LES CHINOIS VEULENT BÂTIR UNE RELATION GAGNANT-GAGNANT

Daniel Delahaye, 65 ans, directeur général de la coopérative Isigny Sainte-Mère (Calvados) depuis 1991. Ingénieur agronome, il fait ses premiers pas dans la coopérative en 1974 en tant que stagiaire. Il est nommé directeur adjoint en 1980 et commence à développer l'activité export d'Isigny. Elle représente aujourd'hui 45 % du chiffre d'affaires via les poudres de lait infantile et les PGC beurre, crème et fromages. La signature, le 3 juillet 2013, d'un contrat de quinze ans avec le Chinois Biost
Daniel Delahaye, 65 ans, directeur général de la coopérative Isigny Sainte-Mère (Calvados) depuis 1991. Ingénieur agronome, il fait ses premiers pas dans la coopérative en 1974 en tant que stagiaire. Il est nommé directeur adjoint en 1980 et commence à développer l'activité export d'Isigny. Elle représente aujourd'hui 45 % du chiffre d'affaires via les poudres de lait infantile et les PGC beurre, crème et fromages. La signature, le 3 juillet 2013, d'un contrat de quinze ans avec le Chinois Biost (©)

Isigny Sainte-Mère construit deux tours de séchage dédiées aux poudres infantiles. Elle intègre dans le financement la participation de son client chinois Biostime. Ils sécurisent ainsi l'un et l'autre leur relation.

Comment Isigny a-t-elle obtenu un financement du Chinois Biostime pour ses deux tours de séchage ?

Daniel Delahaye : C'est un travail d'une dizaine d'années. Il faut remonter en 2006 et au souhait du conseil régional de Basse-Normandie de relancer son jumelage avec la région du Fujian, sur la côte est chinoise. Au retour de la délégation normande composée notamment d'entreprises, dont la coopérative, ces dernières ont lancé le club Chine-Normandie. J'en ai pris la présidence en 2009. Des relations se sont nouées. La coopérative a commencé à livrer des produits. La confiance entre elle et ses clients chinois s'est progressivement installée. Biostime, qui développe la vente de poudres infantiles, en faisait partie. Cela a abouti, en juillet 2013, à la signature d'un contrat de quinze ans avec l'entreprise.

En quoi consiste ce contrat ?

D. D. : Biostime finance 20 M€ des 55 M€ nécessaires à la construction de deux tours, dont 2,5 M€ d'entrée au capital social de la coopérative. En contrepartie, elle bénéficie de 18 000 t par an en rythme de croisière.

N'est-ce pas inhabituel qu'un client participe à un investissement, et encore plus, qu'il rentre dans le capital social d'une coopérative ?

D. D. : Les Chinois aiment travailler sur le long terme et en confiance dans un rapport gagnant-gagnant. À nous, Français, de mettre en avant nos différences, qu'ils pourront valoriser dans leur pays. En poudre de lait infantile, ils demandent une forte sécurisation et traçabilité du lait. Ils apprécient le modèle français, c'est-à-dire des troupeaux de taille raisonnable - pour eux, 150 vaches, cela reste raisonnable -, nourris à 95 % des produits de l'exploitation, dans le respect du bien-être animal. C'est sur cette relation gagnant-gagnant qu'Isigny et Biostime bâtissent leur partenariat. Nous apportons notre ancrage en Normandie et l'implication de Biostime permet de montrer aux autorités chinoises qu'il n'est pas un importateur comme les autres. Il faut avoir à l'esprit que les normes chinoises sont sévères. Les autorités sanitaires se déplacent dans les entreprises exportatrices avant de donner, ou non, leur agrément. Le nôtre vient d'être renouvelé. Ce partenariat y contribue sans doute aussi. Plus globalement, il apporte de la stabilité à notre structure.

Quelles autres cartes peut défendre la filière française en Chine ?

D. D. : Il ne faut pas se leurrer. La France n'est pas la seule à lorgner ce marché. D'autres pays comme le Danemark, les Pays-Bas et les États-Unis y sont actifs. Si notre filière ne s'y intéresse vraiment qu'aujourd'hui, face à son potentiel de consommation, elle peut encore jouer ses cartes. La gastronomie française est bien connue en Chine. Il faut se différencier de nos voisins européens, qui sont sur des produits de masse, en développant des produits de qualité qui pourront être vendus plus chers. Si les entreprises françaises se mettent en tête de se positionner sur des créneaux moins-disants, elles auront des problèmes de rentabilité. Isigny a choisi la poudre infantile. Elle s'engage à payer au prix « A » les 20 % de lait en plus proposés aux producteurs.

La Chine est friande des laits européens. Est-ce durable ?

D. D. : Des risques de retournements de marché, pour raison politique entre autres, sont possibles, mais travailler avec les GMS françaises comporte aussi des risques. La Chine veut développer sa collecte laitière mais je ne pense pas qu'elle sera suffisante pour répondre à ses besoins. Elle n'a pas assez de surfaces agraires et ne bénéficie pas d'un climat favorable au lait. Ce pays et, plus globalement, les pays émergents sont la chance de la vieille Europe. Nous n'avons pas le droit de les ignorer.

PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE HUE

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

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