
Même si la Bretagne n’est pas la région la plus pénalisée, le changement climatique aura, et a déjà, des impacts sur l’agriculture. Le Ceta 35 encourage ses adhérents à les anticiper, en mettant en place des essais et par des échanges, par exemple avec l’agroclimatologue Serge Zaka.
Le changement climatique fait déjà sentir ses effets. Entre la sécheresse de 2022 et les excès d’eau de 2024, les agriculteurs s’en rendent bien compte. « 2022 sera une année normale en 2050, prévient Serge Zaka, agroclimatologue, devant les adhérents du Ceta 35. Nous avons 25 ans pour nous préparer à atténuer les effets de ces changements. Il n’y a pas de solution unique mais des adaptations, des changements de productions complémentaires. C’est en anticipant qu’on limitera les pertes pour l’agriculture. »
Pour y arriver, Serge Zaka rappelle aux agriculteurs qu’ils doivent intégrer qu’en 2050 Rennes aura le climat actuel de Toulouse. L’ouest devrait bénéficier de plus de précipitations qu’actuellement, mais avec une répartition annuelle différente et une évapotranspiration plus importante du fait de la hausse des températures.
Le maïs pénalisé, le blé favorisé
L’augmentation de la teneur en CO2 sera favorable au blé, en décalant un peu la culture pour récolter plus tôt, avant les coups de chaud. « Sur les 20 dernières années, on a déjà vu que le changement climatique était favorable à la production de blé dans le nord de l’Europe, souligne Serge Zaka. La Russie est passée d’importateur à 1er exportateur mondial de blé ».
Par contre, les nouvelles conditions risquent de pénaliser le maïs, en tout cas sur une large moitié sud de la France. « Non seulement, la plante ne répond pas à la hausse en CO2 mais en plus, elle sera pénalisée par le stress hydrique », prévient Serge Zaka. Un constat déjà partagé par les adhérents du Ceta 35.
Nicolas Demy est producteur de lait bio dans le sud de l’Ille-et-Vilaine. « Depuis quelques années, nous avons augmenté les surfaces en herbe car le maïs rencontrait plus de difficultés, alors que le pâturage devient possible sur de plus longues périodes, détaille le jeune éleveur. Nous avons la chance d’avoir des possibilités d’irrigation. Avant on utilisait cette eau pour le maïs, maintenant on l’apporte sur la luzerne ». Même constat pour Benoît Hardy, producteur de lait à Épiniac (35): « En 2022, le rendement en maïs ensilage a été de 9 tMS/ha au lieu de 13 à 14 t habituelles. Si ça devient la norme, ça interroge sur l’intérêt de cette culture. »
Des essais sur le soja, le tournesol ou le pois chiche
Avec la hausse des températures, la répartition des cultures va changer. Celles que l’on connaît aujourd’hui dans le sud-ouest pourront s’envisager dans l’ouest. « Il faut commencer à envisager la viticulture ou des productions comme les abricots, les tomates de plein champ, le pois chiche ou la patate douce », encourage Serge Zaka.
Sur le terrain, les agriculteurs ont déjà entamé ce virage. Le Ceta fait des essais sur le soja, le tournesol ou le pois chiche, des cultures impensables en Bretagne jusqu’à maintenant. « Je pense diminuer le maïs pour faire du tournesol », partage Jacques Lainé, éleveur de porcs à Thourie. De son côté, Nicolas Demy a déjà diversifié ses cultures, avec du sarrasin et de l’orge brassicole.
La concentration des précipitations sur la période hivernale demande à repenser le travail du sol pour préserver l’humidité en été et diminuer le ruissellement. « La réduction du travail du sol aide à préserver la structure, donc la circulation de l’eau, constate Nicolas Demy. Pour pallier le manque d’eau, nous implantons nos céréales sous couvert. »
Adapter aussi son élevage
Il n’y a pas que sur les cultures que le changement climatique exige des adaptations. L’élevage est aussi concerné par des épisodes de stress thermique dont le nombre pourrait être multiplié par 2 à 4 en bordure de Manche. « C’est dès la canicule de 2003 que j’ai pris conscience de l’impact du stress thermique sur mes porcs, témoigne Jacques Lainé. J’ai fait le choix de diminuer la densité en passant en label rouge. Puis j’ai installé le cooling, laissé de l’herbe autour du bâtiment. Pour encore réduire le rayonnement, je pense poser des filtres UV sur les fenêtres et des toiles tendues. »
En élevage laitier aussi, la chaleur pénalise production et santé. « En 2022, le troupeau a connu des problèmes de reproduction, constate Benoît Hardy. Pour améliorer le confort estival des animaux, nous avons enlevé une partie du bardage pour augmenter la ventilation naturelle. » Nicolas Demy, lui, a misé sur le croisement de ses Holstein avec de la Jersiaise « pour avoir des vaches qui gèrent mieux les coups de chaud ».
Au niveau fourrager, les éleveurs constatent déjà des modifications du cycle des prairies, avec plus de pousse au printemps et en automne mais un creux estival plus marqué. « Pour y faire face, nous avons diversifié la composition floristique des prairies pour avoir des espèces qui continuent de pousser en été », partage Nicolas Demy. Benoît Hardy, lui, teste la diversification des ressources fourragères, avec des dérobées et du méteil. Pas à pas, en testant ensemble de nouvelles techniques, les agriculteurs s’adaptent à la nouvelle donne climatique.
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