LE HERSAGE DES PRAIRIES EST REMIS EN CAUSE

1. Herse équipée de dents fixes travaillant à une profondeur de 2 à 3 cm, avec une rangée de lames et de dents souples.
1. Herse équipée de dents fixes travaillant à une profondeur de 2 à 3 cm, avec une rangée de lames et de dents souples. (©)

LES ÉTUDES MENÉES DANS DES FERMES EXPÉRIMENTALES RÉVÈLENT UNE DÉGRADATION DU POTENTIEL DE LA PRAIRIE, ENGENDRÉE PAR LA PRATIQUE DU HERSAGE EN PROFONDEUR.

LE HERSAGE EST UNE TECHNIQUE RÉPANDUE, présentée comme un facteur d'amélioration de la productivité de la prairie mais qui, concrètement, n'apporte aucun bénéfice susceptible de compenser le surcoût engendré par le passage d'outils de plus en plus lourds et gourmands en carburant ! C'est la conclusion de trois études menées dans le Massif Central, les Pays de la Loire et la Lorraine. « L'aération de la prairie, en surface ou en profondeur, n'apporte pas d'amélioration significative du rendement, de l'évolution de la flore et des indices de nutrition, souligne Didier Deleau, chargé de recherche chez Arvalis- Institut du végétal. Quels que soient l'année et les outils, les rendements de la prairie sont au mieux identiques à ceux constatés en l'absence de hersage. »

La question du hersage se pose avec insistance face à la multiplication d'outils que l'on peut classer en deux catégories : les outils de scarification, destinés à ouvrir le sol superficiellement (2 à 5 cm), et les outils de décompaction pour un travail en profondeur (supérieur à 5 cm) visant à redonner du volume à un sol tassé par le piétinement.

LE HERSAGE TESTÉ DE 2 CM À 15 CM DE PROFONDEUR

Une étude menée à la ferme expérimentale Arvalis de Saint-Hilaire-en-Woëvre (Meuse) entre 2007 et 2011, permet d'objectiver l'impact de ces outils. Pendant cinq ans, des mesures ont été réalisées sur une parcelle implantée en 1991 avec un mélange RGATB, exploitée en fauche au premier cycle (foin) et pâturée aux cycles suivants. « Son faible niveau de production semblait traduire un problème de compaction », précise Didier Deleau. Pour les besoins de l'étude, la parcelle a été divisée en cinq bandes (100 m x 6 m). Une bande témoin n'a subi aucune intervention tandis que, sur les autres bandes, trois outils ont été testés : une herse équipée de dents fixes travaillant à une profondeur de 2 à 3 cm, avec une rangée de lames et de dents souples (photo n°1) ; une herse prairiale équipée de dents flexibles à couteaux qui découpent le sol à une profondeur de 4 à 6 cm, avec une rangée de lames et une de peignes (photo n°2) ; un outil de décompaction équipé dents en étoile sur un axe horizontal auto-animé, capable de découper le sol sur 10 à 15 cm (photo n° 3). « Ces outils ont été passés chaque année début mars, avant le démarrage de la végétation, sur trois bandes distinctes. Sur une dernière bande, le décompacteur a été passé en position agressive à l'automne, à deux reprises. »

UN EFFET DÉPRESSIF SUR LE RENDEMENT

Au terme de l'essai, sur les bandes hersées, le taux de sol nu est au mieux égal au témoin (5,4 %) et au pire deux fois supérieur (12,8 %), avec l'outil travaillant le plus en profondeur. « Ces zones de sols nus sont colonisées par des espèces telles que les mousses, les chardons ou le rumex. » Concernant l'évolution de la flore, on observe en effet une baisse des bonnes graminées sur les bandes hersées au printemps, avec une tendance au développement de plantes indésirables sur les bandes hersées avec le matériel le plus agressif. « L'effet d'ouverture du milieu va de pair avec une multiplication d'espèces indésirables à l'intérieur des vides. Le passage d'outils a eu néanmoins un effet favorable sur le taux de légumineuses, multipliées par 3,5 sur les bandes travaillées quand il n'a été multiplié que par 1,6 sur le lot témoin. » Quant à la libération des éléments nutritifs, le passage d'outils n'a pas eu d'impact sur les indices de nutrition P et K, pas plus que sur la valeur alimentaire des fourrages récoltés au premier et au deuxième cycles. Enfin, aucun effet positif sur le rendement n'a été observé. « La productivité de la prairie est au mieux égale au témoin et, au pire, certaines années inférieure de 20 % avec l'outil le plus agressif. »

