Quelle est l'évolution de la dynamique laitière pour la campagne 2013-2014 ?
Gérard You : En 2013, la production des principaux pays exportateurs a été ralentie au premier semestre du fait d'un prix du lait peu attractif, de la cherté des intrants et des conditions climatiques. Dans un contexte de demande internationale soutenue, cette baisse de production a contribué au redressement des cours. Stimulée par l'envolée du prix du lait, la collecte a alors rebondi dès le second semestre dans presque toute l'UE. Ce sont les pays très tournés vers les marchés mondiaux qui profitent le plus de cette augmentation des cours. C'est pourquoi on observe un écart croissant, à partir de l'été, entre le prix payé aux éleveurs allemands, néerlandais ou irlandais et celui versé aux Français. Au final, la collecte européenne progresse de 0,8 % par rapport à 2012 et se stabilise en France. Ce supplément a été essentiellement transformé en fromages, l'UE confortant ainsi sa place de premier exportateur de fromages et de poudre de lactosérum. La sous-réalisation de l'UE reste tout de même importante : environ 6 millions de tonnes selon nos estimations pour la campagne 2013-2014, soit presque 5 % de la référence communautaire.
Après le rebond de la collecte hivernale, quelles sont les perspectives pour 2014 ?
G. Y. : Selon nos estimations, la collecte de l'UE pourrait croître de 2,5 % (sur 141 millions de tonnes en 2013), avec un prix du lait payé aux alentours de 400 €/t. En France, où 60 % de la collecte est écoulée sur le marché intérieur, le mécanisme d'évolution du prix est grippé, ce qui risque de limiter la hausse. La collecte pourrait cependant bondir de 1 million de tonnes (4 %) si les transformateurs privés ne brident pas la capacité de leurs livreurs. La France réaliserait ainsi sa référence à l'issue de la campagne 2014-2015. Autrement dit : réaliser son quota à la veille de sa disparition. Dans le même temps, la croissance de la collecte aux États-Unis reste limitée à cause du manque d'eau à l'Ouest, mais aussi parce que face à la volatilité, les éleveurs recherchent plus à renforcer leur autonomie qu'à augmenter la taille des troupeaux à tout prix. Les Néo-Zélandais, à nouveau touchés par la sécheresse, risquent d'être encore impactés au premier semestre. Ces perspectives stimulent la production, notamment en Europe du Nord où les pénalités ne sont plus dissuasives. Le supplément de collecte sera, comme les années précédentes, écoulé vers les pays tiers, principalement sous forme de fromages, de poudre de lait et de poudre de lactosérum. Sauf imprévu, le marché des produits laitiers restera bon, voire très bon, au moins jusqu'à l'automne prochain. Il dépendra ensuite du rythme de reprise de la production néo-zélandaise et de la demande des pays importateurs.
À quoi tient le maintien d'un prix élevé à long terme ?
G. Y. : Le dynamisme laitier est aussi un facteur de risque sur l'équilibre de marchés libéralisés. Fin 2014, si la reprise de la collecte est forte en Nouvelle-Zélande (printemps austral) et aux États-Unis, l'offre peut redevenir abondante et entraîner un retournement des marchés dont l'équilibre risque, à tout moment, d'être affecté par des aléas sanitaires, économiques ou monétaires, par définition non prévisibles et aux effets contrastés. En dernier ressort , ce sont les éleveurs qui subiront alors les retournements de conjoncture. Aux États-Unis, face à cette situation, la pré-éminence des charges opérationnelles permet aux producteurs de s'ajuster plus facilement, et d'autant plus avec l'assurance marges prévue par le Farm Bill. En Europe, en situation de crise, les éleveurs auront intérêt à court terme à augmenter les volumes pour diluer le poids des charges de structure, un phénomène qui accentuerait la crise. L'ajustement de l'offre se ferait alors par l'arrêt des plus fragiles. Cela oblige les éleveurs à anticiper de tels retournements et à gérer leur exploitation sur plusieurs exercices.
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