GAEC. PARENTS-ENFANTS : ÉVITER LES CLASHS

C'EST BIEN CONNU. LE GAEC PARENTS-ENFANTS EST UN MODE DE TRANSMISSION progressive de l'exploitation familiale. En prenant des parts dans la structure sociétaire, il offre des conditions d'installation généralement plus avantageuses qu'une installation individuelle. Bien sûr, au départ à la retraite de ses parents associés, il faudra que l'enfant reprenne les parts sociales restantes ou trouve un successeur pour les acquérir. « Un Gaec parents-enfants ne se résume pas à cette seule dimension de la transmission », avertit Sophie Marçot, du Bureau technique de promotion laitière (BTPL). Depuis sept ans, elle accompagne les Gaec, familiaux ou non, qui la sollicitent pour améliorer leur fonctionnement. « La création d'un Gaec suppose de partager une vision commune, à l'intérieur de laquelle chacun trouve sa place et s'épanouit. Les associés n'ont pas forcément des objectifs identiques. C'est normal, mais il est important de les formuler pour avancer ensemble de façon cohérente. » Et la consultante de raconter cet exemple : « Un père souhaitait reprendre le travail à 15 heures, plutôt qu'à 14 heures, pour souffler un peu en milieu de journée. Cela ne changeait en rien le travail effectué, mais il n'osait pas le dire. » Sans oublier que ces objectifs peuvent évoluer au fil de la collaboration. Il faut régulièrement les clarifier.

Sans doute aussi les parents et enfants doivent-ils opérer une mutation dans leur relation : se regarder et se comporter comme des associés, et non plus avec le statut qu'ils avaient jusque-là. « Ensituation conflictuelle, il arrive que le fils dénigre son père, ou inversement. Le ferait-il si son père était un associé tiers ? Il faut faire la part des choses entre les soucis personnels et les soucis professionnels. »

MIEUX COMMUNIQUER POUR UNE OPTIMISATION DU TRAVAIL

Définir ses propres objectifs, écouter ceux de ses associés…, une démarche que le monde agricole n'est pas enclin à suivre. N'entendons-nous pas couramment dans les campagnes : « Chez nous, on ne dit pas, on fait. » De quoi ouvrir la porte à de nombreuses incompréhensions. « Quand les règles de fonctionnement de l'entreprise familiale sont implicites et sources de dysfonctionnement au sein du Gaec, il faut réagir, estime Sophie Marçot. La mésentente et les non-dits sont autant de freins à une prise de décision efficace et rapide. Or, le coût du travail pèse plus dans les charges de l'exploitation que le coût alimentaire. L'optimiser par une meilleure communication sera bénéfique à la rentabilité globale de l'exploitation, en plus du bien-être des associés parents et enfants. » Pour la consultante, un cadre minimum peut résoudre une partie des problèmes de communication si le Gaec en rencontre. Elle propose quatre astuces.

1 UN BUREAU HORS MAISON PARENTALE

« Un bureau en dehors de la maison des parents qui, bien souvent, habitent sur l'exploitation, est indispensable. Toutes les entreprises en ont un, pourquoi pas les entreprises agricoles. »

Un bureau convivial, avec du mobilier confortable et de rangement, des toilettes, un point d'eau, une adresse postale et un accès téléphonique et internet propre, visible des visiteurs… Cette rupture sphère privée-sphère professionnelle aidera les parents ou le père à considérer l'enfant comme leur/son associé. De son côté, en évoluant dans un cadre neutre, le jeune prendra plus aisément sa place.

2 UNE RÉUNION PAR SEMAINE

Cette réunion hebdomadaire sera exclusivement dédiée au travail. Organisation du travail de la semaine, échange sur les difficultés rencontrées et résolues, décisions à prendre pour le court ou le moyen terme, etc. pourront y être abordés.

« En amont, chacun peut écrire sur un tableau les pointsqu'il souhaite aborder. Si certains craignent que la réunion soit trop longue, des horaires de début et fin peuvent être fixés. De même, un cahier de réunion peut être tenu pour résumer ce qui a été décidé. Cela permet de s'y référer s'il y a besoin. » À cette suggestion, certains rétorqueront que les petits-déjeuners ou les repas du midi pris ensemble assurent cette fonction. « Ce sont des moments conviviaux. Il ne faut pas les supprimer, estime-t-elle. Néanmoins, il faut les distinguer d'une réunion de travail. De plus, si des décisions sont prises lors des repas familiaux, cela risque de créer des frustrations ou des incompréhensions auprès des autres associés, s'il y en a. »

3 UN PLANNING DE WEEK-ENDS ET DE CONGÉS

Dans les exploitations laitières, et plus globalement dans le monde agricole, la vie professionnelle des éleveurs a tendance à phagocyter leur vie personnelle (sport, associations, etc.) et familiale. Là encore, si des règles ne sont pas clairement définies au préalable, les vacances et les weekends libres risquent d'être réduits à peau de chagrin, surtout si les parents en ont peu pris jusque-là. Le jeune célibataire aura tendance à se fondre dans le fonctionnement parental. Le jeune conjoint s'expose à des reproches conjugaux, voire un ras-le-bol. Sophie Marçot propose d'écrire un planning des week-ends et des vacances que chacun souhaite prendre, quitte à le modifier s'il y a besoin. « Pour les parents, cultiver leur vie personnelle est une façon de préparer leur retraite. Pratiquer un sport (marche, vélo, gymnastique, etc.), adhérer à une association locale seront autant de points d'accroche vers la retraite. »

C'est que le départ à la retraite des parents est une étape cruciale de la vie du Gaec parents-enfants. Qui ne connaît pas le départ du salarié ou du successeur provoqué par les parents, ces derniers étant omniprésents. Qui ne connaît pas le refus de parents de quitter la maison implantée au coeur de l'exploitation ou de construire une habitation pas trop loin. « À l'inverse, quand ils ont tourné la page, il ne faut pas faire appel à eux pour des coups de mains très réguliers… »

4 OSER PARLER ET S'AFFIRMER

Toutes ces mesures ne seront que des coquilles vides si les associés n'ont pas le courage d'instaurer un dialogue et l'envie de mieux connaître les attentes, les souhaits, les projets de leurs collègues. Le recours à un tiers, comme Sophie Marçot, peut aider à engager le processus. « Je suis facilitatrice, se définit-elle. Je pose les questions que personne n'ose poser. La plus courante concerne le devenir de la maison d'habitation. » Elle réalise en moyenne 4 à 5 accompagnements par an dans le grand Ouest dont 2 pour des Gaec parents-enfants. « J'accompagne les associés, je ne suis pas médiatrice. Quand les relations sont trop tendues, je fais appel à un médiateur. » Le BTPL propose ce service depuis plus de dix ans. Deux prestations ont été créées. La première, « Bilan humain », consiste en une journée à faire le point et repérer les satisfactions et les insatisfactions des associés (tarif : 600 €). À l'issue d'un questionnaire rempli par chacun d'entre eux et une séance collective d'échanges de deux à trois heures, le ou la consultante du BTPL propose « un plan de progrès » au groupe. L'autre formule, « Méthode arc-en-ciel BTPL », repose sur des entretiens individuels et des réunions de mise en commun, le tout en plusieurs séances (tarif : 1 000 €).