« Pour maintenir les vaches : céder en séparant cultures et élevage »

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Jean-Claude Pette éleveur laitier en Seine-et-Marne désormais à la retraite
« Ayant défendu l'élevage toute ma vie, je ne me voyais pas laisser la ferme devenir céréalière », explique Jean-Claude Pette. (©Jean-Claude Pette)

Jean-Claude Pette, éleveur en Seine-et-Marne, ne se voyait pas transmettre sa ferme sans l’élevage, surtout dans cette région céréalière où il n’y en a presque plus, et parce que le lait est valorisé en AOC Brie de Meaux/Brie de Melun et qu’il a défendu la filière à travers ses engagements professionnels. Alors il a dû se résoudre à céder ses 240 ha de cultures à un repreneur, ses 100 vaches laitières à un second, originaire des Pays-Bas, et son atelier de transformation à un artisan. « Sinon la transmission n’aurait pas abouti, une seule personne n’aurait pas pu tout reprendre. »

Jean-Claude Pette tenait absolument au maintien de l’élevage sur la ferme après la cession de son exploitation, d’autant qu’elle se situe dans une région céréalière où il a quasiment disparu. 240 ha en Seine-et-Marne, en zone AOC Brie de Meaux et de Melun. « Ayant défendu toute ma vie l’élevage, je ne me voyais pas partir à la retraite et la laisser devenir une structure céréalière, d’autant qu’elle représente un réel potentiel économique pour un jeune éleveur », lance-t-il.

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« Le lait, un réel potentiel économique dans la région »

À la tête d’un troupeau de 100 vaches laitières, et transformant 60 % de sa production à la ferme, soit 500 000 l, le producteur a été au bureau de l’ODG (organisme de défense et de gestion) du Brie de Meaux, président du syndicat des producteurs laitiers et d’une OP pour la commercialisation du lait. « Nous sommes dans une zone où il est bien valorisé grâce à l’AOC, où la demande est importante, et où les laiteries sont prêtes à collecter des volumes supplémentaires », complète-t-il.

La transmission de la ferme, il y a deux ans, n’a cependant pas été facile. Jean-Claude Pette a dû céder l’exploitation en deux fois, ayant d’abord trouvé un céréalier intéressé par sa structure et la présence des vaches, « sans avoir envie de s’en occuper ». Puis, un jeune des Pays-Bas, passionné d’élevage, que la partie céréalière n’attirait pas du tout.

Vaches laitières au pré
Grâce aux AOC Brie de Meaux et de Melun, l'élevage « représentait un réel potentiel économique pour un jeune éleveur ». (© Jean-Claude Pette)

« On a un peu transposé le modèle hollandais »

« Là-bas, beaucoup de fermes fonctionnent de cette façon : l’éleveur ne s’occupe que des animaux, pas des terres. On a un peu transposé ce modèle », explique-t-il. « L’un des repreneurs cultive les céréales, l’autre se charge de l’élevage et tout le monde est content », résume le cédant.

« Aux Pays-Bas, il y a une volonté politique de réduire l’élevage pour des raisons écologiques, ajoute-t-il. Le gouvernement a l’intention de diminuer le cheptel de 30 % lors des transmissions et alloue des incitations financières aux éleveurs qui arrêtent. Certaines zones sont même vouées à être renaturalisées, et les agriculteurs sont incités à les quitter. Le jeune en question, mordu d’élevage, voulait vraiment s’installer. Mais on lui a clairement dit qu’il ne pourrait pas se développer. Alors il est allé chercher des opportunités ailleurs. »

L’un s’occupe des céréales, l’autre de l’élevage : tout le monde est content

Jean-Claude Pette a mis près de deux ans à transmettre l’exploitation. Il a d’abord essayé le bouche-à-oreille puis les agences immobilières, dans les régions orientées « élevage ». « Il faut chercher les éleveurs là où ils sont. Mais cela n’a amené personne d’intéressant ni d’intéressé, très peu étaient prêts à bouger », indique-t-il avant d’enchaîner : « Les agences vendent des fermes via des petites annonces, prenant au passage 5-6-7 % du montant de la vente, alors pourquoi pas moi. »

