
Par Géraldine Vernaz, consultante en accompagnement humain à CERFrance Orne
LA SITUATION
Les trois frères Éric, Olivier et Stéphane H. sont en Gaec depuis vingt-cinq ans. Ils sont à la tête de 100 holsteins, d’un atelier de porcs à l’engraissement et de 125 hectares. Olivier est en charge de l’élevage laitier, Stéphane de l’atelier porcs et des cultures. éric est en soutien de ses frères et s’occupe de la partie administrative. Il vient d’annoncer son départ à la retraite en 2025, mais sans donner de date. Il exprime son souhait de donner un coup de main à ses frères, mais, là aussi, sans en indiquer les modalités. Ce flou engendre du stress chez Olivier et Stéphane. Ce départ les renvoie à une refonte nécessaire du Gaec pour travailler encore ensemble durant dix ans. Ils appréhendent ce changement.
LA PERSONNALITÉ DES ASSOCIÉS
Olivier et Stéphane ont des caractères opposés. Le premier apprécie l’efficacité. Il n’aime pas que les choses traînent. Prendre des décisions ne lui fait pas peur même s’il a besoin d’en parler pour les conforter. Dans le futur Gaec, il craint de les assumer seul car Stéphane n’a aucune confiance en ses compétences. Il sollicite systématiquement l’aide de ses frères lorsqu’il est confronté à un problème, même mineur. Donner son avis lui est difficile.
LES POINTS DE BLOCAGE
Le manque de précision d’Éric sur son départ à la retraite est révélateur du Gaec. Les trois associés évitent d’aborder les sujets qui imposent des décisions. La répartition des tâches bien huilée lui donnait jusque-là une colonne vertébrale. Ils n’ont pas transformé de façon majeure la structure ces vingt dernières années. Sans un regard extérieur, Olivier et Stéphane sont incapables de réorganiser ensemble le Gaec.
Les contradictions de Stéphane empêchent l’étude de solutions. Il craint une plus grande charge de travail au départ d’éric. Le solde de son compte associé et le rachat des parts sociales ne permettent pas l’embauche d’un salarié. Il faudra que Stéphane partage avec Olivier le travail de traite en semaine et soit en astreinte un week-end sur deux. L’allègement du travail pourrait passer par l’arrêt de la production porcine. Olivier le refuse pour des raisons économiques et Stéphane le souhaite car cette activité ne lui plaît pas.
La communication est explosive entre Olivier et Stéphane. Olivier ne supporte pas l’indécision de son frère qu’il rabroue régulièrement. De son côté, Stéphane lui coupe systématiquement la parole. Une spirale sans fin. L’irritation du premier inhibe la confiance en soi du second.
TROIS SOLUTIONS TROUVÉES
- Clarifier les conditions de départ d’Éric et ses incidences économiques.
Le recours à une consultante leur offre un cadre protégé d’échanges. Les entretiens individuels leur permettent de s’exprimer librement. C’est d’ailleurs à cette occasion qu’éric précise sa date de départ : le 1er septembre 2024. Il indique également que ses coups de main seront ponctuels. Le nouveau Gaec ne pourra pas s’appuyer sur son aide quotidienne. Parallèlement, les associés sollicitent l’analyse de leur conseiller de gestion sur la rentabilité de l’exploitation sans les porcs. Elle donne son feu vert à la suppression de l’atelier. Leur réflexion peut se concentrer sur le troupeau laitier et les cultures. - Faire évoluer petit à petit les relations.
Stéphane indique clairement sa volonté de conserver son statut d’associé dans le Gaec, plutôt qu’en devenir salarié. Pour dégripper les relations, il accepte de poser les bases d’une plus grande autonomie dans le travail. Concrètement, il s’engage à ne pas appeler son frère au moindre imprévu. Il prendra le temps de l’analyser et de solliciter la personne ou l’entreprise compétente s’il estime qu’il ne peut pas résoudre lui-même le problème. Il appellera Olivier lorsque la solution sera trouvée. Ce dernier le félicitera pour le valoriser.
Corriger les personnalités est illusoire mais modifier son comportement, même de façon minime, a un effet domino positif sur les relations avec son entourage. - Instaurer un rendez-vous hebdomadaire.
Depuis le 1er avril, les associés se retrouvent tous les lundis en fin de matinée durant une demi-heure dans le bureau du Gaec. Ils font le bilan de l’astreinte du week-end et listent les travaux de la semaine en hiérarchisant les priorités. Ils identifient celles à réaliser ensemble pour les préparer et faciliter la collaboration. Inscrire les taches sur un tableau entérine les décisions. Annoncer les absences prévues contribue à apaiser les relations. Sont aussi inscrites sur le tableau les travaux des prochains mois tels que la réparation des clôtures, le rangement de l’atelier, etc., en précisant qui en a la charge et la date butoir. Les décisions stratégiques peuvent être abordées durant ces lundis matin. Il faut alors prévoir plus de temps.
MES CONSEILS
Écouter jusqu’au bout les arguments. Ne pas interrompre son associé ou salarié lorsqu’il donne son point de vue est le b.a.-ba du travail en groupe. Être attentif à l’intonation de la voix y aide. Elle s’infléchit à la fin de la prise de parole, que l’on peut comparer au point final d’un texte. Laisser quelques secondes permet de vérifier que c’est bien le cas.
Rendre concrète une décision. Une décision qui n’est pas appliquée entraînent des frustrations. Répondre aux questions « quand la décision sera-t-elle mise en œuvre ? », « qui l’appliquera et comment ? » oblige à la décliner concrètement. L’inscrire dans la liste des choses à faire ou dans un relevé de décisions validé par tous n’offre pas d’échappatoire. S’il y a des désaccords, attention à ne pas les exprimer dans l’émotion. Des interrogations telles que « comment ferais-tu pour que cela soit différent » contournent ce piège.
Comprendre la personnalité des associés permet d’adapter son comportement et sa manière de leur parler. Par exemple, à ceux qui ont besoin d’échanges et de convivialité, il peut leur être proposé un rendez-vous quotidien ou hebdomadaire autour d’un café. Lister les décisions sur un tableau à l’issue de ce rendez-vous rassurera ceux qui aiment la clarté et l’efficacité. Un bilan annuel permet de mesurer les avancées et de lever les malentendus.
Financer un accompagnement psychologique. Il arrive que les problèmes d’un associé soient à l’origine du dysfonctionnement relationnel du Gaec. En proposant d’un commun accord de financer cet accompagnement, cela peut l’aider à franchir le pas. C’est aussi une façon de reconnaître ses difficultés.
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