Pourquoi avoir réalisé une étude prospective laitière ?
Marcel Denieul : Le pôle « herbivores » des chambres d'agriculture de Bretagne a travaillé sur la prospective laitière dans la perspective de disparition des quotas. Il s'agissait de voir comment évolueraient les besoins des éleveurs afin de recentrer les travaux de recherche sur de nouvelles attentes. Lorsque l'étude a été présentée à la conférence du bassin grand Ouest, le préfet a demandé que le travail soit poursuivi en intégrant l'ensemble du bassin, de la production à la transformation. C'est intéressant, car il faut une cohérence entre l'obtention des marchés, l'évolution des outils industriels et la croissance de la production. Cependant, on observe une dissymétrie entre les différents niveaux. Si l'on voit assez bien ce qui se passe en élevage, c'est plus opaque chez les industriels.
Quelles en sont les principales conclusions ? À quoi cela sert-il ?
M.D. : Nous voulions une telle étude pour construire un projet de filière. Entre la poursuite des tendances récentes, le déclin ou le développement, ce sont cinq scénarios qui ont été décrits à l'horizon 2025. Nous y avons réfléchi au sein des chambres d'agriculture mais aussi avec l'interprofession laitière. L'un de ces scénarios apparaissait très profitable pour la région. Nous avons décidé de mettre tout en oeuvre pour qu'il se réalise.
Ce scénario est celui d'un dynamisme fort sur des marchés libéralisés. Il parie sur un développement fort de la production qui passerait à 6 milliards de litres en 2020 contre 5,2 aujourd'hui. Cette croissance serait tirée par des investissements industriels conçus pour répondre à une demande soutenue à l'export. Ce scénario est le plus positif en termes de nombre d'exploitations. Elles seraient néanmoins deux fois moins nombreuses en 2025 qu'en 2010, soit environ 7 000. Nous avons choisi cette base pour définir notre stratégie il y a un an. La réalité nous donne raison puisque depuis, la demande à l'export est restée forte. Et des industriels investissent pour y répondre.
Quelles actions engagez-vous pour favoriser cette stratégie ?
M.D. : Il s'agit de créer le contexte pour que la croissance soit possible. Il faut identifier les points faibles ou facteurs limitants et trouver des solutions pour les contourner. La productivité du travail va augmenter et il faudra accompagner les exploitants fragilisés par les investissements, surtout dans un contexte de volatilité des prix. La question de la main-d'oeuvre est cruciale. On prévoit 1 200 salariés sur les élevages laitiers bretons en 2020 contre 750 en 2010. Il faut donc inciter les centres de formation à les recruter et à les former. Les éleveurs devront apprendre à être employeurs. Dans ce but, mais aussi pour soutenir l'installation (400/an), nous devons renforcer l'attractivité du métier. On étudie l'opportunité d'encourager les contrats de génération pour faciliter la transmission.
De plus, le plan bâtiment arrive à point nommé pour soutenir la modernisation. Nous nous investissons politiquement pour qu'il réponde aux besoins. Et nous rencontrons les élus pour qu'ils comprennent l'impact de cette stratégie laitière, en termes d'emplois et de vitalité des territoires.
Enfin, la recherche appliquée doit travailler pour répondre aux nouvelles problématiques d'organisation du travail, d'automation, mais aussi de techniques de production. Il ne s'agit pas de définir une exploitation type. L'étude aboutit à une moyenne de 130 vaches par élevage, mais chacun évolue selon ses aspirations. L'agrandissement me semble inéluctable. Il nous faudra veiller à ce que cela ne nuise pas à l'image des élevages et du lait. Quant à l'environnement, l'étude s'est assurée que les règles seront respectées. Cela sera compliqué dans certaines zones, mais c'est faisable. Je suis persuadé que nous avons une très belle histoire à écrire.
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