Stabulation
Ne trouvant pas de successeur, le futur cédant a mis l'exploitation sur Agriaffaires. (© Jean-Claude Pette)

« Le bouche-à-oreille, les agences immobilières… n’ont rien donné »

L’agriculteur a rédigé un texte « un peu accrocheur », qu’il a accompagné de photos et l’a mis sur Agriaffaires. De nombreux candidats se sont succédé, mais la plupart souhaitaient seulement reprendre les terres. Pour les autres, soit « les banques n’ont pas suivi », soit les repreneurs ont « jeté l’éponge ».

Jusqu’à ce que le céréalier contacte Jean-Claude Pette via la plateforme, et que ce dernier soit mis en relation par une agence hollandaise avec l’éleveur. « Un an de procédures, de démarches, autorisations et paperasse diverses : pas mal de freins ralentissent le processus, voire empêchent parfois d’aller au bout », déplore-t-il.

La plupart des candidats ne voulaient que les terres.

L’ancien exploitant insiste sur l’importance d’être honnête et transparent avec les porteurs de projet qui se présentent. « Il faut dire les choses, mettre en avant les atouts sans essayer de cacher ce qui ne va moins bien. C’est comme ça qu’on instaure une relation de confiance. »

Vaches laitières en stabulation
L'éleveur a mis près de deux ans à trouver des repreneurs : un pour les cultures et un pour l'élevage, originaire des Pays-Bas. (© Jean-Claude Pette)

Pour bien estimer la valeur de reprise de la ferme, décider des biens à vendre ou à louer en fonction des souhaits du repreneur aussi, et appréhender les conséquences fiscales, patrimoniales, etc., il s’est entouré d’un conseiller de gestion spécialisé dans la transmission d’exploitations agricoles, différent de celui avec lequel il travaille d’habitude – « on se connaît trop bien, la part d’affect aurait été trop grande » –, de la banque et encore davantage du notaire de famille.

« Transformation, personnel, vente, culture et élevage : tout gérer seul, c’est beaucoup ! »

« Nous nous sommes tous mis autour de la table, à plusieurs reprises, pour chercher des solutions intéressantes côté cédant comme repreneurs. Il s’agissait de valoriser le travail et les investissements de toute une carrière, en restant raisonnable, ne pas vendre bien plus cher que ce que cela vaut. »

Affinage de fromages
Seul bémol : l'arrêt de l'activité de transformation, mais « transmettre la structure, dans son intégralité, aurait été difficile ». (© Jean-Claude Pette)

Jean-Claude Pette a malgré tout un regret : l’arrêt de l’activité transformation laitière. Mais il le reconnaît : la gestion de cet atelier, des ressources humaines en particulier (quatre salariés rien que pour transformer le lait, plus du personnel administratif et commercial), de la partie commerce (trouver des marchés, vendre les produits, faire les salons, les foires, etc.), des productions animales (100 VL) et végétales (240 ha) peut effrayer un repreneur seul.

Transmettre la ferme, dans son intégralité, aurait été compliqué.

« Déjà, l’élevage et les cultures ont été séparés », rappelle l’éleveur retraité. En charge de travail, comme financièrement, l’élevage et la transformation, ça faisait encore beaucoup. Alors il a cédé la seconde activité à part, 10 ans avant la cession de la ferme, à un artisan fromager. Mais, malheureusement, celle-ci n’a pas perduré.

« Je l’ai vécu, c’est compliqué pour une seule personne de tout gérer », argue Jean-Claude Pette avant de conclure : « Transmettre la structure, dans son intégralité, aurait été difficile voire impossible. Le métier d’éleveur, en lui-même, a déjà pas mal de contraintes. Alors si l’on en rajoute encore… »

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