
Des équipements pour réaliser des analyses bactériologiques à la ferme sont désormais disponibles sur le marché. L’objectif est de mieux cibler les traitements des mammites, pour une meilleure efficacité et une économie d’usage des antibiotiques.
L’analyse bactériologique est un moyen d’identifier l’agent infectieux responsable d’une mammite, afin d’ajuster à la fois les traitements et la prévention. Une fois l’agent pathogène identifié, il est possible de définir si le recours à l’antibiotique est nécessaire et, le cas échéant, de cibler le traitement avec un antibiotique spécifique à spectre étroit. « Il s’agit d’une utilisation plus vertueuse du médicament vétérinaire, associée à de meilleurs résultats de guérison, souligne Olivier Salat, vétérinaire dans le Cantal, membre de la commission qualité du lait de la SNGTV. L’enjeu étant de réduire l’emploi des molécules à large spectre, afin de limiter le risque d’apparition de résistances. »
Un prélèvement et un anti-inflammatoire
Dans la foulée de l’analyse bactériologique, un antibiogramme permettra dans certains cas d’ajuster au plus près le choix de la molécule, en tenant compte d’une potentielle résistance de la bactérie isolée, et ainsi diminuer les coûts liés à une rechute ou ceux liés à la transmission du pathogène en l’absence de guérison. Rappelons en préambule que l’apparition d’une mammite clinique sévère, associée à de la fièvre et/ou des signes d’abattement, est une urgence qui justifie dans tous les cas de faire appel au vétérinaire et à un anti-inflammatoire pour prise en compte de la douleur. Le traitement sélectif en lactation concerne donc les mammites peu sévères, c’est-à-dire sans dégradation de l’état général de l’animal. Dans ce cas, le recours à l’antibiotique n’est pas toujours justifié, car 25 à 30 % des mammites peu sévères vont guérir spontanément : par exemple, une mammite à E. coli ne donne qu’un épisode inflammatoire passager dans 80 à 90 % des cas.
Un problème d’acheminement au laboratoire
Dès lors, le recours à l’analyse bactériologique est aussi une source d’économie de traitement, et de lait jeté. « Face à une mammite peu sévère, la réalisation d’un prélèvement de lait pour analyses et l’administration d’un anti-inflammatoire pour prise en charge de la douleur, dans l’attente du résultat de la bactériologie, doivent devenir un réflexe, insiste Olivier Salat. Longtemps, le message a été de traiter chaque mammite sans attendre avec un antibiotique à large spectre ou une association d’antibiotiques pour optimiser le taux de guérison. Or de nombreuses études ont démontré qu’un délai de vingt-quatre à quarante-huit heures était sans impact pour la réussite du traitement. »

Le principal frein au développement d’analyses systématiques est l’acheminement du prélèvement : éloignement de l’élevage par rapport à la clinique vétérinaire, lorsqu’elle est équipée d’un service de bactériologie ; difficulté à réaliser une bactériologie rapidement après la traite, en particulier pour les mammites du week-end lorsque la clinique est fermée. Dans ce contexte, 93 % des mammites cliniques sont gérées seules par l’éleveur. De nouvelles méthodes de test rapide à la ferme font leur apparition sur le marché. Elles doivent permettre à l’éleveur d’identifier les bactéries et de choisir rapidement la conduite à tenir. Pour rappel, la méthode de référence repose sur la mise en culture bactérienne sur gélose, puis coloration de Gram. Lorsque l’analyse est réalisée par le cabinet vétérinaire, les résultats de la bactériologie puis de l’antibiogramme sont obtenus en moyenne deux jours après réception du prélèvement. La facture est de l’ordre de 22 € pour l’isolement de la bactérie et de 15 € pour l’antibiogramme. Également à disposition des praticiens, les tests PCR (Emma, MastiSensor) ont l’avantage d’une grande sensibilité et d’une grande rapidité (+/- 4 heures). Mais l’analyse est coûteuse, à la fois pour l’éleveur (environ 30 €), et pour le cabinet qui doit investir dans le matériel nécessaire.
Une bactériologie et un antibiogramme en vingt-quatre heures
Les entreprises spécialisées proposent de rendre ces analyses plus abordables, en développant des outils destinés aux éleveurs en cas de mammite clinique peu sévère. Petit tour d’horizon.
Lancé à l’occasion du Space 2023, Mastatest est un test rapide développé par Vétoquinol : une fois le prélèvement réalisé de manière stérile, le lait est versé dans une cassette qui est insérée dans un analyseur. Jusqu’à quatre tests peuvent être lancés simultanément.
