Travail en élevage : faut-il blâmer les jeunes qui veulent du temps libre ?

Et vous qu'en pensez-vous ? Dites-le-nous en commentaires. (©Terre-net Média)
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La jeune génération porte un regard différent sur le métier d'éleveur, sur la charge de travail notamment. Elle ne veut plus être « esclave » des animaux et aspire à davantage de temps libre pour pouvoir avoir une vie perso et de famille. Est-ce si incongru que cela quand on veut pérenniser l'élevage ?

« Même pas installé, ils veulent des vacances et des weekends… C’est ça qu’on apprend aux futurs éleveurs dans les lycées agricoles ?, s'étonne Simon Thunus. Si déjà à l'école, ils comptent leurs heures, qu'ils choisissent un autre métier… »

« Tout le monde dit ça avant l'installation, mais le résultat n'est pas toujours à la hauteur des espérances... », enchaîne hydromel.

« Des témoignages de jeunes plein d'illusions... On refait l'interview dans quelques années ? », suggère Régis Dumas.

« Le discours ne sera plus le même », prévoit Mickael Coent.

« Des jeunes plein d'illusions »

« Sodiaal et Lactalis leur auront réexpliqué le métier d'éleveur », ironise Régis Dumas.

« Faire de l'élevage en travaillant quatre jours par semaine comme leur disent les médias, MDR... Faut déjà gagner sa vie avant de penser à embaucher un salarié agricole ! », estime également DA Vid.

Sté Phane n'est pas d'accord. Au contraire, il « admire les jeunes qui se lancent dans le métier d'éleveur en se souciant de leur temps libre ». « C'est bosser sans compter ses heures qui est le choix de la facilité, juge-t-il. Il n'y a rien de plus simple que d'être rentable en faisant 80 h/semaine et en tirant un trait sur une vie perso digne de ce nom. Porter un projet cohérent et viable économiquement, et qui préserve la vie personnelle, est un défi bien plus grand. »

Jusqu'à ce que les laiteries leur réexpliquent le métier...

« Tous ces jeunes qui ne voient pas la réalité en face ! », déplore pour sa part Anthony Pellion.

« Ils ont le droit de se tromper, rétorque Nina Oui, qui les trouve plutôt « réalistes », notamment sur le fait de « vouloir travailler à plusieurs » même s'il est déjà « difficile de dégager un seul salaire ». « Entre être installé en individuel sans rémunération mais avec une charge de travail énorme, ou en société sans gagner davantage mais en ayant du temps, vous choisiriez quoi ? », interroge-t-elle.

« La facilité : bosser sans compter ses heures »

« Par chez moi, beaucoup de jeunes désirent reprendre des fermes laitières souvent familiales, mais veulent des week-ends et du temps libre, témoigne Ceda Vaclaas. Leur calcul est assez simple : un salarié ne fait que 35 h et ne travaille pas les samedis, dimanches et jours fériés, sans compter ses 5 semaines de congés payés par an. La solution la plus pratique reste donc de s'associer avec un tiers. Ça dure le temps que ça dure, on passe d'un Gaec à un autre. Quand on apporte du foncier, on trouve toujours un associé... »

« Malheureusement, dans certains secteurs, on ne trouve plus d'associé, objecte Élodie Dubut. Je suis dans ce cas-là, et j'ai bien peur de devoir arrêter la production laitière courant 2023... »

« Tous ces donneurs de leçons, qui critiquent dès que les jeunes veulent faire différemment... », fait remarquer Sté Phane

Préserver la vie perso, un plus grand défi que d'être rentable.

« Qui n'essaie rien, n'a rien », appuie Patrick Duport

« Ce n'est pas la manière de faire qui me dérange, c'est la durabilité de ces projets », répond Anthony Pellion.

« Les gens ne se sont même pas lancés que vous êtes déjà capables de juger la durabilité de leur projet... », réplique Sté Phane. « Le modèle actuel, avec un suicide d'agriculteur par jour, est-il durable ?, demande-t-il avant de conclure : « Je préfère celui des jeunes... » 

« Se ménager pour tenir sur le long terme »

« Faut arrêter de tirer des conclusions hâtives, sans connaître le contexte, exhorte Victorine Ch. C'est pénible à force... »

« Faire ce métier en essayant de préserver sa vie perso n'est pas un choix de nanti ou de bobo ou de personnes qui n'y connaissent rien... », insiste Sté Phane. Au contraire, « ce sont plutôt les plus avertis qui savent que pour tenir sur le long terme, il faut savoir se ménager, pense-t-il. N'en déplaise à certains, le choix de la facilité n'est pas de bosser sans compter ses heures mais justement de donner une valeur à ses heures de travail et de ne pas trop tirer sur la corde. » « Depuis que j'ai des salariés, je n'ai jamais autant réfléchi à mon efficacité », précise ce lecteur.

