Des matelas à eau thermorégulée sous la loupe d’Oniris

Article réservé aux abonnés.

De juin à novembre 2021 et de mai à septembre 2022, chez Bruno et Erwan Calle, Oniris a comparé le comportement de 60 vaches dotée d’un matelas Aquaclim à leurs congénères en matelas classique. En traite robotisée et zéro pâturage, chacune est suivi en continu grâce à cinq caméras couplées à une intelligence artificielle. Leur locomotion est régulièrement notée. Enfin, un tiers des vaches porte un thermobolus pour mesurer la température ruminale. (© B.Calle)

Oniris a testé, durant deux étés dans un élevage morbihannais, les matelas à eau thermorégulée conçus par Bioret-Agri pour abaisser la température corporelle des vaches lors de fortes chaleurs. Les premiers résultats de l’été 2021 sans canicule ne dégagent pas de nettes conclusions sur le stress thermique, mais le temps de couchage augmente.

C’est rentré dans la routine des élevages. Des périodes de canicule se produisent désormais quasi tous les étés. Limitées par leur capacité respiratoire, les vaches subissent un stress thermique à partir de 22 °C. À cette température, elles font un effort d’adaptation. Entre 30 °C et 35 °C, elles entrent en situation de souffrance. Leur stress thermique est mesuré par l’indice THI (Temperature Humidity Index). Elles sont considérées en stress léger à modéré à partir de 68 de THI, et en stress marqué à partir de 78. « Les vaches restent debout dans leur logette et dans les couloirs pour respirer plus vite et évacuer le surplus de chaleur qu’elles produisent. Elles se déplacent moins, notamment vers la table d’alimentation. Leur ingestion s’en trouve réduite, leur production laitière aussi », décrit Anne Relun, vétérinaire enseignante- chercheuse à l’école vétérinaire Oniris de Nantes.

Des méfaits du stress thermique se manifestent également à l’automne, en particulier des problèmes de boiterie. « Des lésions de la corne apparaissent en arrière-saison, provoquées par des stations debout prolongées durant l’été », pointe-t-elle. Cette baisse du temps de couchage dans le bâtiment n’est pas une fatalité. L’amélioration de la ventilation naturelle de la stabulation et si besoin l’installation d’une ventilation mécanique, un abreuvement suffisant (10 cm par vache en abreuvoir collectif), une place de couchage par vache, etc., sont autant d’améliorations qu’il est possible d’apporter. « À ces solutions peut s’ajouter la qualité du couchage. Oniris a décidé de tester en 2021 et 2022, de juin à décembre dans les logettes d’un élevage morbihannais, des matelas à eau thermorégulée destinés à améliorer le couchage et à baisser la température corporelle. » L’étude a été réalisée à la SCEA des Moulins de Kerollet, dans le Morbihan, avec les matelas Aquaclim de Bioret-Agri (lire l’encadré ci-dessous).

Le temps de couchage rallongé de 1 h 26

Les matelas équipés d’une poche à eau individualisée sont reliés à une pompe à chaleur qui récupère la chaleur produite par les animaux. Les calories sont utilisées pour réchauffer l’eau d’abreuvement des vaches de l’élevage.

Matelas Aquaclim vide. (© B.Calle)