PAS DE MINÉRALISATION DE L'AZOTE

Ces conclusions confirment l'étude conduite dans le Massif Central, entre 2003 et 2006, sur deux parcelles du Puy-de-Dôme et de l'Allier. « Les prairies permanentes retenues présentaient une productivité moyenne, avec un fort taux de litière justifiant a priori l'emploi d'un outil d'entretien mécanique », précise Éric Pottier, chef du service fourrage de l'Institut de l'élevage. Trois outils ont été utilisés : une herse étrille pour un travail entre 1 et 2 cm (photo n°4), un scarificateur, choisi pour son efficacité sur le mat racinaire (4-5 cm) et une herse bourbonnaise, un outil équipé de 8 rangées de dents fixes, sur le même principe qu'un chisel (4 cm). Leur utilisation a été observée à plusieurs périodes (printemps, automne, et passage combiné au printemps puis à l'automne) et comparée à une bande témoin non hersée. « Pendant cinq ans, les indices de nutrition azotée ont évolué de façon identique avec et sans passage d'outils. Ceci confirme l'absence d'action sur la minéralisation de l'azote souvent présentée comme un atout du hersage. D'ailleurs, la production d'herbe est identique quelles que soient les pratiques mises en oeuvre. » En outre, la herse bourbonnaise comme le scarificateur n'ont pas montré d'efficacité vis-à-vis de la litière (matériaux morts) et de sa décomposition. « En revanche, la herse étrille se révèle efficace en sortie d'hiver pour l'émoussage et la lutte contre les adventices à enracinement superficiel, comme l'agrostis », souligne-t-il.

PEU D'ÉVOLUTION DE LA FLORE

Parallèlement, douze parcelles issues d'exploitations auvergnates ont fait l'objet d'un suivi de 2002 à 2006. La moitié était systématiquement hersée au printemps selon les pratiques habituelles des éleveurs. Il s'agissait de relever la proportion d'espèces productives et de mesurer la fertilité du sol à partir d'analyses N, P et K d'échantillons d'herbe. « La pratique du hersage au printemps n'a pas eu d'effet améliorateur sur la couverture du sol ni sur la proportion de graminées et légumineuses. Sur les zones hersées leur contribution à la production de la prairie varie de 50 à 56 %, les zones témoins se situant à 55 %. » Le fait le plus marquant est une relative régression des légumineuses au profit de plantes diverses et de la proportion de sol nu. En outre, les analyses ne mettent pas en évidence d'effet favorable de la herse étrille sur l'état de nutrition azotée. La production d'herbe au printemps est analogue quelles que soient les pratiques mises en oeuvre.

QUEL ENTRETIEN MÉCANIQUE DE LA PRAIRIE ?

Ainsi, au regard des essais, le passage d'outils d'aération du sol n'est pas justifié. « Il est préférable de laisser agir les lombrics et de favoriser leur action par l'apport de compost. Un effet compost bien réel, tant sur la fertilité que sur la proportion de graminées productives », commente Patrice Pierre, conseiller prairie à la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire. Mais, ces études ne remettent pas en cause l'entretien mécanique de la prairie. « Le recours à des outils d'intervention superficielle pour aplanir, ébouser, étaupiner ou émousser est une pratique qu'il faut maintenir », prévient Didier Deleau. À ce titre, les herses à prairie multifonctions, pour l'ébousage et l'étaupinage, sont satisfaisantes mais peu efficaces pour l'émoussage. La herse étrille présente une bonne efficacité, à condition que le réglage de l'agressivité soit suffisant. « Elle autorise une vitesse de travail élevée et peut être équipée de lames pour l'étaupinage et l'ébousage. »

JÉRÔME PEZON

2. Herse prairiale équipée de dents flexibles à couteaux qui découpent le sol à une profondeur de 4 à 6 cm, avec une rangée de lames et une rangée de peignes.

3. Outil de décompaction équipé de dents en étoile sur un axe horizontal auto-animé, capable de découper le sol à une profondeur de 10 à 15 cm.

4. Herse étrille pour un travail 4 entre 1 et 2 cm.

© VINCENT MARMUSE

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