« L’efficacité énergétique sera la condition sine qua non de la société du XXIe siècle. » Sur le plateau de la Space TV, Konrad Schreiber, fondateur de La vache heureuse et de Ver de terre production, plante le décor.
Récolte, affouragement, traite… Le quotidien des agriculteurs tourne à mesure du ronronnement des moteurs. Sans eux, qui aurait cent vaches à la traite ?
Avoir un bon rendement énergétique est un devoir.
Mais voilà, le carburant se raréfie. Le débat est vaste, mais il y a consensus : les ressources fossiles ne dureront pas éternellement. Dans ce contexte, « avoir un bon rendement énergétique est un devoir », estime l’agronome.
Car l’agriculture n’est pas une industrie comme les autres. Sa particularité ? Être un convertisseur d’énergie. La photosynthèse est à l’origine de ce petit miracle. Elle permet de stocker l’énergie du soleil… dans les feuilles des plantes. C’est elle qui permet la production de biomasse.
En clair, être agriculteur, c’est dompter l’énergie photosynthétique. « On injecte un peu de carburant et d’électricité dans un système… et on en ressort des céréales, du lait, de la viande, parfois même du biogaz. Tout ça par l’intermédiaire des plantes », résume Konrad Schreiber.
Seulement, certains systèmes sont plus efficaces que d’autres. « Nous avons cherché un moyen pour les comparer ». Le Joule, l’unité qui quantifie l’énergie, est là pour ça. Mais il est peu parlant. « Si je demande à un agriculteur combien de joules il produit, je n’aurai pas de réponse », sourit l’agronome.
Deux tonnes et demie de blé : l’équivalent énergétique d’une tonne de pétrole
Alors une autre mesure s’impose : la tonne équivalent pétrole (TEP). « Deux tonnes et demie de blé, c’est l’équivalent en méga joule d’une tonne de pétrole, soit grosso modo mille litres de fioul », situe Konrad Schreiber.
La question est donc simple : combien de tonnes équivalent pétrole produit une ferme… avec mille litres de fioul ?
Surprise : certaines structures ont un rendement négatif. « C’est le cas des cultures très spécifiques, comme les herbes aromatiques ou les plantes médicinales. » Pour une tonne équivalent pétrole utilisée, seulement 0,4 est produite sous forme de biomasse. « Cela ne veut pas dire qu’il faut arrêter les plantes médicinales », tempère Konrad Schreiber. L’intérêt d’un produit ne se limite pas à l’énergie qu’il demande pour être produit. « Nous sommes simplement sur une production de niche, qui valorise peu la photosynthèse. »
Du côté des fermes d’élevage, la note est meilleure. Mais elle pourrait l’être davantage. « Il y a des structures extensives qui tournent à un pour un. Le gros des exploitations affiche un rendement autour de 1 pour 3 et les plus efficaces montent à 1 pour 7. »
Paradoxe : les systèmes extensifs ne sont pas ceux qui affichent la meilleure efficacité énergétique. « Sur ces fermes, on est économes, on cherche à minimiser les émissions, mais on ne regarde pas comment sont valorisés les intrants », souligne Konrad Schreiber. Moins de lait produit, c’est moins de volume pour répartir l’énergie dépensée.
Pour une « intensification vertueuse »
Sa solution ? Une « intensification vertueuse ». Les fermes d’élevage qui affichent la meilleure efficacité énergétique sont les fermes de polyculture. Logique. La vente de produits végétaux permet une meilleure valorisation de la photosynthèse que l’élevage. La conversion de la biomasse en lait ou en viande créée d’importantes déperditions.
Le premier levier pour gagner en efficacité consiste à occuper la lumière toute l’année. « Les systèmes qui valorisent le mieux l’énergie sont ceux qui introduisent des doubles cultures », note Konrad Schreiber. En bref, fini la monoculture de maïs. « Dans ce genre de système, on utilise l’énergie photosynthétique d’avril à octobre, et on la perd le reste de l’année. » L’introduction d’une vraie deuxième culture permet alors d’optimiser la « production d’énergie » de la parcelle.
Les possibilités d’intercultures se développent au fil des ans. « Le traditionnel ray-grass italien peut être remplacé par des cocktails de légumineuses… L’idée, c’est de s’adapter au territoire pour aller chercher une vraie deuxième culture. »
Une autre piste ? La santé des sols. Car un sol en bonne santé, c’est un peu comme une batterie souterraine. « Il est capable d’apporter l’eau et l’azote nécessaires à la plante, ce qui rend la photosynthèse plus efficace. C’est un levier qui peut aller très loin », insiste l’agronome, partisan du non-travail du sol. « À nous de choisir les bonnes manières d’optimiser son rendement ! »
Alors bien sûr, ces solutions ne peuvent pas coller sur tous les territoires. Mais dans un monde où les ressources se raréfient, pourquoi ne pas voir de temps à autre l’agriculture, comme une énergiculture ? Le lait et la viande ne sont jamais que notre carburant à nous.
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