FAIR MILK : DANS LES PAS DES BELGES

Erwin Schopges et Dacian Ciolos présentent la crème glacée Fairebel. « Les agriculteurs doivent réapprendre à oeuvrer ensemble et aller vers le consommateur. La future Pac devra les encourager à aller en ce sens », a déclaré le commissaire européen© D. PAILLARD
Erwin Schopges et Dacian Ciolos présentent la crème glacée Fairebel. « Les agriculteurs doivent réapprendre à oeuvrer ensemble et aller vers le consommateur. La future Pac devra les encourager à aller en ce sens », a déclaré le commissaire européen© D. PAILLARD (©)

Le projet de lait équitable français s'appuie sur l'expérience des producteurs laitiers belges. Un pays où la démarche séduit consommateurs et distributeurs, mais pas l'amont de la filière.

ADHÉRENTES DE L'EUROPEAN MILK BOARD (EMB), l'OPL et l'Apli tentent de mobiliser les éleveurs autour du projet de lait équitable, traduction française de l'anglais fair milk (www.fairmilk.org). À l'état de projet en France, le fair milk est une réalité dans plusieurs pays. Tout d'abord en Autriche, où la fédération IGMilch commercialise, depuis 2007, du lait UHT sous l'appellation A faire milch. La marque est ensuite déposée par l'EMB et le concept mis en pratique par ses organisations membres. En janvier 2010, la Fédération des producteurs laitiers allemands (BDM) lance sur le marché Die Faire Milch, suivie en avril 2010 par les Belges du MIG sous l'étiquette Fairebel. Au Luxembourg, D'Fair Mëllech est commercialisé depuis février 2011 et aux Pays-Bas, depuis novembre dernier, où la Fédération des producteurs laitiers néerlandais (NMV) propose un lait chocolaté Fairtrade.

L'animation commerciale, réalisée par les éleveurs en magasin, et la rémunération équitable des intervenants de la filière, sur la base d'un litre de lait vendu autour de 0,90 €, sont à l'origine des initiatives européennes du fair milk.

ADHÉSION À LA COOPÉRATIVE FAIREBEL

Certains pays vont plus loin et promettent aux consommateurs un fourrage sans OGM, un engagement dans un projet écologique (Allemagne), ou la mise en pâturage des vaches et l'acquisition du label de commerce équitable Max Havelaar (Pays-Bas).

En France, les porteurs de ce projet ont créé Fair France, une succursale rattachée à la coopérative belge Fairebel. « Il s'agit d'une situation transitoirequi permet de nous appuyer sur une structure juridique existante, en vue d'accélérer la mise en oeuvre du projet, explique Richard Blanc, président de Fair France. Nous bénéficions ainsi du soutien administratif et commercial des équipes de Fairebel, dans l'attente de créer notre propre coopérative. » Dès lors, connaître l'organisation mise en place en Belgique apporte un éclairage sur le projet soumis aux éleveurs français. Au coeur de la crise de 2009, portés par la dynamique née de la grève du lait, plus de 450 éleveurs, principalement wallons et sympathisants du MIG, créent Fairebel.

SOUTENU PAR LA RÉGION WALLONNE

Ils enregistrent le soutien du ministre de l'Agriculture wallon, Benoît Lutgen. « Grâce à ce soutien, les adhérents bénéficient d'une dotation de la région de 1 000 pour l'achat de parts sociales », explique Erwin Schopges, président de la coopérative. L'adhésion est fixée entre 1 000 et 2 000 €, l'équivalent de vingt-cinq parts.

À partir du capital ainsi constitué, Fairebel peut se positionner sur le marché Spot, y acheter des volumes de lait mis en bouteilles par un transformateur avec le logo équitable, puis commercialisés dans la grande distribution.

