« LES FARMERS SONT MIEUX ARMÉS CONTRE LA VOLATILITÉ »

Jean Cordier, 63 ans, est professeur en économie à Agrocampus Ouest et directeur adjoint de l'UMR Smart Inra-AO à Rennes. Spécialiste de la gestion des risques agricoles (marché, climatique et sanitaire), il travaille sur la conception, la mise en oeuvre et la coordination des instruments de gestion privés, et des politiques publiques. Il est l'auteur en 2015 d'une étude pour le Parlement européen sur une comparaison des outils de gestion des risques proposés par le Farm Bill 2014 et la Pac 2014
Jean Cordier, 63 ans, est professeur en économie à Agrocampus Ouest et directeur adjoint de l'UMR Smart Inra-AO à Rennes. Spécialiste de la gestion des risques agricoles (marché, climatique et sanitaire), il travaille sur la conception, la mise en oeuvre et la coordination des instruments de gestion privés, et des politiques publiques. Il est l'auteur en 2015 d'une étude pour le Parlement européen sur une comparaison des outils de gestion des risques proposés par le Farm Bill 2014 et la Pac 2014 (©)

Jean Cordier est de ceux qui considèrent que les éleveurs américains disposent, avec le nouveau Farm Bill, d'un avantage concurrentiel sur le marché mondial par rapport aux éleveurs européens et leur Pac 2014-2020.

En quoi consiste le nouveau système d'assurance du Farm Bill laitier 2014 ?

Jean Cordier : Il propose un système de protection du revenu de l'éleveur laitier, appelé Margin Protection Program ou MPP-Dairy, en remplacement du programme Milk Income Loss Contract (MILC). Le MPP-Dairy est géré par la Farm Service Agency (FSA) comme l'était le MILC. Parallèlement, le Farm Bill conserve le programme Livestock Gross Margin Dairy Insurance (LGM-Dairy) proposé aux éleveurs par des sociétés d'assurance, donc sous la responsabilité de la Risk Management Agency (RMA). La prime LGM-Dairy est actuarielle et fondée sur des prix de marché, tandis que la prime du programme MPP-Dairy est fixée par le ministère de l'Agriculture (USDA). In fine, le producteur laitier doit choisir entre deux programmes de couverture de la marge sur coûts alimentaires : une réelle police d'assurance (LGM-Dairy) très individualisée ou un contrat financier standardisé du type option (MPP-Dairy). Ce dernier contrat n'est pas une assurance marge comme souvent caractérisé, mais vraiment une option financière.

L'option de base proposée, quasi gratuite, fournit une marge sur coût alimentaire garantie de 4 $/cwt (environ 50 kg). Le producteur peut aussi payer une prime afin de garantir une marge supérieure jusqu'à 8 $/cwt. Le niveau de prime est différent selon le volume de production de l'éleveur (seuil de deux millions de litres environ). Comme les valeurs de prime, les valeurs de marché du lait et du coût alimentaire, donc des compensations, sont fixées par l'USDA.

Connaît-il un réel succès pour sa première année de lancement ?

J.C. : 50 % des producteurs de lait ont souscrit au MPP-Dairy fin 2014 alors que les conditions de marché étaient favorables. Le taux de souscription est plus fort dans les États très producteurs. 55 % des souscriptions portent sur le niveau de marge garantie le plus faible (4 $/cwt). La souscription de marge garantie plus élevée est plus importante dans les États faiblement producteurs. On peut ainsi considérer que la participation au programme MPP-Dairy est un succès dès 2014. Il devrait s'amplifier dans les prochaines années, surtout si la conjoncture du marché mondial laitier se détériore.

Ce dispositif donne-t-il vraiment un avantage aux producteurs américains pour affronter le marché mondial ?

J.C. : Ils bénéficient d'une sécurité de marge garantie par le contribuable sans réelle limitation de budget (quelques restrictions au MPP-Dairy peuvent être mises en place par l'USDA) et d'une assurance marge individuelle (mais dans un volume limité de subvention publique au LGM-Dairy).

Les producteurs européens ne disposent pas d'un tel niveau de sécurisation du revenu dans la mesure où il n'existe pas de programme d'intervention prenant en compte leur marge. Les programmes agricoles du règlement européen 1 308/2013 du premier pilier de la Pac 2014-2020 ne précisent pas les conditions d'intervention publique lors de conditions catastrophiques de marché sur celui du lait et/ou des coûts alimentaires. Enfin, les instruments de gestion du risque suggérés dans les articles 36 à 39 du règlement européen 1 305/2013 sont actuellement inopérants. Tout reste à faire pour qu'ils soient réellement construits.

On peut donc considérer que les éleveurs américains disposent d'un avantage concurrentiel sur le marché mondial par rapport aux Européens. La Pac 2014-2020 néglige complètement la gestion des risques agricoles spécifiques en privilégiant les paiements directs. Une réorientation du budget est nécessaire pour que les instruments privés de gestion du risque soient supportés par de l'aide publique lors de situations catastrophiques de marché.

PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-MICHEL VOCORET

Aperçu des marchés
Vaches, charolaises, U= France 7,1 €/kg net +0,05
Vaches, charolaises, R= France 6,94 €/kg net +0,02
Maïs Rendu Bordeaux Bordeaux 190 €/t =
Colza rendu Rouen Rouen 465 €/t +3

Météo
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Maladies
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Herbe

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