La majorité des éleveurs connaît les avantages des modes de production à l'herbe : performances économique et environnementale, santé animale, autonomie protéique... On pourrait y ajouter une meilleure résistance à la volatilité des prix. Mais pour beaucoup, il est difficile de résister à la sécurité du système fondé sur le maïs. Les éleveurs se sentent tranquilles une fois que le silo est plein. L'herbe pâturée apparaît bien plus compliquée à gérer et moins sécurisante, car la qualité et les rendements sont très liés à la météo. Il faut dire que l'agronomie est le parent pauvre du parcours de formation au métier d'éleveur.
Autre point négatif des systèmes herbagers pour les éleveurs conventionnels : ils sont peu productifs et offrent des conditions de travail qui ne séduisent pas.
Ces appréciations ressortent d'enquêtes réalisées auprès d'éleveurs peu herbagers dans l'Ouest. Elles s'intégraient dans un projet Casdar dénommé PraiFace et conduit entre 2011 et 2013 dans l'objectif de faciliter les évolutions vers des systèmes herbagers économes pour une transition agro-écologique(1).
Une deuxième série d'enquêtes, réalisée auprès d'éleveurs convertis à l'herbe, a montré l'importance du travail en groupe pour se lancer. Cela rassure. Mais bien souvent, l'idée mûrit longtemps et il faut un déclic pour oser sauter le pas. Les motivations les plus fréquemment citées par les éleveurs concernent le travail, l'économie et des valeurs écocitoyennes.
Sur les quarante agriculteurs interrogés, neuf sur dix sont satisfaits du changement.
Chacun a sa vision des conditions de travail
Pour les réseaux d'agriculture durable, ces enquêtes sont riches d'enseignement et permettent de réorienter les actions visant à promouvoir les systèmes herbagers. Inutile de mettre l'accent sur les atouts : ils sont connus et cela ne suffit pas pour convaincre. En revanche, des journées techniques orientées sur le travail ou sur la gestion de l'herbe peuvent intéresser un grand nombre d'éleveurs.
« Nous devons éviter de mettre en avant des modèles qui semblent inaccessibles », précise Jean-Marie Lusson, du Réseau agriculture durable.
La question du travail est intéressante car les appréciations divergent, entre ceux qui déplorent une dégradation avec l'herbe et ceux qui estiment travailler moins grâce à ce choix. Ces divergences s'expliquent par un rythme et des tâches différents. Selon les personnes, entretenir les clôtures, par exemple, peut être vécu comme une contrainte ou un plaisir.
Enfin, le côté souvent militant des défenseurs de l'herbe peut constituer un frein à l'élargissement du réseau.
PASCALE LE CANN
(1) Les principaux partenaires : réseau de l'agriculture durable, ministère de l'Agriculture, agence de l'eau Loire-Bretagne et Seine-Normandie, régions Bretagne et Pays de la Loire, Inra, Institut de l'élevage.
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