Est-ce toujours la mission de la FNPL de défendre le prix du lait ?
Patrick Ramet : La négociation du prix du lait a longtemps été la partie visible de l'activité de la FNPL, trop souvent la seule sur laquelle nous étions jugés. Cette période est terminée. L'interprofession n'est plus le lieu de négociation du prix. Les organisations de producteurs montent en puissance et dans un monde sans quotas, c'est d'abord le marché qui fera le prix du lait. La FNPL doit donc changer de posture. Elle reste toutefois un acteur sur le prix du lait via son observatoire des prix mensuel. Elle reste également une force de dénonciation de dérives potentielles dans les pratiques contractuelles. À ce titre, nous ne pouvons pas admettre l'attitude de certaines entreprises qui nient le fonctionnement des contrats. De plus, la FNPL est auprès des OP pour les aider à se structurer, à se former, et à se professionnaliser dans la négociation commerciale.
Cette vision, qui bouscule la raison d'être d'hier de nombre de responsables, est-elle partagée à la FNPL ?
P.R. : Ce serait une erreur d'opposer syndicalismes de revendication et de proposition : pour bien défendre et représenter les producteurs, il faut à la fois un syndicalisme qui exprime une vision politique pour la filière, un syndicalisme qui s'oppose à l'intolérable (sur-administration, réglementation arbitraire, non-respect des contrats...), et un syndicalisme qui agit pour améliorer le fonctionnement quotidien des exploitations.
Quelle pourrait être la nouvelle base d'action du syndicalisme ?
P.R. : Sans délaisser sa fonction de force de proposition législative et stratégique au plan national (loi d'avenir), européen (construction de nouveaux outils de gestion de crise) ou international (arbitrages au sein de la FIL sur des sujets sociétaux, comme le bien-être animal ou les gaz à effet de serre), la FNPL doit accompagner les producteurs dans la restructuration spectaculaire qui est en cours. D'ici à 2025, les exploitations produiront entre 700 000 et 1 million de litres avec des investissements importants. C'est une réalité, qu'on le veuille ou non. Alors que ces exploitations seront plus fragiles en période de crise, il nous faut préparer cette mutation en imaginant des outils d'accompagnement et en travaillant sur des éléments déterminants du revenu des producteurs.
Comment récupérer du revenu ?
P.R. : Il est possible de gagner plusieurs dizaines d'euros aux 1 000 l en actionnant certains leviers techniques. La maîtrise de la qualité du lait et des mammites est un enjeu fondamental. Nous décrochons de 10-20 €/1 000 l par rapport à nos voisins d'Europe du Nord. Sur le terrain, les plans mammites sont divers et l'approche des intervenants varie. Alors que la France a développé les meilleurs outils de génotypage, dans l'utilisation sur les exploitations, on prend du retard sur nos concurrents. Améliorer de 10 % l'efficacité alimentaire est également à notre portée. De même, sur la maîtrise du taux de renouvellement, trop souvent subi dans les élevages et qui varie de 20 à 40 %, il y a des marges de manoeuvre.
Le syndicalisme doit-il reprendre la main sur les organismes techniques ?
P.R. : Non. Mais sa légitimité lui permet de réunir, autour d'une même table, les organismes techniques et scientifiques impliqués dans ces thématiques. Il faut aller chercher collectivement ces suppléments de revenus qui permettront en temps de crise de faire le dos rond et relever le défi de la formation des hommes. Passer de chef d'exploitation avec 40 vaches à chef d'entreprise avec 110 vaches, des associés ou du salariat, nécessite des compétences de management d'équipe et de nouveaux outils de pilotage.
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