Entre la dermatose et le Mercosur, paroles d'agriculteurs « écœurés »

De nombreux éleveurs sont prêts à poursuivre la mobilisation.
De nombreux éleveurs sont prêts à poursuivre la mobilisation. (©Compte X @Coordinationrur)

La colère des agriculteurs a éclaté, il y a dix jours au pied d'une ferme frappée par la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), avant d'essaimer aux quatre coins de France. « Entre la maladie et le Mercosur », paroles de paysans rencontrés ces derniers jours par les journalistes de l'AFP.

Les gendarmes en Ariège, « intolérable »

Baptiste Marquié, céréalier de Haute-Garonne, était en Ariège le 10 décembre devant l'exploitation des Bordes-sur-Arize, où les gendarmes mobiles sont intervenus pour permettre l'abattage total du troupeau de 207 vaches, où un cas de DNC avait été détecté. « On a vu que Madame Genevard (ministre de l'agriculture) nous estime très peu pour nous envoyer les blindés et l'armée », raconte-t-il sur un barrage sur l'A61.

« Tout marche à l'envers », s'exclame aussi Benjamin Kalanquin, ouvrier agricole en Ariège, « on est écœurés »: « ils déploient les CRS pour aller tuer 200 vaches mais, sur les points de deal, on ne les voit pas ! », dénonce le jeune homme, témoin des incidents devant la ferme ariégeoise.

Loin du Sud-Ouest, Lucien Jacquier Laforge, éleveur bovin en Isère, s'est mobilisé sur une opération escargot sur l'A43 : « Venir avec des (blindés) dans une ferme, les gazer sur place, c'est intolérable », fustige-t-il. « Qu'on abatte la vache qui est réellement malade, on est d'accord mais le troupeau, qu'on le mette en quarantaine. On ne fusille pas un troupeau comme ça ! »

Le troupeau, « notre deuxième famille »

Pascal Coen, dont le troupeau de 38 bêtes à Massingy, en Haute-Savoie, a été abattu cet été, souligne combien « c'est brutal ». « Je les ai accompagnées jusqu'au bout, j'ai attendu que la dernière tombe, c'était la doyenne du troupeau. (...) Pour nous, c'est assez dramatique parce que c'est notre deuxième famille, on se lève pour elles, on travaille toute la journée avec elles... Ça a été un grand vide, un grand choc émotionnel, c'était un deuil, c'est comme si on avait perdu un membre de notre famille. »

« Un troupeau ça ne se monte pas en cinq minutes », ajoute Benjamin Roquebert, éleveur de limousines à Capens, en Haute-Garonne. « C'est le travail d'une vie, de plusieurs générations ».

La vaccination, « faites vite »

« Faites vite pour la vaccination contre la dermatose, organisez-vous, faites ça », exhorte Pascal Coen, éleveur haut-savoyard, selon lequel c'est notre « cheval de bataille aujourd'hui » car « la maladie n'attend pas ».

À ce stade, « c'est la seule solution pour s'en sortir », estime Thimoléon Resneau, éleveur de l'Aude qui a fait vacciner son troupeau. Mais il fait part d'une « grosse inquiétude » : « si on trouve un cas positif dans notre troupeau vacciné, est-ce qu'on l'abat encore complètement ? »

La gestion de la dermatose, « un non-sens »

Pour Vincent Collineau, éleveur, rencontré sur le blocage de l'A63, l'abattage total pour éradiquer la DNC, « c'est un non-sens. Nous, on ne veut pas avoir cette épée de Damoclès au-dessus de la tête ». « Au final, on ne va pas pouvoir repeupler le cheptel comme il faut, si les abattages continuent », dénonce le coprésident de la CR de Gironde.

« Entre la maladie et le Mercosur », Benoît Laporte, éleveur dans le Lot, s'inquiète. « Si j'ai un abattage total, ce serait la fin de mon exploitation. Si ça m'arrive, j'arrête. Il faut avoir le courage de repartir. Moi je ne pourrai pas. »

Le Mercosur, « on ne veut pas en entendre parler »

« Avec le Mercosur, on va avoir la possibilité d'importer encore plus d'OGM, alors que nous, on n'a pas le droit d'en produire », dénonce Thibaut de Vulpillières, maraîcher et céréalier en Haute-Garonne, rencontré sur un barrage de l'A64 à Carbonne près de Toulouse.

« On ne veut pas en entendre parler », s'insurge Geoffroy Seeman, éleveur du Bas-Rhin, venu manifester devant le parlement européen à Strasbourg. « On nous explique qu'on a l'agriculture la plus vertueuse du monde et d'un coup d'un seul (...) on va faire rentrer des denrées de très très mauvaise qualité ». « Moi je ne suis pas d'accord pour que nos petits enfants mangent cette cochonnerie à la cantine ».

L'avenir du métier « en jeu »

« On travaille à perte, on a trop de charges, les coûts de production sont trop élevés, tout ce qu'on gagne, on l'a déjà dépensé », témoigne Benjamin Asna, éleveur de vaches gasconnes à Castex, en Ariège. « On nous demande de produire au cours mondial, avec un cahier des charges le plus drastique du monde, nous sommes désavantagés », dit-il.

« C'est ni plus ni moins notre avenir qui est en jeu », souligne, sur un blocage sur l'A20 à Brive, Loïc, qui ne donne pas son nom de famille.

Pour les fêtes, « on sera là »

« Tant que le gouvernement ne revient pas sur l'abattage systématique on sera là, le sapin arrive, manque plus que la crèche et les vaches », promet Jean-Louis, agriculteur tarnais rencontré sur le barrage de la rocade d'Albi.

« Le mouvement durera jusqu'à temps que la ministre cède », promet Alexandre Clare, président de la CR de Corrèze. « Et derrière, on verra s'ils veulent nous déloger, (...) on ne résistera pas, car qu'est-ce que vous voulez, on est des pauvres paysans ! » Pour Sébastien Rigoulat, « engraisseur » de bovins du Tarn, « les fêtes vont arriver et la France sera à l'arrêt ».

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Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,55 €/kg net +0,02
Vaches, charolaises, R= France 7,34 €/kg net =
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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