Sinon plus de productions animales !

« Face au découragement des jeunes et au déclin des productions animales, il faut essayer de trouver des solutions, sinon il n'y aura plus d'élevage », alerte Alexandre Saison.

« Même si la rémunération doit être au rendez-vous, il y a peu de souplesse en termes de temps libre, ça fait partie du métier », considère, quant à lui, François-Xavier Lecomte.

« Il le faudrait pourtant tout en assurant en même temps une juste rémunération des éleveurs », martèle Alexandre Saison.

« Vu la paperasse et toutes les contraintes et pressions, s'aérer l'esprit est une nécessité », pour Ninie Peluchon. Sans quoi on risque « comme tous ces éleveurs désabusés, dont le gestes sont devenus mécaniques, de ne même plus voir la beauté de ce métier. Penser à soi, c'est aussi vital pour l'entourage. »

Eidole Nilessog ne partage pas cette opinion : « Quand tu as des bêtes, c'est 24 h sur 24, 365 j sur 365. J'adore ce que je fais, alors ça ne me gêne pas. »

« Esclave ou non de l'élevage ? »

Bouboule, fataliste : « En élevage, tu seras toujours esclave de tes animaux ou sinon de la technologie coûteuse (robotisation) pour ne rien gagner et avoir des nuits blanches en songeant aux dettes que tu ne pourras pas payer... jusqu'à la liquidation, puis le divorce, pour devenir salarié smicard de la coop qui t'aura préalablement enfoui !! C'est ça l'élevage, si beau mais bien loin de l'être en réalité... »

"Ne pas être esclave de son élevage", ça « choque » Jean Mi Agrafel, qui a « consacré sa vie à son troupeau ». « L'amour que je lui porte fait ma force. En aucun cas, je me sens esclave ! Je suis heureux avec eux et perdu si je m'en vais longtemps. »

Christian Roussel n'est pas de cet avis : « Les vacances, les sorties et même les mariages, les repas entre amis et Noël, c'est compliqué. Si ce n'est pas de l'esclavage !!! » 

Heureux avec mes animaux, perdu sans eux.

Selon Claude Berh, « l'éleveur lui-même se rend esclave et n'a besoin de personne pour cela puisqu'il s'installe et contracte des crédits sur du long terme, sans connaître les prix futurs. Il devra toujours travailler plus pour pouvoir rembourser ses dettes. »

Erwan Le Rolland, lui, a « simplifié au maximum son outil de travail pour qu'il soit reprenable un jour ».

Emmanuel Jacquot souhaite « bon courage » à ces futurs éleveurs. « Moi aussi, j'y ai cru pendant 30 ans mais tu t'aperçois que tu ne fais que travailler pour engraisser beaucoup de monde sauf toi », complète-t-il.

« Mon conjoint continue de produire du lait mais personnellement, j'ai l'impression de le voir perdre son temps et son énergie inutilement », relate Morgane Lecouteux.

« Penser à soi : vital pour l'éleveur et l'entourage »

« Mon fils y croyait aussi, mais il a vite déchanté..., raconte Patricia Robert. Beaucoup d'heures et de sacrifices pour pas grand-chose, voir quand il restait quelque chose. Sa petite famille en a pris un coup. Il n'y a aucune reconnaissance pour ce métier, on vous regarde de travers car ça sent mauvais et malgré toutes les règles sanitaires déjà existantes, on vous en invente d'autres souvent sans queue ni tête. Mais tout ça n'est que mon avis... et je vous souhaite d'aller au bout de vos rêves. »

« Tu as raison Patricia, déclare Marie-José Louvet Dessalle. Pour autant, je suis très fière d'être fille d'agriculteur. »

Philippe Marx conseille plutôt à ces jeunes « de s'engager dans une voie où il y a d'autres opportunités de salaires et de vie de famille ».

« S'adapter à l'environnement et à la conjoncture, c'est possible. Mais quand il est question de la santé et de la famille... », constate Denis Bruand. Il poursuit : « À tous ceux qui m'ont demandé si c'est ça que je voulais faire, j'ai dis que je serais toujours mieux à la ferme avec les tracas et pas de salaire que dans un bureau à regarder par la fenêtre et rêver d'une vie meilleure. »

Ne plus voir la beauté du métier sinon...

« Je sais, mon fils est dedans et ce n'est pas faute de lui avoir demandé tous les ans, durant sa scolarité, si c'était ce qu'il voulait vraiment, comme de lui dire qu'il pouvait tout arrêter et faire autre chose. Quand on voit qu'il y a au moins un suicide d'agriculteur chaque jour, c'est inquiétant. En tout cas, ça m'inquiète », conclut Marie-Cécile Jacquel.

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