Concrètement, dans la stabulation laitière, deux lots de 60 vaches sont constitués. L’un est doté de matelas classiques Bioret-Agri, l’autre de matelas Aquaclim. Les résultats de 2021 donnent un net avantage au modèle à eau thermorégulée mais sans démontrer son efficacité lorsque la vache est en stress thermique (THI supérieur à 70). « Le lot Aquaclim passe en moyenne deux heures de moins par vache par jour en position debout dans la logette et dans le couloir et une heure vingt-six minutes de plus couché, indique la chercheuse. Cela, quelles que soient les conditions d’ambiance. En effet, nous n’avons pas observé un temps de couchage plus élevé lorsque le THI est supérieur à 70. Néanmoins, l’été 2021 n’a pas été traversé de fortes chaleurs. Nous n’avons enregistré que six jours en juillet et trois jours en septembre avec un THI moyen quotidien supérieur à 70. » En l’état actuel de l’étude, elle attribue l’augmentation du temps de couchage à un plus grand confort des matelas Aquaclim. « Nous espérions que le suivi de la température ruminale des vaches, qui traduit indirectement la température corporelle et est l’un des indicateurs du stress thermique, fournirait plus d’éléments d’analyse. Cela n’a pas été le cas », regrette-t-elle. Le système de thermorégulation l’abaisse en moyenne de 0,17 °C, mais quel que soit le THI. « Cela a probablement donné un peu plus de confort aux vaches durant les neuf jours de THI à plus de 70 : leur température ruminale était au niveau de celle du lot “matelas classique” quand les conditions climatiques étaient bonnes. » Or les études dans des régions plus chaudes menées sur le refroidissement des vaches par ventilation mécanique ou par brumisation donnent entre - 0,2 °C et - 1 °C de baisse de température ruminale. Anne Relun espère une analyse plus objective grâce aux données de l’été caniculaire 2022. Si celles-ci ne sont pas encore disponibles, les observations faites à la SCEA des Moulins de Kerollet sur cette période sont positives : « Durant les fortes chaleurs, toutes les logettes équipées de matelas à eau thermorégulée étaient colonisées », témoigne Erwan Calle.

Pas plus de lait par vache

La production laitière et l’évolution du nombre de boiteries à l’automne n’apportent pas, non plus, d’informations différenciantes. Le lait produit par vache et les taux des deux lots sont identiques : 35,72 kg de lait bruts/jour, 40,6 g/kg de TB et 31,5 g/kg de TP pour le lot Aquaclim, 35,85 kg bruts/jour, 39,8 de TB et 31,5 g de TP pour le lot « matelas classique ». « Les vaches du lot Aquaclim ont été plus efficientes, estime l’éleveur. Alors qu’elles bénéficiaient du même plan d’alimentation que l’autre lot, elles ont démarré moins haut leur lactation mais cette dernière a été plus persistante. Au final, elles ont consommé moins de concentrés ajustés automatiquement par le distributeur du robot de traite. Nous l’avons constaté après-coup sans avoir de véritables explications. » De même, la notation de la locomotion des vaches tous les quinze jours et leur parage avant et après l’étude ne révèlent pas moins de lésions de la corne à l’automne grâce à un temps de couchage plus long. « Le troupeau ne souffre pas de ce type de lésions. Il est en fait atteint de dermatite digitale, qui ne résulte pas d’un trouble de la locomotion. Dans les troupeaux à fort taux de lésions de la corne, le matelas aurait sûrement eu un effet sur boiteries au vu de l’augmentation du temps couché des vaches. »

Les études continuent

Malgré ces résultats mitigés, Bioret- Agri se dit confiant sur l’efficacité de ses matelas Aquaclim en période de fortes chaleurs. Comme Oniris, l’entreprise espère avoir une vision plus juste par l’analyse des données de 2022 recueillies dans le Morbihan. « Une étude menée de 2014 à 2016 en Hongrie, pays aux étés continentaux chauds, a comparé nos matelas à eau sans thermorégulation à d’autres types de logettes (matelas, sable, paille, etc.). La température de leur couchage est de 6 °C inférieure aux autres, ce qui aide les vaches à réguler leur température corporelle », rapporte Alysson Couchouron, coordinatrice d’études expérimentales chez Bioret-Agri.

L’entreprise ligérienne poursuit ses études, en partenariat avec Seenovia, notamment dans plusieurs exploitations laitières de Loire-Atlantique durant huit mois cette année. Une dizaine élevages laitiers sont équipés aujourd’hui. Bioret-Agri ne communique pas les prix du matelas et de la récupération de chaleur car les installations réalisées sont expérimentales et sur mesure.

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,05 €/kg net +0,06
Vaches, charolaises, R= France 6,92 €/kg net +0,08
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
journée technique sur la tuberculose bovine

La tuberculose bovine fait frémir les éleveurs bas-normands

Maladies
Thomas Pitrel dans sa prairie de ray-grass

« La prairie multi-espèce a étouffé le ray-grass sauvage »

Herbe

Tapez un ou plusieurs mots-clés...