« Les éleveurs laitiers subissent un vrai génocide ! »

Boris Gondouin est éleveur laitier à Stenay, au nord de la Meuse. Il est président de l'Apli depuis janvier 2015. (©Terre-net Média)
Boris Gondouin est éleveur laitier à Stenay, au nord de la Meuse. Il est président de l'Apli depuis janvier 2015. (©Terre-net Média)

Pour faire face à la crise laitière, l’Apli défend avec l’EMB la mise en place d’un « programme de responsabilisation du marché », un outil européen de régulation des volumes de lait lorsque les baisses de prix sont trop importantes. Mais, présentée depuis plus d’un an aux élus français et européens, la revendication peine à trouver un écho suffisant, sous la pression d’une « politique allemande toute puissante ». Les explications de Boris Gondouin, éleveur meusien et président de l’Association des producteurs de lait indépendants (Apli).

Web-agri.fr : Avec l’EMB, vous revendiquez la mise en place d’un outil de régulation à l’échelle européenne. En quoi consiste-t-il ?

Boris Gondouin : D’abord, il faut préciser que les politiques doivent d’urgence assumer leurs responsabilités face au véritable génocide que subissent les éleveurs laitiers français et européens. Nous ne demandons pas de subventions, ni de reports ou d’exonérations de charges. Nous souhaitons seulement que les politiques européens décident et fassent appliquer une règle simple : le prix du lait doit couvrir les coûts de production et permettre une juste rémunération des éleveurs.

Depuis longtemps, l’Apli propose des solutions. Comme dans d’autres pays comme l’Allemagne ou la Belgique, nous avons mis en place le lait équitable Faire France. La crise laitière est européenne. La réponse doit être européenne. C’est pour cela que nous demandons à Bruxelles la mise en œuvre d’un programme de responsabilisation face au marché.

Le principe du PRM est simple : à l’échelon européen, une agence de surveillance, déjà créée et qui n’attend plus qu’à être activée, serait chargée de suivre l’évolution d’un indice calculé en fonction des coûts de production. Si cet indice baisse de 7,5 %, une première alerte serait déclenchée et l’agence recommanderait à tous les acteurs de réduire leurs volumes.

Au-delà d’une baisse de l’indice de 15 %, nous entrerions en période de crise, pendant laquelle l’agence définirait une période de référence. Des appels d’offres seraient lancés auprès des acteurs pour réduire la production d’au moins 5 %, avec une prime attribuée à ceux qui acceptent de diminuer leurs volumes produits. Un prélèvement sur le principe du pollueur-payeur serait payé par les producteurs qui dépasseraient leur volume.

Si l’indice chute de 25 %, une réduction obligatoire de la production, de l’ordre de 2 ou 3 %, serait mise en place sur une période donnée d’environ six mois par exemple.

Web-agri.fr : Comment financez-vous ce dispositif ?

Boris Gondouin : Le fonds de crise financé par l’Etat pourrait alimenter le dispositif. Les pénalités payées par les producteurs ayant trop produit seraient redistribuées à ceux qui jouent le jeu. Pour démarrer, il faudrait que le superprélèvement payé par les pays ayant dépassé leur quota pour la campagne 2014-2015 puisse alimenter le fond de crise.

L’avantage de ce dispositif est qu’il aurait un effet direct sur le prix du lait. Par ailleurs, il ne couterait pas ou peu d’argent public, contrairement aux millions d’euros mis sur la table par Bruxelles sans vraiment apporter de solution à la crise.

Web-agri.fr : Les exploitations laitières peuvent-elles améliorer leur compétitivité ?

Boris Gondouin : La crise laitière que traversent les producteurs français n’est pas un problème de compétitivité. Nous sommes compétitifs par rapport à nos voisins européens, les récentes études de l’EMB sur les coûts de production en Allemagne et en France le montrent. Notre cher vieux syndicat majoritaire ne le dit pas et mise toujours sur des exonérations de charges, reports de charges, et autres aides pour restructurer les exploitations. Mais le nombre d’éleveurs laitiers baisse chaque année de 5 %. La restructuration est déjà en route depuis longtemps ! A l’Apli, nous disons stop. Les consommateurs, qui traversent en voiture des secteurs d’élevage où ils ne voient même plus de vaches pâturer, doivent être avec nous.

Web-agri.fr : Quel accueil avez-vous de la part des élus européens ? Êtes-vous soutenus par le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll ?

Boris Gondouin : Notre programme de responsabilisation face au marché faisait partie des propositions du député européen Michel Dantin, mais elles ont été écartées par le Parlement. En France, le ministre de l’agriculture nous soutenait, mais, je ne sais pour quelle raison, il s’est récemment défaussé.

Nous pensions que nos politiques français étaient assez costauds. Mais aujourd’hui, c’est la politique agricole allemande qui fait la pluie et le beau temps de l’avenir des exploitations dans toute l’Europe.

Web-agri.fr : En matière d’organisations de producteurs, où en êtes-vous des OP France Milkboard ?

Boris Gondouin : L’Apli a créé les trois seules vraies OP, indépendantes des collecteurs. La principale difficulté réside dans le fait que 60 % des producteurs de lait ne peuvent pas adhérer à une OP parce qu’ils sont coopérateurs. Nous le dénonçons. Nos élus nous répondent que les coopératives ne sont pas encore assez puissantes pour faire face à la concurrence mondiale et qu’il faut les renforcer. Surtout pas ! Car les grosses coopératives ne jurent que par une hausse de volumes pour l’exportation à bas prix.

Renforcer les coopératives n’est pas la solution car les producteurs se sont faits ceinturer par leurs coops et ne peuvent plus en sortir. Les seules coopératives qui fonctionnent bien sont à taille humaine et gérées par les producteurs et non des financiers, comme les Cuma ou les fruitières.

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