Connecté au Cloud, l’analyseur, via des algorithmes, restitue l’interprétation de la bactériologie et de l’antibiogramme en vingt-quatre heures. Les résultats sont également transmis au vétérinaire traitant en temps réel. Pour les bactéries à Gram +, le praticien transmettra alors sa prescription en privilégiant les antibiotiques à spectre étroit en fonction du germe isolé et des résultats de l’antibiogramme. Selon le fabricant, le traitement ciblé permis par Mastatest s’accompagne d’une réduction de 24 % de l’usage d’antibiotiques dans un modèle épidémiologique dominant à Gram+. En l’absence d’un service de bactériologie, c’est un outil également adapté pour les cabinets vétérinaires qui facilite la mise en place d’un diagnostic avant tout traitement. « L’intérêt de cet outil est sa facilité d’emploi permettant d’obtenir à la fois le nom de la bactérie en cause et sa sensibilité, souligne Olivier Salat. Dans plus de neuf cas sur dix, il permet de bien orienter le traitement. »
Prise de décision dès la traite suivante
Plus simple et plus rapide, VetscanMastigram+ de Zoetis est un kit de bactériologie composé de 10 bandelettes et de 10 tubes renfermant un milieu de culture. L’idée est que l’éleveur puisse connaître la conduite à suivre dès la traite suivante. Le principe est très simple : tirer quelques jets, prélever un échantillon de lait à l’aide d’une pipette et le placer dans le tube contenant un milieu de culture pendant sept à huit heures d’incubation. Comme un test de grossesse, la lecture se fait sur bandelette trempée pendant dix minutes dans le tube. Le résultat est positif (bactérie Gram+) ou négatif (stérile ou Gram-). La rapidité du test permet une prise de décision dès la traite suivante : dans le premier cas, je traite en première intention avec un antibiotique à spectre étroit à Gram+ défini en amont avec mon vétérinaire dans le cadre du plan sanitaire d’élevage (PSE) ; dans le second, je ne traite pas et prends tout de même la température en suivant l’évolution de la vache. Coût du kit 15 € x 10 tests (150 €) + 200 € pour l’incubateur. « C’est un outil facile à utiliser par l’éleveur qui permet de savoir rapidement si le traitement antibiotique est justifié au non. Mais il ne renseigne pas sur l’antibiotique à utiliser. En amont, il s’agira donc de définir le modèle infectieux de l’élevage grâce à des bactériologies et de mettre en place un protocole de traitement de première intention avec l’éleveur. »
Une lecture parfois difficile des cultures bactériennes
Sur le principe basé sur la culture bactérienne et une lecture par colorimétrie, d’autres tests à destination des éleveurs sont disponibles, comme VetoSlide ou MastDecide. Ce dernier est un test rapide, développé en Allemagne, qui permet à l’éleveur de savoir de manière rapide et peu coûteuse s’il doit procéder à une antibiothérapie en cas de bactérie à Gram positif ou s’abstenir. Il se présente sous forme de kit de dix tests, d’un coût d’une dizaine d’euros par test. Il faut ensemencer des tubes comprenant un réactif avec 0,1 ml de lait, puis les placer à l’incubateur. La lecture se fait en théorie quatorze heures après l’ensemencement. Mais la lecture, liée à l’interprétation personnelle des changements de couleur, n’est pas si aisée. Cette difficulté d’interprétation est également mentionnée à la suite d’un essai mené en 2020 par les chambres d’agriculture de Bretagne (voir l’encadré) avec le kit AccuMast. Appelé « test à la ferme », il consiste à prélever un échantillon de lait du quartier suspect et à le mettre en culture sur les trois compartiments d’une gélose. Après douze à vingt-quatre heures dans l’incubateur, les résultats sont interprétés à l’aide du tableau de contrôle des couleurs. Le coût annoncé est de 7,25 € par test, plus 163 € pour l’incubateur. « Cet outil n’est pas destiné à être utilisé par les éleveurs sans accompagnement, car il requiert de la technicité et une expérience dans l’interprétation des résultats de gélose », estime Olivier Salat.
Une hygiène ultra-rigoureuse du prélèvement
Quelle que soit la méthode, la qualité du prélèvement est fondamentale pour obtenir un résultat exploitable. Pour ne cultiver que la bactérie responsable de la mammite, il faut travailler dans des conditions d’hygiène strictes. Le flacon stérile doit être stocké à l’abri de la poussière, n’être ouvert qu’au dernier moment, lorsque le trayon a été nettoyé et séché, les premiers jets ôtés et le bout du trayon désinfecté.
C’est un geste simple mais qui doit être réalisé proprement et rapidement, pour éviter les contaminations. Le matériel nécessaire est le suivant : des pots de prélèvements stériles, des gants d’examens, des lingettes désinfectantes, du papier absorbant. Les quartiers à prélever sont ceux atteints de mammite. Il est possible de vérifier avant de réaliser le prélèvement que le quartier n’est pas sain, avec un CMT, par exemple. Le recours à la bactériologie peut également présenter un intérêt au tarissement. En effet, pour une vache durablement infectée (> 300 000 cellules), il y a une forte probabilité d’infection par des bactéries à Gram positif de type staphylocoque ou streptocoque pour lesquels la plupart des spécialités antibiotiques sont actives. Cependant, lors d’infections chroniques à Gram négatif (E. coli, Pseudomonas), les spécialités sont plus limitées, il est alors utile de connaître précisément la bactérie en cause, tout comme pour les vaches douteuses.
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