Fairebel est donc une coopérative d'achat et de revente. Ses membres continuent de livrer leur laiterie indépendamment. Sur chaque litre de lait vendu, 10 centimes d'euro de plus-value sont redistribués aux adhérents. « Après deux ans d'expérience, nous avons instauré un fonds de roulement qui nous permet d'acheter du lait sur le marché, tout en rétribuant nos sociétaires, souligne Erwin Schopges. À l'issue du dernier exercice, nous avons ainsi redistribué 750 aux adhérents titulaires de vingt-cinq parts. » La coopérative refuse de communiquer les volumes commercialisés. Ceux-ci seraient compris entre 6 000 et 10 000 l par adhérent. « Dans un premier temps, ce n'est pas le volume qui importe, mais la reprise en main de la commercialisation par l'éleveur. C'est pourquoi il est essentiel que chacun consacre cinq jours par an à la promotion en magasin pour vendre aux consommateurs l'idée qu'une rémunération équitable de tous les acteurs de la filière est possible. »

DU LAIT COLLECTÉ AU LUXEMBOURG

Dans le même temps, les adhérents privilégient le placement des bénéfices en parts sociales pour accroître leur capacité à acheter des volumes. Mais pas question de penser à la collecte, « pas avant d'avoir atteint l'équivalent de 50 % du volume de nos adhérents ». Fairebel s'est engagé auprès du Crioc, la principale association de consommateurs belges, à ce que les volumes vendus sous label équitable soient, à terme, collectés en Belgique auprès de ses adhérents, conformément aux accords passés avec LuxLait, transformateur luxembourgeois partenaire du projet. Car le lait équitable belge est collecté et conditionné… au Luxembourg. Fairebel s'est adressé à la coopérative LuxLait à la suite du refus des laiteries belges de mettre du lait en briques pour son compte. La tentation est forte de trouver un motif syndical au refus des laiteries, issues à 80 % du monde coopératif, d'accompagner un projet porté par un syndicat émergeant. La Confédération belge de l'industrie laitière, par la voix de son porte-parole Rennat Debergh, propose une explication moins passionnée : « Les laiteries n'ont aucun intérêt à participer à l'émergence de nouveaux produits qui se positionnent directement en concurrence avec leurs propres marques. »

UN LOGO QUI FAIT DÉBAT

De son côté, LuxLait a saisi l'opportunité de s'ouvrir les portes du marché belge, comme l'explique Dirke Hense, son directeur de communication : « Le marché luxembourgeois est saturé en terme de consommation de produits laitiers. Notre stratégie consiste donc à élargir notre activité à l'export. À ce titre, le lait équitable de Fairebel, bien implanté dans la grande distribution, représente un débouché sur un marché d'export de proximité. En plein accord sur nos objectifs réciproques, nous avons donc pris un engagement sur les cinq années à venir. »

Dans un premier temps, le Crioc et la filière du lait et des produits laitiers wallonne (FLPLW) ont porté plainte pour pratique commerciale trompeuse. « Tant le nom de Fairebel que le packaging font référence à une origine belge du lait, souligne Morgane Caminiti, juriste du Crioc. Ceci peut être traduit comme une pratique commerciale de nature à induire le consommateur en erreur. » Fairebel a retiré les mentions « 100 % belge » de sa communication et l'association de consommateurs a finalement reconnu le caractère belge du projet et le refus des laiteries de travailler avec Fairebel dans l'origine luxembourgeoise du lait.

ÉQUITABLE ET BIOLOGIQUE

Après deux années, Fairebel a élargi sa gamme avec le lait chocolaté et plus récemment avec la crème glacée aux parfums vanille, chocolat-vanille et pure lait, cette fois transformée par une entreprise belge de la région de Liège. Ces trois spécialités sont fabriquées à partir de lait bio collecté par Biolait. On les trouve dans les magasins Carrefour et prochainement dans les enseignes Intermarché et Champion. Sur ce modèle, Fair France a besoin de 3 millions d'euros pour concrétiser son projet, sur la base d'adhésions comprises entre 1 000 et 4 000 €. Richard Blanc est confiant sur la faisabilité d'un partenariat avec un industriel français. « Nous allons tout faire en ce sens. Dans le cas contraire, nous saurons nous tourner vers un partenaire européen. » Les laiteries françaises ont su mettre en briques Le lait d'ici. Elles seront sans doute attentives à un produit positionné sur un marché de niche qui correspond à une tendance de consommation.

JÉRÔME PEZON

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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Maladies
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Herbe

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