Si la France veut gagner des parts de marché rentables à l'exportation, en particulier hors Union européenne, dans les pays en croissance démographique et économique, elle doit libérer le potentiel de développement de ses éleveurs les plus productifs et débloquer la situation dans le grand Ouest.
J'estime que 30 % des producteurs de lait sont « compétitifs » et d'avenir. Ils pèsent 60 % du lait national.
Ce sont les éleveurs aux coûts de production les plus bas : 260 € les 1 000 l en 2012-2013, contre 315 € de moyenne en plaine. Ils ont très logiquement les meilleurs EBE, point d'équilibre et résultats de gestion. En 2012, ils auraient pu être moins payés que les 340 €/1 000 l (toutes qualités confondues, plus ADL), sans se mettre en péril. Avec la conjoncture actuelle, ils bénéficient d'une confortable profitabilité. Ces producteurs, grâce à leurs structures et dimensions performantes et aux bons résultats techniques, économiques et financiers, continueront à produire et à investir encore pendant dix ans, même si le prix du lait est moins attractif.
Aujourd'hui, un débat est ouvert pour savoir si, comme par le passé, le lait non produit par ceux qui arrêtent sera récupéré en totalité par les « compétitifs ». Sans les quotas, les « compétitifs » d'aujourd'hui et de demain vont-ils augmenter leur production ? Autrement dit, à l'horizon 2023, la France produira-t-elle plus ou moins de lait, avec beaucoup moins d'ateliers laitiers, passant de 72 000 en 2013 à environ 30 000 en 2023 ? Cette perspective reste possible si la situation décisive dans le grand Ouest bouge rapidement. Le « croissant » laitier du grand Ouest, des zones du nord et de l'est de la France (60 % du lait français), gardera un potentiel de développement avec des systèmes de production intensifs et la maîtrise des coûts de production.
Mais l'évolution dépendra de la dynamique de l'industrie laitière de transformation. Le grand Ouest, qui représente 50 % du lait français, peut en produire 20 % de plus. Aujourd'hui, si les fondamentaux positifs de cette région restent solides, l'optimisme est tempéré du fait de l'absence d'une très grande coopérative laitière de dimension européenne et de la difficulté à répondre à l'interrogation suivante : la restructuration de la production de lait se fera-t-elle assez rapidement ?
Le grand Ouest doit impérativement restructurer-concentrer son industrie de transformation en sortant de l'actuelle paralysie générée par l'absence de stratégie globale des coopératives, due à leur incapacité à faire naître dans cette région un groupe de dimension européenne, rentable et bien géré. Pour éviter un déclin laitier, il s'imposera de manière de plus en plus évidente, comme le pensent déjà plusieurs analystes d'investisseurs, qu'un « big-bang » dans les coopératives, notamment de Bretagne, ne pourrait venir qu'avec l'arrivée en maître d'oeuvre, en leader, d'une grande coopérative du nord de l'Union européenne. Il est facile de deviner les deux possibles qui « s'intéressent » déjà à ce grand bassin laitier à fort potentiel de développement rentable et durable dans l'après-quotas.
JEAN-PIERRE CARLIER, AGROÉCONOMISTE, CONSULTANT INDÉPENDANT
Réponse de la rédaction : « Reste à savoir ce que vous intégrez dans le coût de production, notamment le niveau de la main-d'oeuvre familiale. Pas sûr que tous les compétitifs d'aujourd'hui, dont les outils sont saturés, aient les moyens d'investir si demain, le prix du lait n'est pas attractif. Nul doute que votre courrier suscitera des réponses des moins compétitifs ou des coopératives de l'Ouest. »
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