Un quart des adhérents déjà engagés dans la procédure

Le combat « à l'américaine » fait son entrée dans les campagnes françaises. La récente loi d'avenir donne la possibilité à une organisation de producteurs de lancer une action en justice au nom de ses adhérents, si elle estime que le contrat n'est pas respecté. Les conseils d'administration de l'OP Normandie Centre (550 adhérents dont 320 dans l'Orne pour 220 Ml) et de l'OP de Cuincy (140 adhérents dans le Nord) ont choisi ce mode d'action envers Lactalis. « En 2013 et 2014, nous considérons que Lactalis n'a pas respecté la clause sur la fixation du prix du lait », indique Max Vié, président de l'OPNC. C'est pour la même raison, mais seul, qu'il s'est engagé, voilà un an, dans une action juridique contre le Lavallois (p. 86). « Comparé aux indicateurs de marché du contrat, nous estimons un manque à gagner de 20,20 €/1 000 l. Soit 4,6 M€ à l'échelle de l'OPNC. » Elles veulent les récupérer et surtout qu'ils soient réintégrés dans le prix moyen 2014 qui sert au calcul des prix mensuels 2015.

Il reste à convaincre les producteurs de donner leur mandat individuel pour que les deux OP emmènent l'action en justice. Contrairement à une association de consommateurs, il faut en effet les mandats des adhérents.

L'action aura plus de poids si un maximum leur emboîte le pas et coûtera moins cher en frais de justice, évalués à 275 € par adhérent si trois cents s'engagent.

180 mandats signés

L'OPNC bat donc la campagne. Depuis le 9 février et jusqu'au 4 mars, elle organise une quinzaine de réunions d'information suivies, une semaine après, d'une permanence pour recueillir les mandats signés. Les mandataires fournissent également les douze factures de lait de 2013 et les douze de 2014. À mi-parcours, 170 producteurs se sont déplacés et 120 ont remis leur mandat. Il faut ajouter les 60 mandats signés au 20 février dans le Nord. Un quart des 690 adhérents sont donc déjà engagés. « C'est encourageant », estime Max Vié. L'appréhension de voir la relation avec Lactalis se dégrader et la crainte de ne pas avoir accès à des volumes en plus s'il y a un projet d'installation ou de développement peuvent faire hésiter. Des désaccords au sein des Gaec peuvent aussi être un frein.

Demande de médiation

Sans doute les OP reculeront-elles aussi au maximum le moment de fournir la liste des mandataires, si elle leur est demandée. Les livreurs qui prennent la parole dans les réunions - mais ce sont aussi les plus motivés - expriment leur soutien. « Enfin, une vraie action de l'OP », se réjouit un jeune. « Si Lactalis ne veut plus de nous, nous irons voir ailleurs », indique un autre. Outre une adhésion massive de leurs troupes, les deux OP espèrent le ralliement des autres OP Lactalis, en particulier celui des Bretons (ci-contre). En attendant, la première étape de la procédure est lancée : une médiation, sous l'égide du médiateur des relations commerciales. Le 9 février, toutes deux ont envoyé à Lactalis un courrier avec une réponse souhaitée avant le Salon de l'agriculture. En cas d'échec, la procédure en référé sera lancée, suivie d'une expertise. « Si cette dernière ne nous donne pas raison, pas question d'emmener plus loin les producteurs dans cette action. »