prévoir.

Comment aider les producteurs laitiers à se libérer du temps, mieux s'organiser et réduire la charge mentale ? Tous plébiscitent les échanges entre pairs : rencontres avec d'autres éleveurs, visites de fermes (pilotes, de référence sur une thématique, etc.), groupes divers pour partager des idées, des trucs et astuces... Vient ensuite l'accompagnement individuel (autodiagnostic, coaching, médiateur dans les collectifs...), puis les solutions numériques (logiciels et applis pour quantifier le temps de travail, plannifier...).

(1) Quelques précisions sur l'échantillon.

Les producteurs de l'enquête sont plus jeunes que la moyenne des éleveurs laitiers français : 33 % ont moins de 40ans contre 25 % en France. Les grands collectifs sont sur-représentés : 55 % de Gaec contre 43 % à l'échelle nationale. Les exploitants interrogés élèvent au moins 30 vaches laitières (90 VL en moyenne) et 33 % sont équipés d'un robot de traite (vs 17 % sur l'ensemble du pays).

Echantillon observatoire de l élevage Innoval
(© Observatoire de l'élevage 2023-2024 d'Innoval)

Innoval regroupe 30 000 éleveurs de 26 départements, de Bretagne, Pays de la Loire, Normandie, Hauts-de-France, jusqu'en Nouvelle-Aquitaine, Auvergne-Rhône-Alpes et Grand Est. La coopérative collecte 45 % du lait produit sur cette zone (qui fournit 55 % du lait français), ainsi que 70 % de la génétique et 35 % des inséminations animales au niveau français. L'échantillon, représentatif, permet une analyse à la fois qualitative et quantitative. À savoir : pour qu'il soit en phase avec les préoccupations des éleveurs, le questionnaire de l'enquête quantitative, diffusé par mail, est construit à partir de ce qu'ils ont remonté lors d'entretiens préparatoires. 

Le premier observatoire de l'élevage, en 2022-2023, sur "l'avenir de la production laitière en 2035", a fait ressortir trois sujets majeurs pour les producteurs. Dans l'ordre : l'organisation du travail, la sécurisation du revenu et l'autonomie alimentaire. Les trois éditions suivantes seront donc axées sur chacune de ces trois thématiques. « Mettre à disposition des données chiffrées et des tendances pour enrichir la connaissance globale de l'élevage français, et de son impact économique, social, environnemenal, fait partie des missions d'intérêt public d'une coopérative », fait valoir Patrice Guiguian, président d'Innoval.

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