« Passionné, je l'ai été pendant 35 ans ! Mains depuis 4 mois, je suis libéré, je commence à vivre !! », lance Vincent.
Franck utilise le même vocabulaire carcéral : « J'ai fait 30 ans de prison, 7 jours sur 7, 2 fois par jour. »
L'élevage, une prison ?
Alexandre a « le dos foutu » et pense « arrêter » pour « ça mais surtout à cause du système qui ne rémunère pas les éleveurs à la hauteur des sacrifices qu'ils font ». La très faible valorisation des veaux notamment lui « fait mal ». « Seul sur l'exploitation », il « n'arrive pas à trouver un salarié agricole ». « Plus aucun jeune ne veut se casser le cul avec des laitières », poursuit-il. « J'en ai embauché un, il est resté un mois et la première chose qui m'a dite : "Je ne m'occupe pas des vaches" ! »
« Arrêter » après 20-40 ans de métier
Ré re trait « depuis 40 ans et en a ras-le-bol : pas de Noël ni Jour de l'an, de dimanche, de grasse matinée pour une rémunération de misère » en bovins lait. Il envisage donc « un arrêt de la production laitière fin mai » pour sa « retraite et permettre aux enfants d'avoir une meilleure vie ».
Pour que nos enfants n'aient pas la même vie...
Franck est « éleveur depuis 20 ans » et pour lui, « traire 2 fois par jour, 7 jours sur 7, c'est réjouissant... quand tout va bien ». Car « dès qu'il y a un problème et qu'il faut appeler des tierces personnes, là soi-disant pour nous aider et qui gagnent en une heure notre salaire mensuel », il y a de quoi se poser des questions. « Il serait temps que nos politiques et syndicats se préoccupent un peu plus » du manque de revenu des producteurs de lait.
Will produit du lait « depuis 28 ans et a deux enfants » pour prendre la suite. « J'essaie de les dissuader de faire le métier d'éleveur à cause de la surcharge de travail, des investissements financiers, des contraintes », explique-t-il, se demandant « s'il n'est pas plus judicieux de les inscrire au chômage ? » « Il n'y aurait pas alors de cotisations MSA à payer, pas d'impôt foncier, de taxe Anda, ni de risque de contrôle... », ajoute-il.
Des jeunes installés inquiets
Max, lui, vient de « s'installer en lait avec un bâtiment neuf et 120 vaches ». « Je suis déjà mal parti, constate-t-il. Avec plusieurs mois de sec, mes stocks ne sont pas bons et ma banque ne veut pas me faire une rallonge. Je ne vais pas avoir assez de maïs jusqu'à la prochaine récolte. Vraiment pas de bol, la pire sécheresse l'année d'installation ! Je prévois déjà de virer 30 vaches pour faire la soudure et j'ai commencé à traire il y a 2 mois ! »
Une sécheresse terrible, dès la 1ère année d'installation !
Jf59 est « installé depuis 4 ans » et « tout a été réfléchi pour dégager du revenu et travailler sans relâche mais intelligemment ». « Malgré tout, il y a toujours des aléas non maîtrisables qui font qu'on travaille pour rien en élevage », fait-il remarquer. « Si ça ne va pas mieux dans un an », il pourrait « vendre » les animaux. « On n'a qu'une seule vie pour ne pas se rendre esclave », estime-t-il, souhaitant « bon courage à tous ».
« À force de travailler et de voir les jours se succéder sans interruption », Alex n'a « plus conscience des avantages du métier ». « Nous devrions prendre du temps régulièrement pour rester maître de soi et de sa ferme, même après seulement 4 ans d'installation », juge-t-il.
Des producteurs « satisfaits », ça existe !
chris29 a « 40 ans et est salarié en élevage laitier depuis 17 ans ». Cela fait « plusieurs années » qu'il a « envie de devenir éleveur ». « Mais différents éléments m'ont empêché de le faire, détaille-t-il. Aujourd'hui, je suis en recherche active mais rien ne se présente car beaucoup de cédants considèrent que ce n'est pas possible de s'installer en élevage laitier ou que le métier est tellement dur qu'il faut mieux ne pas laisser quelqu'un reprendre. C'est franchement dommage car si pour certains c'est un métier trop exigeant, d'autres sont prêts à accepter ses contraintes. Quelques-uns de mes camarades de classe, qui se sont installés jeunes, sont aujourd'hui au bout de leurs forces et souhaite vendre pour être salarié en agriculture ou dans un autre secteur. Je leur réponds : "faites attention, vous savez ce que vous perdez mais pas ce que vous allez gagner. On en reparlera après 15-20 ans de salariat. J'en connais qui regrettent fortement de ne plus être leur propre patron (...). »
Faites-vous confiance ! Mieux vaut essayer que regretter !!
Mais est-ce « tabou » ?
Pour Jmagri, ce n'est pas avec des témoignages comme ça qu'on va encourager les jeunes à produire du lait. « Sachez une chose, prévient-il s'adressant aux lecteurs de son message. Ceux qui ratent dissuaderont toujours les nouveaux et ceux qui réussissent ne vous diront jamais qu'ils sont satisfaits car c'est tabou de sortir du stéréotype du paysan qui ne gagne rien » et se tue à la tâche. « La morale, selon lui. Faites-vous confiance car mieux vaut tenter au risque d'échouer que de le regretter toute sa vie »
Ien confirme : « Moi, j'ai des vaches laitières depuis 22 ans et je n'ai pas l'impression d'être en prison. J'ai du temps libre, des vacances, des week-end et du revenu à la clé. Après, il y a la réflexion que l'on mène ou pas en termes d'organisation, de modernisation, de conduite. »
Moi, je n'ai aucun regret.
Je me lève, chaque matin, avec la même passion.
Julien est éleveur laitier « depuis 8 ans, après 2 ans de salariat et 5 ans d'apprentissage ». Il n'a « aucun regret ». « Je me lève le matin avec toujours autant de passion et d'amour du métier. Avec de l'organisation et un week-end sur deux de repos, c'est pour moi une profession qui reste "confortable " », conclut-il.