Pour Sylviane Lefez et Albane Blandel, productrices laitières, il faut bien s'organiser et être épaulées, et y aller progressivement. « Vous devrez sans doute renoncer à certaines choses mais tout ce que vous vivrez compensera largement », jugent-elles.
« Une santé de fer et un bon sommeil » : les éleveuses qui s'impliquent professionnellement doivent en avoir, met en avant Catherine Le Floch, interrogée au Space 2025 et présidente depuis sa création il y a dix ans de Engagées.bzh pour les départements bretons et la Loire-Atlantique. Regroupant une centaine d'adhérentes exerçant des mandats politiques, pas toutes agricultrices, cette association vise à favoriser l'engagement professionnel des femmes « pour qu'il ne soit pas seulement imposé par la loi ».
Faire vite et bien, on a très peu de temps !
« Il faut qu'elles puissent trouver leur place au sein des divers organismes où elles doivent siéger », appuie-elle. Avant de reprendre : « On ne dort pas beaucoup, il faut en avoir conscience. » Engagée depuis longtemps, elle sait de quoi elle parle. Il importe aussi de s'organiser en conséquence. Il faut parvenir à gérer et concilier trois temps de vie : l'exploitation, la famille et l'engagement.
En vidéo, l'intégralité de cette émission de la Space TV :
« Nous avons très peu de temps devant nous, il faut faire vite et bien », souligne Sylviane Lefez, éleveuse de bovins lait en Seine-Maritime, vice-présidente de la commission nationale des agricultrices de la FNSEA, avec d'autres casquettes au sein du réseau syndical, mais également administratrice à la MSA de Haute-Normandie et maire adjointe de sa commune depuis deux ans après avoir été 22 ans conseillère municipale.
« Ne pas trop se mettre la pression »
Chez Albane Blandel, secrétaire générale des Jeunes Agriculteurs du Morbihan, qui élève aussi des vaches laitières, l'organisation est également millimétrée. Surtout qu'elle n'est installée que depuis quatre ans, alors « l'entreprise est en phase d'expansion ». En plus, elle a une petite fille de moins de deux ans. La jeune femme exhorte à « ne pas se mettre trop la pression ». « On peut d'abord prendre des responsabilités au niveau cantonal, puis départemental, régional, national », détaille-t-elle.
L'implication peut effectivement être progressive. Autrement dit : « Nous n'endossons pas toutes les responsabilités d'un seul coup », fait remarquer Sylviane Lefez. Alors « on acquiert des connaissances au cours du temps et apprenons à nous organiser petit à petit, à ajuster notre façon de travailler, de s'occuper de la maison et des enfants. La formation peut aider à mieux s'organiser et être plus efficace. »
Adapter petit à petit notre façon de travailler.
« À travers notre organisation, nous nous adaptons tout au long de la vie à nos engagements, qui varient en fonction des différentes étapes que nous franchissons », précise Catherine Le Floch. « Quand les enfants grandissent, c'est déjà plus simple », constate Sylviane Lefez. « L'entourage, le conjoint surtout, compte énormément, je n'ai cessé de m'en rendre compte », ajoute Catherine Le Floch qui poursuit : « C'est évident que les deux membres d'un couple ne peuvent pas s'impliquer de la même façon, il faut choisir. »
L'entourage compte énormément
« Derrière une femme engagée, il y a forcément un conjoint qui facilite cet engagement », renchérit Sylviane Lefez, qui s'est installée à 23 ans avec son mari au départ en retraite de ses beaux-parents, en EARL (aujourd'hui en Gaec), le Gaec entre époux n'étant pas autorisé à l'époque. Albane Blandel, elle, a repris la ferme de ses parents avec son mari. « Il comprend et pallie mes absences. J'ai aussi la chance d'avoir ma mère et mon père à proximité », confie-t-elle. « Cela permet de partir sereine », insiste Sylviane Lefez.
Derrière chaque femme engagée : un conjoint qui facilite cet engagement.
L'éleveuse dispose, en outre, d'un salarié permanent qui la remplace lorsqu'elle s'absente pour ses responsabilités dans les OPA. « Il connaît la structure et est opérationnel », pointe-t-elle. Albane Blandel a trouvé une autre solution permettant de recourir toujours à la même personne, de confiance, sans embaucher à temps plein : le remplacement partagé à plusieurs exploitations. Un gain de temps substantiel, puisqu'il n'y a pas à présenter la ferme ni expliquer les consignes à chaque fois.
Le réseau, que l'on se constitue en s'engageant, est un appui important. Il y a toujours quelqu'un pour donner un coup de main sur l'exploitation. Sans oublier le soutien moral. « Nous ne sommes pas isolées en cas de coup de mou », argue Sylviane Lefez. « Parfois, on fait face à des problématiques un peu taboues, on se dit "ça n'arrive qu'à nous" puis on voit que d'autres y sont confontés, ça décupabilise », illustre Albane Bandel.
La force du réseau
Elle apprécie en particulier de pouvoir échanger entre femmes, agricultrices ou conjointes d'agriculteurs : « On se rend compte qu'on vit les mêmes choses, ça soulage. » « Il y a énormément de solidarité féminine », enchaîne Catherine Le Floch. La force du réseau va plus loin. Grâce à lui, de nombreuses rencontres, de personnes d'horizons divers, des partages d'expériences, qui enrichissent et développent les connaissances et compétences, sur d'autres productions, filières...
« Nos propres projets mûrissent plus facilement », estime Sylviane Lefez. L'occassion aussi parfois de « discuter d'autre chose que d'agriculture ». Selon l'éleveuse, la technologie facilite aujourd'hui l'engagement. « Le covid nous a appris à travailler en distanciel, chose qu'on ne faisait pas ou très peu avant. Un temps précieux de gagné en trajets. » « Attention toutefois à ne pas multiplier les visios quand on réfléchit à deux fois pour organiser une réunion », prévient-elle.
Beaucoup de solidarité.
Un accompagnement, des formations à la prise de responsabilités, sont par ailleurs davantage proposés « pour prendre confiance en soi et oser pousser la porte de l'engagement ». Garder des réunions en présentiel est essentiel, selon Albane Blandel, pour « la convivialité et ne pas être tenté d'avancer en même temps le travail sur l'exploitation ».
À l'inverse, la société évolue, la charge mentale augmente de plus en plus, ce qui peut freiner l'envie de s'engager. « On donne beaucoup de son temps et de sa personne mais on reçoit beaucoup », conclut Catherine Le Floch. « Il faut mettre certaines choses de côté mais tout ce que vous vivrez compensera largement », résume Sylviane Lefez.

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